(Paris) L’expression revient souvent quand on parle du président Emmanuel Macron, alors qu’il approche de la moitié de son deuxième et dernier mandat : « Il n’a plus de boussole. » Il gouverne à vue et avec force trucs de communication qui, avec le temps, marchent de moins en moins.

Si cela vous fait penser à François Legault, qui, lui aussi, s’est retrouvé très rapidement en difficulté depuis sa défaite à l’élection partielle de Jean-Talon, peu après le début de son deuxième mandat, vous n’avez pas tort.

Les ressemblances entre la situation de M. Macron et celle de M. Legault sont nombreuses. Tous les deux ont pris le pouvoir en renversant des partis qui avaient une longue histoire. Tous les deux sont chefs d’un jeune parti qui n’a d’autre véritable programme que ce que le chef décide. Des partis qui n’ont donc pas de projet politique bien précis auquel se référer quand ça va mal.

Pour Emmanuel Marcon, cette fin de semaine, cela se traduisait par une seconde réunion des partis politiques hors des institutions. Un « rendez-vous à Saint-Denis », en banlieue parisienne, qui a plus ou moins bien réussi à son premier essai l’an dernier.

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Le premier ministre François Legault lors d’un récent point de presse à Montréal

Ayant perdu sa majorité à l’Assemblée nationale, le président essaie de compenser en obtenant un consensus des partis politiques. En particulier, il voudrait rendre plus facile le recours au référendum et souhaiterait qu’il soit permis non seulement sur les questions constitutionnelles, mais aussi sur les « questions de société », comme l’immigration, sujet sensible s’il en est. L’idée a finalement été retirée faute de consensus.

Sauf que vendredi, la rencontre a été boycottée par trois des partis représentés à l’Assemblée nationale. Ce qui fait que la moitié des Français indiquent déjà dans un sondage que la rencontre est inutile.

Plusieurs observateurs y ont surtout vu une tentative de passer à autre chose après la grande manifestation contre l’antisémitisme de dimanche dernier qui avait rassemblé plus de 100 000 personnes à Paris et où le président Macron brillait par son absence.

Bref, avec trois ans et demi à faire dans son dernier mandat de cinq ans – la Constitution lui interdit de se représenter –, le président Macron est, comme le titrait Le Figaro vendredi, « pris dans ses contradictions » et ne semble pas trop savoir comment s’en sortir.

On pourrait facilement dire la même chose de François Legault, qui est littéralement déboussolé depuis sa défaite dans Jean-Talon. Au point de ressusciter le projet de troisième lien après une nuit sans sommeil.

Son obsession est maintenant de ramener vers son parti les électeurs de la région de Québec. Le voilà donc qui prend le contrôle du projet de tramway, même s’il n’est pas clair si c’est pour le mener à bien ou si c’est pour l’abandonner.

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Le président des Kings de Los Angeles, Luc Robitaille, était présent à l’annonce, mardi dernier, par le ministre des Finances, Eric Girard, de la venue en octobre 2024 de l’équipe de hockey au Centre Vidéotron de Québec.

En prime, l’incroyable subvention qui pourrait atteindre 7 millions de dollars pour permettre aux Kings de Los Angeles de venir jouer deux matchs préparatoires au Centre Vidéotron l’automne prochain. Les Nordiques ne reviendront pas – même s’il y a un ministre responsable du dossier –, mais les braves contribuables de Québec auront le droit d’assister à deux matchs qui ne comptent pas.

Le tout alors que les offres de l’État à ses employés – dont un grand nombre vivent à Québec ! – ne leur permettraient pas de maintenir leur pouvoir d’achat.

Un affrontement se prépare donc entre l’État et les fonctionnaires, mais à défaut de pain, ceux-ci pourront toujours acheter des billets pour aller voir les jeux au « Colisée » !

C’est ce qui arrive quand un gouvernement n’a plus de boussole. Et avoir un parti politique vivant et qui est un lieu de débats est encore le meilleur moyen d’avoir une telle boussole.

M. Legault, comme M. Macron, n’a pas de véritable parti politique. La volonté du chef tient lieu de programme. Il n’y a pas de militants qui débattent et qui indiquent une ligne politique. À part la « filière batterie » et une certaine vision du développement économique, on serait bien embêté de dire quels sont les objectifs de la CAQ. Pas même sur la question constitutionnelle, à part de vagues références au nationalisme.

Il y a pourtant un parti politique qui monte dans les sondages au Québec et force est de constater que c’est précisément parce qu’il est en train de se redonner la boussole qu’il avait perdue, et c’est le Parti québécois.

On peut critiquer certaines des initiatives de Paul St-Pierre Plamondon, mais il est incontestable qu’il est en train de redonner à son parti des objectifs clairs et les moyens d’y arriver.

Il n’est pas étonnant que les « vieux péquistes » soient en train de quitter le navire de la CAQ : ceux qui ont été les derniers à y monter sont aujourd’hui les premiers à en sortir.

Chose certaine, le PQ est en train de retrouver sa boussole. C’est très loin de garantir le succès à un éventuel référendum – l’idée d’un troisième essai rebute encore un grand nombre d’électeurs – mais, au moins, les militants du Parti québécois savent dans quelle direction ils s’en vont.