Entre les spectacles des tournées Pour une histoire d’un soir et Noël, une tradition en chanson, Marie Denise Pelletier a trouvé le temps d’enregistrer un disque contenant du matériel original. La chanteuse amorcera en février une longue tournée destinée à souligner 40 ans de carrière. Rencontre avec une artiste qui plonge dans l’année 2024 en étant très fière du chemin parcouru.

Dans la chanson Sous ma peau de femme, qui donne le titre à son nouveau disque, Marie Denise Pelletier dit : « J’vous ai chanté l’amour/Sans filet ni tambour/J’me suis donnée à nu/Comme on reçoit l’amour ».

Ces mots montrent l’importance que la musique a prise dans la vie de cette femme qui a connu un long cheminement avant de trouver une certaine plénitude. « Je me rends compte aujourd’hui que chanter a été ma meilleure thérapie, me dit-elle attablée au Café Cherrier, où elle m’a donné rendez-vous. Ça m’a aidée à devenir une meilleure personne. Le chemin a été long, mais aujourd’hui, je me dis que ça valait la peine. »

Le « long chemin » auquel elle fait allusion a été fait de mille choses. D’une longue « analyse », d’ateliers de croissance personnelle et, depuis une quinzaine d’années, de méditation. « La méditation me procure un calme intérieur. On prend le temps de déposer les choses. J’ai l’impression de faire le ménage. »

Marie Denise Pelletier savoure aujourd’hui ce qui lui a permis de « régler beaucoup de choses », des choses sur lesquelles elle ne souhaite pas s’étendre. « Tu sais, quand tu n’as pas beaucoup d’amour envers toi-même, tu surnages. J’avais toutefois un objectif, et c’était celui de chanter. C’est ça qui m’a aidée. »

Jeune, Marie Denise Pelletier était une enfant surdouée. L’école l’ennuyait puisque rien n’allait assez vite pour elle. À cela s’ajoutait un TDAH. Ce cocktail a fait d’elle une « reine de la procrastination ». Elle a rapidement découvert qu’elle n’avait pas à travailler fort pour obtenir de bonnes notes.

De plus, elle a reçu de son père et de sa mère, tous deux chanteurs, le cadeau d’une voix exceptionnelle au registre étendu et d’une puissance hors norme. La jeune Marie Denise est donc une chanteuse talentueuse, mais paresseuse.

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Marie Denise Pelletier sur la scène du Théâtre des Deux Rives, à Saint-Jean-sur-Richelieu, dans le cadre de la tournée du spectacle Pour une histoire d’un soir, en 2021

La première personne qui a osé m’en parler est Lucille Dumont. Elle m’a dit que j’étais un diamant brut, mais que si je ne travaillais pas, je n’irais pas loin. Elle m’a fait réaliser que le travail est plus important que le talent. Ce fut rough.

Marie Denise Pelletier

De « reine de la procrastination », Marie Denise Pelletier devient « fille ultra-organisée ». « J’ai travaillé avec des équipes formidables, mais la boss, ça a toujours été moi. Mon premier gérant m’a dit un jour que je devais apprendre à compter et à lire des contrats. J’ai retenu ça. »

La carrière de Marie Denise Pelletier a démarré en lion : le festival de la chanson de Granby, en 1982, puis Starmania, les premiers succès radio, les tournées, les télés… Tout est allé très vite. « Jeune, ça m’énervait d’être trop occupée. J’avais du mal à dealer avec ça. »

Avec le recul, l’artiste reconnaît que, sans jouer les grandes divas, elle était parfois « raide » au début de sa carrière. « Ceux qui travaillaient autour de moi, ça allait. Ils savaient me gérer. Mais je n’étais pas évidente pour les autres. Je voulais tout contrôler, car je ne faisais pas confiance. »

Elle a le souvenir d’un spectacle sur les plaines d’Abraham où un tabouret devait être retiré entre deux chansons. « Je me retourne et je vois que le tabouret est encore là. Je l’ai pris et je l’ai lancé dans les coulisses. Mon agent a dû se pousser pour ne pas le recevoir sur la tête. Ce fut mon geste le plus heavy duty », dit-elle en riant.

Un acte de bravoure

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Marie Denise Pelletier a pris le micro au Gala de la SOCAN de mai dernier.

Ceux qui ont vu Marie Denise Pelletier en spectacle au cours des dernières années ont pu constater que la voix de la chanteuse n’a rien perdu de sa beauté ni de sa vigueur. Mais contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, la chanteuse n’est pas du genre à faire des vocalises pendant trois heures pour maintenir son organe en forme.

« C’est un mythe, ça ! La meilleure chose que tu peux faire pour ta voix, c’est de la laisser se reposer. Quand je pars en tournée, j’entre en religion. »

La chanteuse s’est dotée d’une hygiène de vie pour protéger ce trésor qu’elle porte en elle. « À 20 ans, j’ai cessé de boire et de fumer. Je tente de me tenir en forme. J’ai quitté la ville pour la campagne [elle vit dans les Laurentides]. J’y trouve mon équilibre. J’adore le silence. Je n’ai pas besoin d’écouter de la musique, car elle m’habite toujours. »

Après avoir enregistré 150 chansons et vendu près de 600 000 disques, Marie Denise Pelletier a souhaité faire un disque de chansons originales, un véritable acte de bravoure en 2023. Pour celle qui a vécu l’époque du vinyle, puis du CD et maintenant du streaming, cette production a pris une grande importance.

Au fond, ce métier n’a pas tant changé. Ce qui compte, c’est de toucher le monde. On le touche avec son intériorité, on le touche avec son bagage. J’ai l’impression d’être une meilleure chanteuse aujourd’hui qu’à 20 ans. J’ai plus de choses à dire.

Marie Denise Pelletier

Le talent d’un interprète repose en grande partie sur sa capacité à aller chercher du bon matériel. Pour ce nouveau disque, Marie Denise Pelletier a eu la main heureuse : Michel Rivard, Claude Gauthier, Martine Pratte, Marc Chabot, Daniel Lepage, Marc Séguin, Catherine Major, Moran, Louis-Jean Cormier, Robert Charlebois, Corey Hart, Stéphane Blanchette, Sylvie Paquette, Norman Racicot, Claude Pineault… Que des gens qu’elle aime.

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Marie Denise Pelletier, Marie Carmen et Joe Bocan, qui présentent ensemble le spectacle Pour une histoire d’un soir, se sont retrouvées pour enregistrer une chanson.

L’amour à 55 ans

Sur ce disque, beaucoup de chansons parlent d’amour. Et pour cause, il est inspiré par celui qui est entré dans le cœur de Marie Denise Pelletier il y a huit ans. Normand, un Madelinot, lui a été présenté par une amie lors d’une blind date. « Mon amie Lucie me disait qu’il n’était pas au courant et elle lui disait que je n’étais pas au courant. Sauf que tous les habitants des Îles-de-la-Madeleine étaient au courant que nous allions nous rencontrer. Cela dit, Lucie a vu juste. »

Celle qui aime à dire qu’elle a un « doctorat en peines d’amour » n’en revient toujours pas d’avoir trouvé l’amour à 55 ans. « J’avais abdiqué et j’étais prête à passer ma vie seule. J’avais connu trop d’histoires malheureuses. J’ai eu longtemps le syndrome de la fille qui voulait sauver ses chums. Cela dit, j’ai quand même eu quelques belles histoires, dont une qui a duré 11 ans. »

Marie Denise Pelletier est consciente qu’elle est une source d’inspiration pour les gens qui se retrouvent seuls dans la cinquantaine. « Un cœur, c’est vivant jusqu’à la mort, dit-elle. Mon père a connu sa dernière peine d’amour à 83 ans. »

Les dernières années donnent l’impression que Marie Denise Pelletier a toujours été très présente dans le regard du public. Ce n’est pas tout à fait le cas. « J’ai toujours travaillé, mais il y a eu des hauts et des bas. Cela dit, je ne m’ennuie pas si je ne chante pas. J’ai une vie à côté de celle de la chanteuse. J’ai une famille, il y a des enfants autour de moi, même si je n’en ai pas eu. L’été, je me transforme en monitrice de camp de vacances. Je vis l’instant présent. En fait, je suis consciente de la chance que j’ai. »

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Questionnaire sans filtre

Le café et moi

Je ne bois pas d’alcool, je ne fume pas, mais le café est ma drogue. J’ai une machine à espresso classique chez moi et j’exige de préparer moi-même mon café, même si mon chum insiste pour m’aider.

Des personnes, mortes ou vivantes, que j’aimerais réunir autour d’une table

Le philosophe Spinoza, Albert Einstein, Bouddha et Marc Séguin. Ouais, c’est vrai que ça fait beaucoup de gars. J’inviterais aussi Farah Alibay.

Sur ma table de chevet

En permanence, il y a les livres d’Henepola Gunaratana, Méditer au quotidien, et d’Eckhart Tolle, L’art du calme intérieur. À Noël, j’ai reçu la biographie de Clémence, de même que Monologues et détours imprévisibles, d’André Sauvé, et le dernier Astérix. Ces livres m’attendent.

La dernière fois que j’ai pleuré

Je ne suis pas très braillarde, mais quand le public me fait une ovation, je ne peux m’empêcher d’avoir les yeux mouillés. C’est toute une dose d’amour !

Qui est Marie Denise Pelletier ?

  • 1982 : prix d’interprétation du Festival international de la chanson de Granby
  • 1985 : elle interprète Stella Spotlight dans Starmania.
  • 1987 : lancement de l’album qui contient Tous les cris, les S.O.S. et Pour une histoire d’un soir.
  • 1994 : au gala de l’ADISQ, elle remporte le Félix du Meilleur album populaire pour Entre la tête et le cœur.
  • 2017 : création du disque Entre Claude et moi en hommage à Claude Léveillée
  • 2020 : lancement de la tournée Pour une histoire d’un soir, avec Joe Bocan et Marie Carmen