Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à Mariana Mazza.

Mercredi 7 décembre. Il est 14 h 41. J’ai l’impression qu’il est 19 h. Il fait gris, il pleut, j’ai peine à penser que Noël sera à nos portes dans deux semaines. J’ai l’impression que mes souvenirs d’enfance sont si beaux qu’ils n’ont jamais existé.

Quand j’étais jeune, à ce même moment de l’année, les examens à l’école étaient plus festifs quand je regardais par la fenêtre parce qu’il y avait le soleil qui frappait sur la neige. C’était lumineux. J’en oubliais presque le stress de ne pas avoir une bonne note.

Ma mère venait me chercher en voiture après l’école et, même s’il n’y avait plus de soleil, la neige qui crispait sous mes bottes me rappelait que bientôt, ce serait le temps des Fêtes. Les films en après-midi. Les siestes imprévues. Les vraies vacances. C’était le temps des Fêtes, et le mot fête avait raison d’être.

Dans mes souvenirs, les soupers de Noël étaient bruyants, colorés, et personne ne semblait frustré d’avoir oublié la salade de patates sur le toit de la voiture parce qu’il n’y avait plus de place dans le frigidaire. On riait le lendemain quand on se réveillait de bonne humeur pour manger ce qui traînait sur la table et ouvrir le restant des cadeaux. La musique était forte, les lumières qui clignotaient à l’extérieur de chez ma mère illuminaient le petit bout de trottoir en face de chez elle. Les échanges de cadeaux ne faisaient soupirer personne, les conversations lourdes sur l’actualité s’estompaient quand on venait nous chercher de force pour danser : « Aweille, juste cette chanson, c’est Noël ! »

Maintenant, je regarde mon agenda en me demandant si tous les soupers à l’horaire en valent la peine. Je suis déjà fatiguée.

Pourtant, jeune, je ne demandais que ça, aller manger chez les gens. M’endormir sur le divan du sous-sol chez l’amie de ma mère parce que les adultes à l’étage parlaient de choses qui ne m’intéressaient pas. J’aimais me faire réveiller à 23 h 30 par ma mère qui me mettait mes bottes dans les pieds, un œil à moitié ouvert. J’avais hâte qu’elle me prenne dans ses bras pour me déposer sur la banquette arrière de la voiture pour pouvoir me rendormir profondément.

Maintenant, il m’arrive souvent d’avoir de la misère à faire une nuit complète sans me réveiller en me demandant ce que je devrais aller acheter pour le souper à venir dans quelques jours. Si je dois acheter des cadeaux aux enfants de mes amies ou leur faire la morale sur la surconsommation. Leur apprendre que ce sont les moments qui comptent, pas le matériel. Je suis trop consciente de la vie, de la féérie occidentale des choses.

À tous les parents qui liront ce texte : je m’excuse de vous avoir jugés pendant toutes ces années. D’avoir trouvé que vous exagériez avec votre stress, votre trop de bouffe dans le frigidaire, avec les 300 messages sur Facebook pour rappeler l’heure d’arrivée.

Je m’excuse d’avoir sous-estimé la charge mentale qui vient avec les Fêtes que vous ne fêtez pas toujours parce que vous passez votre temps à faire des crises d’angoisse à force d’oublier des choses sur votre liste exaspérante de choses à faire et à acheter.

Être une adulte, c’est réaliser que Noël, c’était le fun quand on était enfant. On avait juste à exister et à avoir du plaisir. Être adulte, c’est devoir participer à la création de beaux moments. C’est beaucoup de pression.

Merci à tous les parents qui se démènent pour faire plaisir aux petits en oubliant qu’au fond, le vrai plaisir réside dans votre présence et votre amour.

Je vous souhaite un peu de douceur avec vous-mêmes.

Noël, même sans neige, sans cadeaux, sans grande tablée, c’est censé être un moment pour aimer et profiter de la simplicité qu’est le bonheur.

Arrêtons de nous casser la tête, profitons du temps qui passe et qui ne reviendra pas.

Joyeux temps des Fêtes à toutes et à tous.