Dans La brunante, de Fernand Dansereau, Monique Mercure et Suzanne Clément interprètent deux femmes qui s'imaginent être arrivées au bout de leur existence. L'une a 76 ans. Atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle refuse de vivre sans conscience. L'autre a 35 ans, et ne parvient pas à se relever après un ultime mauvais coup du destin. La Presse a rencontré deux actrices d'un drame humain universel, celui de la vie, tout simplement.

La brunante est l'histoire d'un crépuscule. Celui de Madeleine, 76 ans, qui voit la maladie arriver, et avec elle, la dégénérescence, la dépendance. «Il faut accepter qu'une partie de notre existence, on ne la contrôle pas. En vieillissant, le rôle qui t'échoit, c'est de faire de l'humus pour les autres. C'est dur à accepter pour l'ego», dit le scénariste et réalisateur Fernand Dansereau.

«La perte de la conscience, la dépendance, ce sont des questions que l'on se pose, mais ça n'empêche pas de vivre», estime quant à elle Monique Mercure. On croit Monique Mercure sur parole quand on rencontre la fringante actrice, âgée de 76 ans comme son personnage. Si questions graves il y a, rien ne semble l'empêcher de mordre dans la vie à pleines dents.

Rieuse, Monique Mercure entonne, au cours de l'entrevue, les célèbres vers de Raymond Queneau, popularisés par Juliette Greco. «Si tu t'imagines, fillette, fillette, que ça va durer toujours la saison des amours, ce que tu te goures», chantonne-t-elle, un large sourire sur son visage. «Et c'est vrai», s'exclame-t-elle.

Pour La brunante, Monique Mercure a retrouvé Madeleine, la jeune mère de famille qu'elle avait interprétée il y a 40 ans dans le moyen métrage de Dansereau, Ça n'est pas le temps des romans. «On se demande comment elle est 40 ans après. Et voilà, elle se pose encore de graves questions», résume Monique Mercure.

Fernand Dansereau montre les deux Madeleine. À 36 ans, Madeleine est filmée dans toute sa beauté, dans toute sa jeunesse. À 76 ans, Dansereau filme Madeleine parfois rayonnante, parfois hagarde, avec, toujours, le corps marqué par le temps. Monique Mercure n'y a pas vu de soucis: «Ça ne me gênait pas d'avoir mon âge dans un film où j'avais aussi 36 ans. Je faisais confiance à Fernand Dansereau et Philippe Lavalette (le directeur photo). Et puis, aller chez le docteur Untel me faire un replâtrage, ça ne me tente pas.»

Mère de famille, Madeleine a 36 ans et cinq enfants quand elle se questionne sur sa vie. À 76 ans, sa vie est derrière elle. Le temps du bonheur est fini depuis que son mari l'a quittée après 18 ans de mariage. «Le départ de son mari a été une énorme blessure pour elle. Plus rien n'a jamais été pareil après, elle n'a jamais fait son deuil», explique Monique Mercure.

Sur sa route, Madeleine croise, un jour de désespoir, Zoé (Suzanne Clément). Abandonnée enfant par sa mère, Zoé n'a pas d'attaches. «Elle ne se donne pas facilement», estime son interprète. Madeleine propose à Zoé de l'emmener voir, une fois encore, la nature qu'elle aime tant. Entre les deux inconnues se développe une relation fusionnelle.

«Je trouve ça original, et plausible, juge-t-elle. Ça se passe comme ça, pour des gens qui ont peur de s'abandonner. Ce sont toujours des rencontres en dehors de la famille. C'est à ces gens-là qu'on s'attache. C'est souvent très émouvant, les amitiés qui naissent parce qu'il y a un grand désespoir.»

Entre les deux interprètes du tête-à-tête, l'entente fut immédiate. «Ça a été assez fusionnel. Je pense que l'on a eu besoin l'une de l'autre pour faire le film. Pour nous ça s'est fait comme ça», raconte Suzanne Clément. Monique Mercure, elle, se souvient d'avoir improvisé une scène où son personnage commande une bouteille de vin à 234$...avant de la renvoyer en la prétextant bouchonnée! «On jouait toutes les deux, ensemble.»

À 76 ans, après un prix d'interprétation à Cannes (pour J.A. Martin photographe, de Jean Beaudin), toute une série de rôles dans des films majeurs (Le violon rouge de François Girard, notamment), Monique Mercure a tenu pour une rare fois le premier rôle dans un film québécois. «Pour ça, c'est un beau cadeau», se réjouit-elle.

Avec ce premier long rôle, Monique Mercure découvrait, quand nous la rencontrons, les joies des interviews en série. «On ne veut pas se répéter mais on devrait se répéter, avoir des phrases clés pour qu'elles entrent dans l'esprit du spectateur», dit-elle, se souvenant des conseils experts de Gérard Depardieu.

Sa phrase-clé? «Pour moi, le thème là-dedans, c'est le mystère. Le mystère de la vie, le mystère de la mort», nous glisse-t-elle quelques moments avant de partir donner une autre entrevue.