Ayant lui-même manié le fleuret, l’épée et le sabre au grand écran, Vincent Perez rend hommage à l’art du duel dans Une affaire d’honneur. Ce faisant, il dépeint une France en pleine ébullition qui se relève de la débâcle de 1870.

Campé en 1887, Une affaire d’honneur met en scène le maître d’armes Clément Lacaze (Roschdy Zem) qui, après que le colonel Louis Berchère (Vincent Perez) eut voulu défendre son honneur en provoquant en duel le jeune Adrien Lacaze (Noham Edje), neveu de Clément, est entraîné dans une spirale de violence. De fait, peu de temps après, Ferdinand Massat (Damien Bonnard), rédacteur en chef du Petit Journal, humilie publiquement la journaliste féministe Marie-Rose Astié de Malseyre (Doria Tillier). Cette dernière se rend alors au cercle d’escrime que dirige le journaliste Eugène Tavernier (Guillaume Gallienne) afin que Clément Lacaze lui enseigne l’art du duel dans l’espoir d’affronter son ennemi juré.

Pionnière du féminisme

« Tout est basé sur des personnages qui ont vraiment existé, affirme Vincent Perez, rencontré en janvier aux Rendez-vous d’Unifrance à Paris. Cependant, le maître d’armes est une sorte d’amalgame de plusieurs personnages ; il porte le nom de mon premier maître d’armes quand j’étais au Conservatoire. Il incarne l’image du Marvel de l’époque ; les maîtres d’armes étaient des héros qui représentaient quelque chose. Au départ, je voulais faire un film sur le duel et maintenant, je me rends compte que les combats sont beaucoup plus multiples que je ne le pensais. »

De tous les personnages, celui qui se démarque le plus est celui qu’incarne avec panache Doria Tillier (Monsieur et Madame Adelman, de Nicolas Bedos ; L’origine du mal, de Sébastien Marnier). Moins d’un siècle après la mort d’Olympe de Gouges, l’une des pionnières du féminisme, Marie-Rose Astié de Malseyre luttait pour les droits des femmes, dont celui du port du pantalon, les robes entravant considérablement leurs mouvements. Ainsi, en mai 1887, plusieurs femmes, empêtrées dans leurs jupons, avaient péri dans l’incendie de l’Opéra Comique.

« Elle s’est vraiment battue en duel, mais jamais contre un homme ; c’est le film qui lui offre ça, révèle fièrement celui qui a écrit le scénario avec sa femme Karine Silla. Elle s’est battue en duel avec des femmes et la presse en parlait beaucoup ; on la prenait pour une folle. Il y avait ce machisme ambiant dans la presse qui était un truc vraiment dingue, comme l’antisémitisme, qui était aussi très marqué. Elle était seule contre tous ; il y avait quelque chose d’assez héroïque chez elle. Elle était aussi poète, chantait, composait de la musique. Le deuxième morceau qu’elle joue au piano est inspiré par l’une de ses compositions. C’était intéressant de la faire revenir dans notre époque. »

Des épées sans cape

Au cours de sa carrière, Vincent Perez s’est illustré dans une trentaine de combats, notamment dans Le bossu, de Philippe de Broca, dans La reine Margot, de Patrice Chéreau, et dans Fanfan la Tulipe, de Gérard Krawczyk. L’acteur franco-suisse a d’ailleurs eu la chance de travailler avec William Hobbs, l’un des plus grands maîtres d’armes, à qui l’on doit notamment les duels des Duellistes, de Ridley Scott, et de la populaire série Game of Thrones.

« Je voulais faire quelque chose de cette expérience-là et comme je suis réalisateur, j’ai commencé à faire des recherches. »

J’ai trouvé cette période assez fascinante qui parle d’un monde qui change, comme le monde dans lequel on est aujourd’hui. Du coup, il y avait beaucoup de similarités, d’échos, de résonances avec notre époque. À ce moment-là, il y avait l’arrivée de l’électricité ; aujourd’hui, c’est celle de l’intelligence artificielle.

Vincent Perez

« À la fin du XIXsiècle, on était aux prémices du féminisme, et là aussi, on est dans un monde qui change à cet égard-là. C’est tout ça qui m’a fasciné », ajoute-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Karine Silla et Vincent Perez ont écrit le scénario d’Une affaire d’honneur ensemble.

Fort d’un an et demi de recherches à la Bibliothèque française sur le sujet et ayant fait appel au maître d’armes Michel Carliez, fidèle complice rencontré sur le plateau de Cyrano de Bergerac, de Jean-Paul Rappeneau, pour chorégraphier les combats, Vincent Perez signe un film où prime un souci de réalisme à des lieues de la fantaisie des films de cape et d’épée.

« Ce n’est pas un film de cape et d’épée parce qu’il n’y a pas de mousquetaires ni de capes. Tout le monde fait cet amalgame, dès qu’on parle d’épée, on parle de cape, explique celui qui a fait plus d’un millier de dessins pour parvenir à réaliser le film dont il rêvait. Avec les films américains, on a fait du duel un moment héroïque entre deux personnages, où l’histoire se termine. Le challenge avec Une affaire d’honneur, c’était que l’histoire continue. C’est donc une autre typologie, voire une mythologie, du duel. Ça ne va pas du côté de Sergio Leone, mais plutôt de l’art du duel, de la beauté du combat et, en même temps, de son absurdité. Ce qu’ont en commun les personnages, c’est la guerre franco-prussienne. Ils sont en réparation d’une guerre perdue, d’une humiliante défaite. Peut-être que par ce biais, c’est une manière de réécrire l’histoire. »

Déclarant que l’honneur demeure une notion d’actualité à laquelle on devrait se référer plus souvent, Vincent Perez regrette que celui-ci soit en déperdition à une époque où l’honneur de chacun est constamment bafoué, particulièrement sur les réseaux sociaux.

« Aujourd’hui, c’est extrêmement difficile de défendre son honneur. En fait, on laisse passer les choses, les vagues. Notre réputation est attaquée et le temps fait que ça passe. Sinon, les avocats permettent aussi de demander réparation. Ce qu’il y avait d’intéressant à l’époque, c’est qu’à la fin du combat, il n’y avait pas de perdant. La situation était tout simplement acceptée et le problème était réglé. C’est pour ça que l’idée de la vengeance ne rentrait pas dans les codes du duel de l’époque parce que du coup, la vengeance, c’est un truc qui entraîne une spirale de violence, comme le montre le film. »

En salle

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.