Cet été, nos journalistes passent chaque semaine un moment en terrasse avec des personnalités pour une discussion conviviale. André Dubuc a rencontré Bruny Surin.

L’après-carrière sportive du médaillé d’or olympique de 1996 ne ralentit pas. Aux activités de sa fondation, de son entreprise Sprint Management et de ses conférences, Bruny Surin a ajouté les responsabilités de chef de mission de la délégation canadienne aux JO de 2024.

« Je ne m’ennuie pas. Je fais des choses que j’aime. La vie et le sport m’ont beaucoup donné. J’ai des occasions dans mes entreprises. Comment ne pas donner en retour ? », demande le codétenteur, avec Donovan Bailey, du record canadien au 100 m depuis 1999.

La Presse a rencontré la légende du sprint à la terrasse fort courue du restaurant h3 du complexe Humaniti, dans le Quartier international de Montréal. Il porte avec élégance une chemise colorée créée par l’entreprise Au Noir avec laquelle Vêtements Surin a conclu un partenariat.

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Bruny Surin

« Dernièrement, on a lancé quatre chemises Surin par Au Noir. On travaille sur six autres chemises et sur des habits qui seront offerts avant les Fêtes », dit le diplômé de l’École d’entrepreneurship de Beauce en sirotant un Jardin de ville, cocktail mêlant le Tanqueray No. 10, la chartreuse verte, la lime, la cardamome, le thym et le tonic.

Son message aux athlètes

Entre deux gorgées, le père de deux filles adultes, Katherine et Kimberley, parle de sa nomination comme chef de mission de l’équipe canadienne. Dans son cas, la quatrième fois a été la bonne puisqu’il avait soumis son nom, sans succès, pour les Jeux de 2012, de 2016, puis ceux de 2020. Le sportif aujourd’hui âgé de 55 ans ne s’en plaint pas. « Paris, j’ai fait toutes les compétitions en France. Je connais plein de gens là-bas. Je suis aux anges. »

Comment se porte l’athlétisme au pays au juste ? « Au Canada, c’est correct. Au Québec, le demi-fond se porte très bien. Pour le sprint et les sauts, on a du travail à faire », convient celui qui a passé ses examens d’entraîneur national de niveau 3 dans la discipline.

En bon diplomate, le gagnant de l’or au relais 4 X 100 m aux Jeux d’Atlanta refuse de chiffrer les espoirs de médailles dans la Ville Lumière. « Il va y avoir de la pression pour tout le monde, mais je veux leur dire [aux athlètes] : ayez du fun. »

N’allez pas croire que la tête d’affiche de la délégation canadienne ne prend pas ses responsabilités au sérieux.

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Bruny Surin

Je ne veux pas être chef de mission juste sur papier. Je veux connaître les athlètes et les voir à l’entraînement et en compétition.

Bruny Surin, chef de mission de l’équipe canadienne aux JO de 2024

Résultat : le sprinter d’hier enchaîne les kilomètres comme un coureur de fond. « Je suis allé aux championnats du monde de canoë-kayak à Halifax. Je suis allé au Championnat du monde de rugby. Cette semaine, j’étais au parc Jean-Drapeau. »

Avec ses conférences qui l’amènent partout au pays – le lundi suivant notre rencontre, il était en Nouvelle-Écosse –, Bruny Surin estime qu’il passe environ 40 % de son temps en voyage à l’extérieur de la région montréalaise.

En revanche, il n’a jamais remis les pieds en Haïti. « Je n’y suis jamais retourné », confie le natif de Cap-Haïtien, qui est arrivé au pays à l’âge de 7 ans. « Je sens souvent le besoin d’y retourner, mais des personnes me conseillent de ne pas y aller », se résigne-t-il.

Comment explique-t-il l’apport considérable des Haïtiens à leur société d’accueil ? « Les opportunités, ici, n’ont pas de limites », avance le quadruple olympien qui garde la forme en allant au gymnase trois fois par semaine et en nageant.

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Bruny Surin

L’importance de redonner

Il enjoint aux membres éminents de la communauté haïtienne, comme le chancelier de l’Université de Montréal, Frantz Saintellemy, de faire partager leur parcours pour inspirer la prochaine génération.

Redonner à la jeunesse, c’est justement le but de la Fondation Bruny Surin, qui mène de front deux projets. Le premier consiste à doter d’un terrain de basket la cour de l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau, dans le quartier Saint-Michel, où le champion a vécu son enfance. Le second est de venir combler les besoins de base du quart des 600 élèves d’une école primaire voisine, en collaboration avec la Fondation Christian Vachon.

M. Surin estime les besoins financiers à au moins 150 000 $. Il compte sur l’aide de son partenaire immobilier et ami Luc Poirier, qui traversera le Canada à vélo, de Vancouver à Montréal, en juin 2024. Les fonds recueillis seront remis à sa fondation.

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Bruny Surin

Pour l’avenir, le candidat malheureux au poste de conseiller municipal à Laval en 2019 ne dirait pas non à un poste de sénateur si jamais le premier ministre Justin Trudeau lui en faisait la proposition.

Dire que sa vie aurait pu prendre une tout autre direction, fait-il savoir.

En 1991, cinq ans avant sa médaille d’or aux Jeux olympiques, Bruny Surin a participé aux sélections pour intégrer le club professionnel la Machine de Montréal de la Ligue mondiale de football américain. Contre toute attente, l’entraîneur Jacques Dussault l’a retenu pour le camp officiel de l’équipe en Floride.

« Entre-temps, je me suis informé de la paye potentielle auprès de mes coéquipiers. On m’a répondu 20 000 $. Eille ! Je faisais déjà 25 000 $ avec la commandite de Vidéotron. Pensez-vous que j’allais accepter 20 000 $ pour me faire rentrer dedans ? J’ai dit non », raconte-t-il 22 ans plus tard sans aucun regret dans la voix.

Questionnaire estival

À quoi ressemble son été idéal : Avec la famille, en santé. Aller voir les festivités à Montréal : le jazz, les Francos, Nuits d’Afrique et notre voyage annuel de deux à trois semaines en Europe. Cette année, c’est le Portugal.

Les gens qu’il aimerait réunir à table, morts ou vivants : Martin Luther King ; évidemment Barack Obama ; Steve Jobs, pour le côté business.

Un talent qu’il aimerait posséder : Le piano et le saxophone. J’ai fait du piano classique pendant cinq ans, de 10 ans à 15 ans.

L’évènement historique qu’il aurait aimé vivre : Peut-être les Jeux olympiques de 1936 à Berlin avec Jesse Owens.

Son endroit préféré dans le monde : Ici. J’ai toujours dit que je ne bougerais pas d’ici. Sinon, Paris et l’Italie, là où j’ai commencé à faire des compétitions professionnelles en 1989 après les Jeux de Séoul.

Qui est Bruny Surin ?

  • Natif de Cap-Haïtien, il est arrivé au Canada à l’âge de 7 ans
  • Sprinter d’élite, il a été champion du monde du 60 m en salle en 1993 et en 1995
  • Quadruple olympien (1988, 1992, 1996 et 2000), il a remporté la médaille d’or au relais 4 X 100 m aux JO d’Atlanta
  • Son record personnel au 100 m de 9,84 s réalisé à Séville en 1999 constitue le 17e chrono de l’histoire, 24 ans plus tard
  • Depuis sa retraite de la piste, il a été gérant d’athlètes, entrepreneur, conférencier et philanthrope
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