Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à l’humoriste Maude Landry.

J’étais dans la voiture en direction de La Malbaie pour un week-end de détente quand j’ai eu la mauvaise idée d’aller voir ce qui se disait de bon sur Twitter (je vous rassure : je ne suis pas une texteuse au volant, juste une mauvaise copilote).

Un tweet banal de Marie-Ève Tremblay, une journaliste que j’aime, a attiré mon attention. Je la cite : « Je pense que je n’ai jamais vu un tel orage de toute ma vie ».

La veille, le ciel s’était couvert d’un noir épeurant et des alertes de tornade faisaient crier mon cellulaire toutes les 15 minutes. Je dis que le tweet a retenu mon attention, mais ce sont plutôt les 250 commentaires qu’il a générés, la plupart agressifs et méchants, qui m’ont fait sursauter.

Si, au départ, je me suis demandé comment une affirmation aussi inoffensive a pu générer autant de bisbille, j’ai rapidement compris qu’on avait affaire à un festival du climatoscepticisme. Pas la peine de leur expliquer que le tweet de la journaliste ne sous-entendait aucun lien de cause à effet, il est clair que, pour eux, on était devant « un autre cas de médias qui veulent nous faire peur, maintenant que la COVID est finie ».

Il serait facile pour une écoanxieuse comme moi de simplement caser ces gens dans la catégorie des déplorables, mais une autre partie de moi veut comprendre ce qui se cache derrière tout ça.

J’ai un ami proche qui ne voulait rien savoir du vaccin contre la COVID-19. Le genre de gars qui n’a jamais rien voulu savoir des Tylenol non plus et qui se fait plutôt des jus verts imbuvables pour soigner son lendemain de brosse. En plein cœur de la pandémie, je me rappelle avoir eu la discussion avec lui. Son point de vue se résumait à « je ne suis pas à l’aise d’injecter un nouveau vaccin dans mon corps et ça m’inquiète qu’on restreigne mes droits à cause de ça ». Moi-même vaccinée, je ne trouve rien de fondamentalement dérangeant à sa position.

Pourtant, pendant plus de deux ans, on l’a la plupart du temps méprisé, ainsi qu’un pourcentage non négligeable de la population, à coup d’étiquettes peu flatteuses comme « covidiots ». On a aussi régulièrement parodié et tourné en dérision des inquiétudes souvent compréhensibles. Des questionnements sur les libertés individuelles sont vite devenus de bêtes questions de « libârté » à nos yeux. Depuis cette période trouble, mon ami traîne une sérieuse méfiance et j’ai de la difficulté à l’en blâmer.

Entendons-nous, je n’ai aucune sympathie pour les internautes qui lancent des bêtises à des journalistes sur Twitter et j’ai l’impression qu’une bonne partie d’entre eux ont franchi le point de non-retour, affichant fièrement le drapeau russe sur leurs profils… Mais il faudra un jour se demander s’il est possible de ramasser les pots cassés.

Parce que la prochaine fois qu’une crainte partagée par une masse critique de gens sera aussi publiquement méprisée, ça fera BEAUCOUP de monde qui ne voudra plus rien savoir des médias et qui développera un trouble de l’opposition systématique. Et à voir l’état des réseaux sociaux ces jours-ci, je pense qu’il y en a déjà assez.

Maintenant que le gros de la tempête COVID est derrière nous, il me semble absolument nécessaire d’en tirer des leçons. Pour ma part, je me ferai dorénavant un devoir d’essayer d’au moins comprendre les craintes des gens qui ne pensent pas comme moi sur les sujets qui nous divisent. Je n’y arriverai certainement pas toujours, mais ça m’évitera peut-être de donner dans le mépris et la caricature cheap.

La vérité, c’est que cette période trouble, de laquelle nous sortons à peine, a fait ressortir des côtés moins glorieux chez tout le monde, pas juste chez ceux dont nous nous sommes moqués. Et c’est correct, personne ne va bien quand il faut rationner le papier de toilette, se brûler les mains avec du Purell qui sent la tequila et visionner des reprises de Fortier.

Je ne sais pas si c’est l’été et les vacances qui me rendent naïve, mais j’aimerais vous demander un truc. Je ne sais pas si ça va marcher, mais ça ne peut certainement pas nuire.

Si vous vous êtes brouillé avec un proche à cause de la pandémie et que vous y êtes allé rough, même si vous êtes convaincu d’avoir raison, lâchez-lui donc un petit coup de fil. Même pas obligé d’aborder le sujet. Juste montrer que vous vous souciez encore de sa personne.

Peu importe le fond de votre désaccord, vous ne ferez probablement pas changer d’idée qui que ce soit. Mais au moins, la tension descendra d’un cran et des cœurs seront soudainement plus légers. On ne peut pas perdre.

Et qui sait ? Peut-être pourra-t-on de nouveau parler de météo sur Twitter sans se faire envoyer chier.