Leurs situations ne sont pas identiques, mais les parallèles sont révélateurs. Les difficultés actuelles de Justin Trudeau et de François Legault se ressemblent.

Les deux ont été élus après le long règne d’un parti que les électeurs avaient hâte de congédier. Leur victoire aura presque coupé l’oxygène d’un autre parti politique pourtant bien établi. Les deux ont été très populaires en début de mandat et se sont plutôt bien sortis de la pandémie.

Mais les deux doivent maintenant subir la grogne de la population qui voit les deux ordres de gouvernement avoir d’énormes difficultés à assurer les services publics essentiels.

Le gouvernement Trudeau avait pourtant fait de la capacité de livrer des services publics de qualité un enjeu essentiel de son premier mandat. On avait fait des séminaires sur la deliverology, théorie d’un gourou britannique de la gouvernance efficace, Sir Michael Barber, qui a été invité à plusieurs réunions du Conseil des ministres.

Le gouvernement Trudeau devait s’assurer de livrer ses promesses et de gérer l’État de manière à mesurer l’avancement des dossiers et leurs résultats pour le public.

C’est là que tout s’est gâté pour le gouvernement Trudeau. À la sortie de la pandémie, il était incapable de fournir les services de base comme délivrer les passeports ou s’assurer que les aéroports fonctionnent normalement.

Et alors que Justin Trudeau se vantait que le Canada allait reprendre sa place sur la scène internationale – Canada is back !, avait-il dit –, on constate avec les crises actuelles que le Canada est de moins en moins présent dans la cour des grands.

Évidemment, ni M. Trudeau ni M. Legault ne sont responsables de tout. Les pénuries de main-d’œuvre, la crise du logement et l’inflation qui sévissent depuis la fin de la pandémie y sont pour beaucoup.

Mais ils ont un impact que les gouvernements n’ont pas su maîtriser – ou, au moins, amoindrir – sur les services aux citoyens.

Politiquement, c’est différent. M. Trudeau est dans son troisième mandat, dans un pays où cela fait plus d’un siècle qu’un premier ministre n’en a pas obtenu un quatrième.

Son leadership commence à être ouvertement contesté et un successeur potentiel commence à faire parler de lui. Pour la première fois, Mark Carney, l’ancien gouverneur de Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre a indiqué que le poste pourrait bien l’intéresser.

M. Trudeau ferait donc bien de penser, avant d’y être trop lourdement invité, à faire une « marche dans la neige » en février, comme son père l’avait fait il y a quatre décennies.

M. Legault, lui, n’est qu’au début de son deuxième mandat, et il a déjà dit en souhaiter un autre. Mais il est en perte de vitesse dans les sondages et le Parti québécois, son ancien parti qu’il voulait tant rayer de la carte, est en train de renaître de façon spectaculaire.

Mais la raison principale de la désaffection envers le gouvernement Legault est la détérioration des services gouvernementaux essentiels que sont la santé et l’éducation.

Dans les deux cas, le gouvernement s’est engagé dans de vastes réformes administratives qui, à la fin, signifient plus de centralisation et la concentration d’encore plus de pouvoirs entre les mains du ministre.

Sauf que ce n’est pas ça qui va faire augmenter le nombre d’infirmières ou d’inhalothérapeutes. Ce n’est pas une nouvelle réforme de structure qui va former plus de professeurs ou empêcher les plafonds de tomber sur la tête des élèves.

Et alors qu’on joue avec les structures, le gouvernement affronte les syndicats de ses employés, qui s’estiment – non sans raison – floués par les offres gouvernementales et qui préparent la grève.

Pendant ce temps, les projets sur lesquels le gouvernement fondent beaucoup d’espoirs semblent avoir soudainement moins d’avenir. Le plan stratégique d’Hydro-Québec semble tellement ambitieux qu’on se demande comment il pourra être réalisé en même temps qu’on investirait massivement dans la « filière batterie ».

Le nouveau PDG d’Hydro, Michael Sabia, disait que sa grande crainte n’était pas le financement de son plan de 185 milliards de dollars d’ici 2035, mais la pénurie de main-d’œuvre. C’est vrai que du financement, on finit toujours par en trouver. Mais ce n’est pas le cas des ressources humaines.

En même temps, le gouvernement admet que les profits – et donc le dividende – d’Hydro-Québec pourraient fondre, mais il n’est pas question de hausser les tarifs résidentiels puisque le premier ministre a décrété unilatéralement qu’ils seront plafonnés à 3 % et resteront, et de loin, les moins élevés sur le continent.

Cette semaine, parlant de l’effet des sondages, M. Legault a admis que l’inflation faisait mal et a dit qu’il songeait à des façons d’aider les Québécois à traverser la crise. Ça sent une nouvelle distribution de chèques, mais ça sent surtout la panique d’un premier ministre qui sent que le tapis lui glisse sous les pieds.