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Les émissions de la Fonderie Horne sont inacceptables. Cependant, est-ce que la fonderie s’est établie dans un secteur résidentiel, ou est-ce le contraire ?

Patrick Larocque

Qui a construit un quartier résidentiel juste à côté de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, où les jeunes enfants ont une concentration d’arsenic dans leurs ongles quatre fois trop élevée ?

C’est la Fonderie Horne elle-même.

En 1926, l’entreprise Noranda commence à construire sa mine et sa fonderie pour transformer le cuivre. Noranda possède tout le territoire avoisinant. L’entreprise obtient donc du gouvernement du Québec l’autorisation de fonder une ville, qu’elle administrera jusqu’en 1949. « L’entreprise ne veut pas que des “squatteurs” s’installent sur son territoire », dit Benoit-Beaudry Gourd, président de la Société d’histoire de Rouyn-Noranda.

Noranda planifie donc sa ville autour de sa mine et de sa fonderie de cuivre. Comme on faisait à l’époque dans les « villes de compagnies ».

Le premier quartier de Noranda pour les ouvriers est construit à proximité de la mine. La paroisse Notre-Dame-de-Protection (aujourd’hui le quartier Notre-Dame) se développe ainsi en même temps que la construction et l’exploitation de l’usine voisine.

« Construire la ville au pied de la mine, c’est le modèle qui était utilisé à l’époque dans toutes les mines de la région. C’était tout à fait normal d’être à proximité de l’usine, il n’y avait pas de moyens de transport », dit Sébastien Tessier, archiviste coordonnateur aux Archives nationales à Rouyn-Noranda.

« Il faut se mettre dans le contexte de l’époque. Il n’y a pas de routes, on est en plein bois. Et en 1926, la pollution et les maladies industrielles, ça n’existait pas », dit Benoit-Beaudry Gourd, président de la Société d’histoire de Rouyn-Noranda.

De la création de Noranda en 1926 jusqu’à 1949, c’est l’entreprise qui dessine les plans de la ville, développe les quartiers et administre la ville. Le premier maire de Noranda, James Murdoch, est le président de l’entreprise. Il vit à Toronto.

L’entreprise se doute bien de certaines conséquences de ses activités sur l’environnement : on construit deux grandes cheminées pour éloigner les émissions, et dès les années 1940, la baignade est interdite dans le lac Osisko, entre Noranda et Rouyn.

Dès 1979, le gouvernement du Québec est mis au courant des dangers des activités de la Fonderie Horne sur la santé des enfants de Rouyn-Noranda, particulièrement ceux du quartier Notre-Dame, a révélé plus tôt ce mois-ci le journaliste Thomas Gerbet, de Radio-Canada. À l’époque, le taux d’arsenic dans les cheveux des enfants est de deux à trois fois plus important dans le quartier Notre-Dame que dans les autres quartiers.

Lisez le reportage de Thomas Gerbet publié par Radio-Canada, « Risques de cancers à Rouyn-Noranda : le gouvernement alerté dès 1979 »

Aujourd’hui, la norme québécoise d’émission d’arsenic dans l’air est de 3 nanogrammes par mètre cube (ng/m3). Sauf que la Fonderie Horne n’est pas tenue de la respecter : elle bénéficie d’une exemption puisqu’elle était en exploitation avant l’entrée en vigueur de ces normes environnementales. Le gouvernement Legault vient d’abaisser le seuil d’émission d’arsenic pour la Fonderie Horne de 100 ng/m3 à 15 ng/m3 d’ici 2027.

Ce n’est pas suffisant, a écrit cette semaine notre éditorialiste en chef Stéphanie Grammond, qui estime que Québec devrait faire preuve de davantage de fermeté à l’égard de la Fonderie Horne. En lui imposant notamment une date précise pour atteindre la norme québécoise d’émission d’arsenic dans l’air de 3 ng/m3.

On n’est plus en 1926.

Lisez l’éditorial de Stéphanie Grammond « La patience a ses limites »