Des parents et des enseignants montrent ses vidéos aux ados, des moins jeunes le reconnaissent dans les aéroports. Pourtant, Farnell Morisset mise sur des faits plutôt que sur ses opinions, et traite de sujets complexes comme l’immigration, la démocratie ou l’avortement. Rencontre avec un influenceur qui cherche à éclairer plutôt qu’à convaincre.

« Mon objectif n’est jamais que les gens soient d’accord avec moi : généralement, j’arrête juste avant de dire quelle est mon opinion. J’essaie plutôt de présenter mon raisonnement », nous a expliqué Farnell Morisset en visioconférence de Londres.

Arrivé en Angleterre l’été dernier pour sa maîtrise à la London School of Economics, il a eu toutes les misères du monde à obtenir un compte de banque et une connexion internet. D’aucuns se seraient défoulés sur TikTok. Farnell, lui, a préféré en tirer une leçon d’humilité, racontée avec le sourire dans les rues de Londres : « Alors moi, que du respect pour les immigrants qui viennent s’installer au Québec. Et si jamais vous vous trouvez à vous dire : “Ben voyons, comment ça se fait qu’ils sont si mêlés ?”, rappelez-vous de moi. Et essayez d’être au moins aussi patient avec eux que j’espérerais que les gens le soient avec moi ici ! »

Partir de l’anecdotique pour mener au collectif est l’une de ses approches privilégiées. Dans l’une de ses nombreuses vidéos sur l’importance d’exercer son droit de vote, il illustre son propos avec un pot de jujubes et un défi classique : deviner le nombre de bonbons contenus dans le pot.

« La moyenne des montants devinés, généralement, tombe assez proche du montant exact, souligne Farnell. Chaque personne qui ne vote pas, c’est une tentative de moins d’arriver à la bonne réponse […] C’est pour ça que c’est un devoir social de s’informer et de voter. »

Ses vidéos, qu’il enregistre sur TikTok et diffuse sur plusieurs plateformes, ne sont pas une source de revenus, mais « de l’engagement citoyen », explique-t-il en évoquant ses études universitaires en génie, en droit et en économie.

L’État québécois a dépensé beaucoup d’argent à me donner une certaine formation qui m’a permis d’aller m’instruire ailleurs, et je pense que j’ai un certain devoir de repartager ces choses-là.

Farnell Morisset

Farnell a fait sa scolarité primaire, secondaire et collégiale en anglais à Québec, dans le réseau public puisque sa mère est d’ascendance irlandaise. Une partie de son parcours universitaire et professionnel, à l’Université McGill, puis dans un cabinet d’avocat new-yorkais, s’est aussi déroulée en anglais. C’est néanmoins en français qu’il s’exprime le plus souvent sur les réseaux sociaux, et attire la majorité de son auditoire.

Il alimente toutefois un autre compte, moins connu, en anglais. Il y présente le « contexte social du Québec » sur des sujets parfois très controversés. On peut notamment l’y voir expliquer l’interdiction des signes religieux chez les juges, ou recadrer un chroniqueur anglophone sur le français parlé au Québec.

Il se voit comme « un pont ». L’actualité québécoise n’étant pas toujours rapportée ou expliquée en anglais « d’un point de vue culturellement francophone », l’absence de contexte « peut mener à des incompréhensions », estime-t-il. « La barrière linguistique n’est pas strictement une question de traduction, c’est aussi une question culturelle. »

Un auditoire inattendu

Quand il aborde des sujets clivants comme l’avortement, « les BS » ou le terrorisme comme stratégie politique et militaire, ce n’est jamais sur le ton de la provocation, mais sous l’angle de la réflexion.

« Je n’ai ni mentionné le mot Israël ni le mot Palestine, nous a-t-il d’ailleurs fait remarquer au sujet de sa vidéo de la mi-octobre sur le terrorisme. Les gens sont capables de faire les connexions eux-mêmes, mais ce n’est pas moi qui leur impose les conclusions. Ce n’est jamais mon objectif. »

Des parents lui racontent qu’ils font voir ses vidéos à leurs ados. Une enseignante lui a même demandé d’aborder un enjeu lié à l’avortement.

Si son but initial n’était pas de devenir « un outil éducatif pour les parents et les enseignants », il s’en trouve « absolument honoré » et veut se montrer « digne de cette confiance ».

Si vous retournez assez loin dans mes vidéos, vous allez voir qu’il m’arrive de sacrer un peu plus souvent. Ma mère est enseignante, et ç’aurait été impensable pour moi de sacrer devant ses élèves. Il faut que j’accepte que je ne suis plus seulement un gars qui parle à ses chums sur les réseaux sociaux.

Farnell Morisset

Avec près de 60 000 abonnés en français sur TikTok, et quelques milliers de plus sur d’autres plateformes, il lui arrive de se faire reconnaître dans la rue, dans un bar ou à l’aéroport. « Ne pensez pas que je suis une star, mais peut-être une fois par semaine ou toutes les deux semaines quand je suis à Québec. » Et ce ne sont pas que des jeunes. « La toute première personne qui m’a reconnu, c’était un homme qui était probablement dans la cinquantaine, ce qui m’avait surpris parce qu’à l’époque, j’étais seulement sur TikTok. Ça montre qu’il y a des gens de tous les âges sur les réseaux sociaux. »

Consultez le compte TikTok en français de Farnell Morisset Consultez le compte TikTok en anglais de Farnell Morisset

Qui est Farnell Morisset ?

Né à Québec en 1988

Ingénieur diplômé de l’Université Laval, bachelier en droit de l’Université McGill, étudiant à la maîtrise à la London School of Economics and Political Science. Avocat membre du Barreau de l’Ontario et de l’État de New York, il a travaillé pendant près de cinq ans au bureau new-yorkais de la firme Goodwin.

Ses vidéos en français sur des sujets sociaux, politiques et économiques sont suivies par plus de 59 000 abonnés sur son compte TikTok. Désireux d’offrir également un point de vue québécois en anglais, il alimente un compte TikTok anglophone suivi par près de 9000 abonnés.