Laetitia Colombani a scénarisé et réalisé son troisième long métrage La tresse en adaptant son premier roman du même nom. Le film nous arrive ce vendredi après un très beau parcours en France. Récit d’une aventure qui ne cesse de se prolonger.

Si Laetitia Colombani devait accepter que son roman à succès La tresse soit adapté au cinéma, il fallait que ce soit elle qui signe le scénario. En en parlant avec elle, on comprend tout de suite que ce n’est pas par ego qu’elle a senti le besoin d’être celle qui porterait à l’écran ce livre lu par des millions de personnes dans le monde. Elle semble en fait toujours étonnée de voir le chemin qu’a parcouru ce roman publié en 2017 : les cinq millions d’exemplaires vendus, les traductions en plusieurs dizaines de langues, l’adaptation en livre pour enfants, l’adaptation en pièce de théâtre (à venir bientôt) et, aujourd’hui, le long métrage qui en découle et qu’elle a réalisé elle-même. Si l’histoire des trois femmes de La tresse devait être racontée à l’écran par Colombani elle-même, c’est parce qu’elle y tenait beaucoup trop pour la laisser entre les mains d’un ou d’une autre cinéaste.

« J’ai été contactée par des producteurs dès la publication du roman et j’ai voulu prendre un moment pour y réfléchir », confie Laetitia Colombani, rencontrée à Montréal cette semaine, lors de son passage dans la métropole, où elle a d’ailleurs filmé le tiers de son film.

PHOTO TAHA AHMAD, FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Mia Maelzer (Smita) et Sajda Pathan (sa fille, Lalita)

« J’étais un peu effrayée par l’ampleur du projet : un film ambitieux, tourné sur trois continents, dans trois langues, dont deux que je ne maîtrisais pas. J’avais beaucoup d’interrogations. Et quand je me suis demandé si je vivrais bien avec le fait de confier cette histoire tellement personnelle, que j’ai nourrie pendant deux ans, à un autre réalisateur, la réponse était non. »

Le récit de La tresse, bien qu’il touche à des cultures qui ne sont pas celles de l’auteure, bien qu’il raconte des quotidiens qu’elle n’a pas vécus, est intimement lié à la vie de Laetitia Colombani. D’abord parce que le personnage de Sarah est inspiré par sa meilleure amie, elle aussi avocate, elle aussi atteinte, il y a quelques années, d’un cancer. Aussi parce que l’Inde est un pays qu’elle a souvent visité et qui la fascine. Enfin et surtout parce que la cinéaste a toujours été inspirée par les femmes. « J’avais envie de parler d’elles », dit-elle.

J’ai pris conscience que je voulais raconter des personnages féminins qui ne soient pas des faire-valoir ou des femmes-objets ou des victimes, mais plutôt des femmes fortes, courageuses, qui prennent leur destin en main.

Laetitia Colombani

Alors sont nées sous sa plume Smita, Giulia et Sarah, trois femmes vivant respectivement en Inde, en Italie et au Canada, qui n’ont a priori rien en commun, mais qui partagent en fait un pouvoir de résilience accru ainsi qu’un morceau de leur histoire. « Je voulais toucher à différentes cultures et différents continents pour créer un parallèle et montrer des femmes très différentes tout en suggérant à quel point on a besoin de courage pour avancer dans la société quand on est une femme », raconte Laetitia Colombani.

PHOTO LAURENT GUÉRIN, FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Kim Raver (Sarah)

Trois histoires à raconter

Au moment de passer du roman à la rédaction d’un scénario, l’un des grands défis pour Laetitia Colombani était de garder dans le récit la fluidité qui permet de naviguer entre trois histoires sans se perdre. Un atout de son roman pour favoriser cet exercice : son côté cinématographique. « J’ai une formation d’une école de cinéma, je pense beaucoup en termes d’images et ça a affecté ma manière d’écrire le roman, je le visualisais déjà en scènes », explique la cinéaste.

Le travail d’adaptation n’a pas été des plus faciles. Il a fallu une année d’écriture pour en arriver au résultat final, avec l’aide de l’autrice et scénariste Sarah Kaminsky, avec qui elle travaille pour tous ses scénarios. « Je lui fais lire mes romans et tous mes scripts, et là, j’avais vraiment besoin d’elle pour avoir un certain recul, dit Laetitia Colombani. Elle m’a apporté la possibilité de m’écarter un peu du livre, dans la partie italienne en particulier, pour pouvoir aller plus loin dans les enjeux de l’histoire dans le scénario. J’ai pu revenir sur mon travail, l’approfondir et l’améliorer. »

Pour incarner sa Smita, sa Sarah et sa Giulia, Laetitia Colombani dit avoir vécu un processus de distribution « extrêmement simple ». « Je n’ai pas choisi [les actrices], je les ai reconnues », affirme-t-elle, un sourire aux lèvres.

Le tournage a ensuite duré six mois, un marathon intense, passé à coups de deux mois d’abord en Inde, puis à Montréal et finalement en Italie. Son équipe et elle « devaient toujours avoir une longueur d’avance », c’est-à-dire planifier le prochain tournage en même temps qu’ils captaient les images dans un pays donné.

PHOTO SARA SABATINO, FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Fotinì Peluso (Giulia) et Avi Nash (Kamal)

Sans être de tout repos, la confection de La tresse a été une expérience exceptionnelle pour Laetitia Colombani. Cette histoire ne cesse d’ailleurs de lui donner accès à des moments qu’elles n’auraient pas cru vivre en écrivant le livre. Parce que sa fille était enfant lorsque le roman est sorti, elle a eu l’idée d’en faire un livre illustré pour les plus jeunes. Elle a gagné des prix et voyagé grâce au roman. Maintenant, La tresse prend son envol au grand écran. Le film rencontre un franc succès en France et arrive ces jours-ci de notre côté de l’Atlantique. Le récit du tournage se retrouve aussi consigné dans un livre, publié chez Grasset, dans lequel la cinéaste raconte les mois qui ont mené au film.

« Il n’y avait rien de prévu, tout a été une heureuse succession d’évènements », nous confie Laetitia Colombani. La tresse, universelle série d’histoires, a su toucher le public sous toutes ses formes. Pour la cinéaste et autrice, c’est le résultat d’une « petite magie », qui se prolonge au-delà ce dont elle aurait pu rêver.

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