Encore une fois, les noyades font la manchette cet été.

Le recensement compilé par la Société de sauvetage du Québec fait état de 39 noyades « non officielles » depuis le début de l’année — la cause de la mort n’a pas toujours été confirmée par un coroner.

On peut se réjouir que ce nombre soit en baisse comparativement à la même date l’an dernier (48 noyades). On peut aussi souligner que les circonstances de certaines de ces noyades ont laissé peu de chance aux victimes, même si elles savaient bien nager.

Mais certains des évènements survenus depuis le début de l’été nous serrent le cœur.

Une adolescente de 14 ans qui se noie dans un parc aquatique. Un homme de 21 ans retrouvé mort dans une piscine municipale. Un autre dans un lac de la Montérégie. D’autres personnes qui ont été emportées par le courant, à la suite d’une chute ou d’une baignade. Selon les témoignages recueillis auprès des proches, ces victimes ne savaient pas nager, ou ont enfreint des règles élémentaires de sécurité. Des morts auraient pu être évitées.

Dans un pays de lacs et de rivières, de piscines creusées ou hors terre, la nécessité de savoir se débrouiller dans l’eau est incontournable. On ne parle pas de maîtriser l’art de la brasse papillon. Mais on ne parle pas non plus de se baigner « dans le pas creux », en sautillant dans le fond de l’eau. On parle d’être capable de nager pour survivre.

Que vous arriverait-il si vous tombiez à l’eau, sans avoir pied au fond, et que vous deviez nager plusieurs mètres jusqu’à un endroit sûr ? Seriez-vous en mesure de le faire pour sauver votre vie ?

Pour beaucoup d’enfants, ce n’est pas le cas. Et ce n’est pas seulement par manque de sensibilisation de leurs parents, comme le rapportait récemment notre collègue Mayssa Ferah, qui a rencontré des résidantes d’Anjou qui déploraient la difficulté d’accès aux cours de natation pour enfants.

Dans un monde idéal, le programme scolaire d’éducation physique permettrait d’intégrer des leçons de natation pour tous les élèves de niveau primaire et secondaire. Ou, du moins, il y aurait suffisamment de grands bassins intérieurs et de moniteurs-sauveteurs pour que tous les enfants apprennent les bases de ce sport.

On pourrait certainement souhaiter en faire un objectif de société, puisque la natation répond à la fois à un besoin de sécurité civile et d’activité physique.

Mais pendant qu’on tergiversera sur les millions de dollars que coûtent la construction et l’entretien des piscines, d’autres noyades surviendront…

Devant la difficulté d’offrir des cours de natation à tous les enfants, la Société de sauvetage propose une solution plus pragmatique : le programme « Nager pour survivre ».

Offert aux élèves à compter de la 3e année du primaire (8-9 ans), il consiste en trois séances d’une heure chacune où les élèves apprennent les bases de la nage de survie : retrouver ses repères après une chute en eau profonde, nager sur place pendant une minute, puis se déplacer sur une distance de 50 mètres pour se mettre en sécurité.

En 2019, le ministère de l’Éducation s’est donné pour objectif de rejoindre plus de 100 000 enfants en quatre ans avec ce programme. Environ 20 000 jeunes de 3e et 4e année du primaire ont suivi le programme dans l’année qui a précédé la pandémie – période durant laquelle le programme a été suspendu. Avec la reprise en septembre dernier, ce sont 15 134 enfants (sur les 185 000 élèves de 3e et 4e année) qui ont pu y participer.

C’est bien. Mais c’est encore trop peu.

Les écoles doivent être davantage encouragées à consacrer du temps à cette activité. Des sommes ont d’ailleurs été débloquées par Québec pour payer l’embauche de moniteurs et de sauveteurs, la location des piscines et le transport des élèves en autobus scolaire.

Mais la pression vaut aussi pour le reste de la société, pas seulement pour les directions d’école.

À Drummondville, par exemple, c’est l’organisme municipal responsable de la gestion des installations aquatiques qui coordonne le programme offert à tous les élèves de 3e année du primaire que compte ce territoire (écoles privées et publiques, anglophones et francophones).

Le manque de bassins de natation est un problème dans plusieurs régions, mais la Société de sauvetage souligne qu’elle n’a pas besoin d’une piscine olympique pour enseigner les bases de la nage de survie à des enfants. Et des petites piscines, il y en a dans les hôtels, dans les centres sportifs privés, dans des immeubles de condos… Les propriétaires de ces installations doivent aussi être encouragés à accueillir les enfants dans le cadre de ce programme.

Les enfants apprennent déjà un tas de trucs de survie pour sauver leur peau : composer le 911, traverser la rue, fuir un incendie… Leur apprendre à garder la tête hors de l’eau doit en faire partie.