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Ne croyez-vous pas que ces mégafusées que la NASA envoie dans l’atmosphère soient une des causes importantes de pollution ? Ne sommes-nous pas en train de dérégler l’atmosphère en tentant de savoir ce qui se passe sur Mars et sur la Lune ?

Francine Davis

On attend le décollage de la fusée SLS de la NASA depuis le 29 août dernier. Il a été reporté plusieurs fois et devrait avoir lieu quelque part en novembre, si tout va bien.

Cette mission, baptisée Artemis I, est la première de trois. L’objectif ultime est d’envoyer des humains — dont la première femme — sur la Lune, au plus tôt en 2025.

Tout cela est très excitant, mais on peut tout de même se poser des questions sur les effets des voyages dans l’espace, surtout depuis que, parallèlement aux missions scientifiques de la NASA, de richissimes hommes d’affaires — les Laliberté, Bezos, Branson, etc. — se paient leur propre voyage dans l’espace à coup de millions de dollars.

Polluants, ces voyages spatiaux ?

Tout dépend de la fusée, nous dit Richard Boudreault, professeur associé au département de génie chimique de Polytechnique Montréal.

La majorité des fusées de la NASA carburent à l’hydrogène. La fumée blanche qu’on peut observer dans leur sillage est donc de l’eau, tout simplement. Vrai, la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre, mais il s’agit ici de quantités fort limitées, selon cet expert, qui ont un effet négligeable sur le réchauffement planétaire.

Que dire maintenant des fusées privées de SpaceX, l’entreprise fondée par Elon Musk dont le rêve avoué est de se rendre sur la planète Mars ? SpaceX se prépare d’ailleurs à lancer son vaisseau Starship dont le lanceur, baptisé Super Heavy, est équipé de 33 moteurs hyper polluants. À noter que Musk aimerait bien que son Starship participe aux missions Artemis de la NASA.

Ces fusées carburent à un mélange de méthane et d’oxygène liquides. Quand la combustion du méthane est libérée dans l’atmosphère, il forme du CO2, un gaz à effet de serre. Encore pire, ajoute Richard Boudreault, le méthane acheté par SpaceX aux États-Unis peut provenir en partie de l’extraction de gaz de schiste. Il est donc encore plus polluant, car l’exploitation du méthane engendre des fuites durant son parcours. Cet échappement du procédé de fabrication est 86 fois plus dommageable que l’émission de CO2. Cela dit, le professeur Boudreault précise que le méthane produit beaucoup moins de gaz à effet de serre que brûler de l’essence ou du diesel.

À titre de comparaison, on estime qu’un vol outre-Atlantique utilisant du kérosène produit environ 1 tonne de COpar passager. Il faut savoir que le kérosène produit entre 4 et 16 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le méthane. Si on s’entend pour dire qu’un vol plein comprend 300 personnes en moyenne (passagers et équipage), l’émission totale se situerait donc quelque part entre 1200 et 6000 tonnes d’équivalent CO2. Une fusée de SpaceX qui décolle ? Environ 1000 tonnes !

La fusée a donc moins d’effet sur le réchauffement planétaire qu’un seul vol transatlantique à bord d’un gros porteur plein.

Et on peut souhaiter que les connaissances que les explorations spatiales génèrent compensent amplement leurs émissions.