Les auteurs de séries télé et de films ne sont pas les gens les plus rebelles qui soient. Et c'est pourquoi ils sont dans la rue présentement. «Nous aimons notre travail, et nous avons tendance à croire que les studios apprécient ce que nous faisons, explique Sam Brookman, un auteur en grève. Mais il y a des limites à se faire avoir. Nous avons atteint cette limite.»

En grève depuis le 5 novembre, les 12 000 membres de la Writers Guild Association (WGA) veulent toucher une plus grande part des revenus générés par internet et par la vente de DVD. De leur côté, les studios affirment que le domaine des nouvelles technologies est trop imprévisible pour être encadré par des règles contraignantes.

Les deux parties ont annoncé, vendredi dernier, que les négociations reprendront le 26 novembre. Mais en attendant qu'un règlement intervienne, la grève paralyse la production de séries télé et de films. Les émissions de fin de soirée animées par des comédiens et écrites par des équipes d'auteurs sont maintenant diffusées en reprise. Des séries télé, comme 24 et Desperate Housewives, sont sur la glace, car aucun scénario n'est prêt pour les prochains épisodes.

Seule l'animatrice Ellen DeGeneres a continué d'enregistrer des épisodes quotidiens de son émission, s'attirant ainsi les foudres de la WGA. La production de films, quant à elle, n'est pas encore touchée, les studios ayant pris soin de faire le plein de scénarios avant le début de la grève.

Pour Randolph Caldwell, auteur en grève qui a notamment travaillé pour l'émission Judging Amy, les studios ne réussissent à tromper personne quand ils affirment qu'internet est trop imprévisible pour générer les mêmes redevances que la télé.

«Tout le monde sait que l'avenir est dans le web. Si nous ne nous battons pas maintenant pour un traitement équitable, nous allons en souffrir pour le restant de nos vies», a-t-il expliqué devant les studios Universal, à Hollywood, où quelques centaines de grévistes s'étaient donné rendez-vous.

M. Caldwell a également fait la grève en 1988, durant 22 semaines. «À l'époque, les chaînes câblées comme HBO et Fox venaient de voir le jour. Nous avons accepté de leur laisser une chance et de facturer à peine 20% des redevances habituelles. Aujourd'hui, ces chaînes sont devenues des géants, et nous en payons le prix...»

M. Caldwell ne serait pas surpris que la grève dure jusqu'en mars ou avril. «Les studios ont fait le plein de scénarios avant la grève, alors ils peuvent vivre là-dessus un bon moment. Du côté des auteurs, le moral est bon. Les gens ne se battent pas pour du luxe, mais pour des principes. Tout le monde comprend ça, et je pense que le public le comprend également.»

Des acteurs appuient les auteurs

Mardi, une centaine d'acteurs de séries télé sont venus appuyer les auteurs en grève. On pouvait y voir notamment Matthew Perry de la série Friends, Ray Romano de Everybody Loves Raymond et Oscar Nunez de The Office.

Joe Dietl, acteur dans diverses séries télé, a expliqué que le pourcentage que touchaient les auteurs est «ridicule». «L'entreprise qui imprime la pochette d'un DVD touche une meilleure commission que l'auteur qui a écrit le scénario! dit-il. À un moment donné, il faut que les studios réalisent qu'ils ne peuvent pas se moquer des auteurs impunément...»

Son ami Eric Stonestreet explique que les acteurs, regroupés sous l'égide de la Screen Actors Guild (12 0000 membres) doivent renégocier leur convention collective, qui prend fin en juin 2008. Un échec des auteurs minerait les chances des acteurs d'améliorer leur sort l'an prochain, dit-il, puisque les deux groupes ont des demandes semblables.

«Les auteurs sont à la base du processus créatif, dit-il. Aujourd'hui, vous avez des auteurs qui s'associent à des acteurs et qui font des films qui se rendent jusqu'aux Oscars. Et il n'y a aucun studio là-dedans! Les studios ne peuvent vivre sans les auteurs, mais les auteurs peuvent vivre sans les studios...»