Du comité de relance du Parti libéral du Québec, on attendait une autocritique sérieuse des dernières années où le PLQ a perdu sa connexion avec les francophones et une perspective large sur de grandes orientations pour l’avenir. En lieu et place, le comité aura pondu une plateforme électorale détaillée.

Pour les plus vieux, cela ressemble étrangement à un film qu’on a déjà vu. Ça s’est appelé le Livre beige.

Peu après la victoire du Parti québécois en 1976 et alors qu’on s’acheminait pour la première fois vers un référendum sur la souveraineté, tous avaient noté que le PLQ n’avait plus aucune plateforme constitutionnelle.

Leur nouveau chef, Claude Ryan, un intellectuel de haut calibre qui avait les défauts de ses qualités, entreprit d’écrire un long document très fouillé – sous couverture beige, d’où son surnom – sur la réforme constitutionnelle qu’il espérait. C’était, en quelque sorte, un programme fédéraliste pour le référendum de 1980.

Mais au lieu de se contenter de grands principes, M. Ryan y est allé dans le menu détail. Ce qui a permis au premier ministre du Canada et chef de facto des fédéralistes, Pierre Trudeau, de rejeter ces propositions – sur les modalités et en ignorant la trame de fond – alors que l’encre n’était pas encore sèche.

Pendant la campagne électorale qui suivit, en 1981, le rejet d’un revers de main du Livre beige avait contribué à la défaite des libéraux de Claude Ryan.

Ce long rappel est utile pour comprendre comment le Comité de consultation et de réflexion sur la relance du Parti libéral du Québec est un exercice consciencieux et studieux, qui pourrait bien connaître le même sort que le Livre beige.

Les propositions sont un savant mélange de propositions éternellement reprises, mais toujours rejetées, et d’actions ponctuelles qui auraient leur place dans une plateforme électorale pour des élections dans quelques semaines.

Parmi les propositions « éternelles », notons le remplacement du Sénat par une Chambre des provinces, une proposition des années 1970-1980 qui n’a jamais eu assez d’appuis pour même être considérée sérieusement.

Il y a aussi le projet d’une Constitution québécoise, qui a excité des générations de constitutionnalistes, mais sans jamais aller plus loin que des articles savants. Même si tout le monde reconnaît qu’il s’agit d’une compétence exclusive du Québec et qu’il n’a pas à demander la permission à quiconque.

On peut aussi parler de la déclaration de revenus unique, de l’instauration d’un mode de scrutin préférentiel, d’une « véritable stratégie industrielle » ou du revenu minimum garanti, maintenant renommé revenu minimum « d’activité ». Toutes des idées qui ont été recyclées de campagne électorale en campagne électorale sans jamais voir le jour, ce qui fait que l’électorat est maintenant blasé et n’y croit tout simplement plus.

On pourrait aussi parler de la proposition récurrente d’un grand sommet sur l’avenir économique et social du Québec, auquel on ajoute le vocable environnemental pour être dans l’air du temps.

Mais ce qui étonne le plus, ce sont les propositions très actuelles et qui, même si elles sont intéressantes, peuvent avoir pour effet de placer tout nouveau chef libéral dans un carcan.

Juste un exemple : le comité propose de fusionner les deux principaux enjeux économiques du moment, soit l’inflation et la pénurie de logements, dans une Loi sur la protection contre l’inflation et sur l’accessibilité au logement.

Ce qui va obliger le nouveau chef soit à endosser sans réserve le travail du comité sans pouvoir y mettre sa propre marque, soit à le répudier. Un exercice qui risque d’embrouiller le message et de « perdre » de précieuses interventions.

Une campagne électorale, c’est essentiellement un chef qui présente une vision et qui articule, en somme, un nombre limité de grands engagements du programme de son parti. Mais le prochain chef libéral devra, inévitablement, être appelé à comparer ses propres propositions à celles du comité de relance. Un exercice dont il préférerait certainement faire l’économie.

Par contre, même s’il ne le dit pas explicitement, le comité comprend que pour gagner contre la Coalition avenir Québec, il faudra avoir des propositions progressistes. L’austérité des années Charest et Couillard a surtout laissé le souvenir de chaînes humaines devant les écoles, même si les livres comptables étaient en bon ordre.

De même, le comité met en garde le PLQ contre l’idée de tuer certaines initiatives utiles comme les conférences régionales des élu(e)s, juste parce qu’elles émanaient de l’ancien gouvernement. Les CRE s’appelleraient plutôt les pôles de concertation régionale, mais tout le monde comprend le message.

Mais, malheureusement, ce qui ressort le plus du rapport final du comité de relance, c’est que le Parti libéral du Québec est toujours aussi incapable de sortir d’une certaine nostalgie du temps où il suffisait à Jean Charest de dire le mot « référendum » pour obtenir trois mandats consécutifs.

Il sait que ce temps-là est révolu. Mais il n’a pas encore trouvé une autre place sur le nouvel échiquier politique.