Alors que les 21 films en compétition à Venise ont été présentés, Francofonia du Russe Alexsandr Sokurov, chouchou des critiques et du public, et Desde allà, un outsider venu du Venezuela, se présentent comme les favoris d'une Mostra plutôt terne cette année.

Samedi soir, le jury du plus ancien festival de cinéma au monde, présidé pour cette 72e édition par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaròn, décernera un Lion d'or au meilleur film, un Lion d'argent au meilleur metteur en scène, ainsi que la coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine et féminine.

Des habitués du Lido ont déploré cette année une édition en demi-teinte: le critique du Corriere della Sera, Paolo Mereghetti, auteur d'un encyclopédique dictionnaire du cinéma, a évoqué «un festival qui périclite», sa consoeur de la Stampa, Fulvia Caprara, vice-présidente du syndicat des journalistes italiens de cinéma, d'une sélection où «l'ennui, lentement, s'insinue».

Quant à El Pais, c'est bien simple: jusqu'aux projections de Anomalisa de Charlie Kaufman et Duke Johnson, 11 Minut de Jerzy Skolimowski et Heart of a Dog de Laurie Anderson, la compétition n'avait apporté que «médiocrité et déception».

Faux, répond à l'AFP le directeur artistique de la Mostra, Alberto Barbera: «À ce qu'on m'a dit, c'est l'une des sélections les plus intéressantes des dernières années».

Le fait est que parfois des sifflets, voire des rires, ont fusé lors des projections de presse, et que certains films très attendus ont déçu.

A l'inverse, d'autres ont fait l'unanimité. Ainsi, Francofonia, mi-documentaire mi-fiction sur le musée du Louvre, a recueilli une moyenne de 4 sur 5 au baromètre quotidien des critiques présents au festival, rejoints par le public (3,7 sur 5).

Pour le critique américain Emmanuel Levy, ancien de Variety et du Hollywood Reporter, le «travail de Sokurov est si original, si singulier, si iconique qu'il est vraiment difficile de le comparer à celui d'autres réalisateurs, passés ou présents».

Mais le fait que le réalisateur russe ait déjà remporté un Lion d'or en 2012 pour Faust risque de le desservir.

Sud-Américains novateurs

Ce n'est pas le cas de l'Israélien Amos Gitaï, dont le puissant travail d'enquête et de reconstitution dans Rabin, the Last Day - comparable au JFK d'Oliver Stone - a lui aussi été salué par la critique et le public.

Mais les organisateurs du festival ont pris l'habitude lors des précédentes éditions de brouiller les cartes en programmant à la toute fin un film mettant tout le monde d'accord. Cette année, la surprise pourrait donc venir de Desde allà de Lorenzo Vigas, une histoire âpre de sexe et de solitude se nouant entre deux hommes à Caracas.

Portrait d'une famille de tueurs dans les années 1980, El Clan de l'Argentin Pablo Trapero, grand succès dans son pays, semble aussi en mesure de tirer son épingle du jeu.

«Le fait est qu'après avoir été l'apanage des Asiatiques, le cinéma le plus novateur est désormais celui des Sud-Américains», estime ainsi Alberto Barbera.

Citons également Anomalisa: ce film d'animation utilisant le procédé du stop-motion est «une superbe incongruité» selon Libération, tandis que The Telegraph le voit carrément obtenir un Oscar.

Enfin, le documentaire Beixi Moshuo (Behemoth) du Chinois Zhao Liang, qui retrace la dure vie des mineurs exploités dans le Sichuan, pourrait aussi créer la surprise.

Quant aux interprètes, le choix sera difficile cette année en raison d'un niveau très relevé, la Tribune de Genève qualifiant même cette édition de «festival d'acteurs, de performances, ratées ou réussies, de comédiens briguant des prix d'interprétation».

Ralph Fiennes, rien que pour sa danse géniale sur Emotional Rescue des Rolling Stones dans A Bigger Splash de Luca Guadagnino, et Alicia Vikander, qui sauve The Danish Girl (Tom Hooper) de la niaiserie, émergent comme favoris. En outsider de luxe, n'oublions pas le Français Fabrice Luchini, très applaudi dans L'hermine (Christian Vincent).