La politique est un sport extrême qui se dispute entre adversaires au Salon bleu, mais aussi au sein de caucus divisés entre collègues d’un même parti. Au Québec, l’histoire parlementaire regorge de moments plus ou moins tendus où des députés insoumis ont refusé l’ordre établi.

Voter contre son gouvernement

En 1982, la députée péquiste Louise Harel a voté contre une loi spéciale décrétant les conditions de travail des employés de l’État, présentée par son propre gouvernement. Son geste – rarissime – n’est pas resté sans conséquence. « Je me souviens que je suis restée dans le Salon bleu, je n’arrivais pas à me lever. J’étais comme une statue de sel. Finalement, les employés ont fait le ménage et avant de fermer les lumières, ils m’ont tapé sur l’épaule pour me dire qu’ils devaient fermer les portes. Il m’a fallu au moins quatre mois avant de pouvoir trouver une table de collègues du Parti québécois où je pouvais m’asseoir pour manger », a raconté plus tard Mme Harel dans le cadre d’une entrevue pour une publication du CHU de Québec.

Perdre son poste au nom de ses principes

IMAGE TIRÉE DU FONDS RUSSELL WILLIAMS DES ARCHIVES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Russell Williams en campagne électorale en compagnie de Robert Bourassa, à la fin des années 1980

En 1991, après la publication des recommandations de la commission Bélanger-Campeau sur l’avenir constitutionnel du Québec, le député libéral Russel Williams a voté contre le projet de loi 150 de son propre gouvernement, puisque le texte législatif initial prévoyait la tenue d’un référendum sur la souveraineté avant le 26 octobre 1992 (la loi a finalement été modifiée pour que le référendum porte sur les propositions faites aux provinces à Charlottetown par Ottawa). Le premier ministre Robert Bourassa avait dépouillé son député de son titre d’adjoint parlementaire.

S’opposer à l’autorité

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Louise Beaudoin, Pierre Curzi et Lisette Lapointe ont claqué la porte du caucus péquiste pour siéger à titre de députés indépendants.

En juin 2011, près d’un an avant que Pauline Marois soit élue première ministre, le leadership de la cheffe du Parti québécois a été contesté par trois ténors de sa formation politique. Lisette Lapointe, Pierre Curzi et Louise Beaudoin ont claqué la porte pour siéger à titre de députés indépendants. « Le Parti québécois que je quitte, c’est celui de l’autorité outrancière, d’une direction obsédée par le pouvoir. L’atmosphère est devenue irrespirable », avait alors déclaré Mme Lapointe. À l’époque, le caucus péquiste était divisé sur un projet de loi sur la gestion de ce qui deviendra le Centre Vidéotron. Les trois députés démissionnaires ont refusé la ligne de parti que Mme Marois tentait d’imposer pour l’adoption du projet de loi.

Faire un coup d’éclat

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Françoise David, Manon Massé et Amir Khadir ont tourné le dos à la Chambre au moment de voter sur la réforme libérale de l’aide sociale en novembre 2016.

En novembre 2016, les trois députés de Québec solidaire, Amir Khadir, Françoise David et Manon Massé, ont tourné le dos à la Chambre au moment de voter sur la réforme libérale de l’aide sociale, qui obligeait les bénéficiaires à être en démarche de formation en emploi s’ils voulaient recevoir leur prestation. En entrevue au HuffPost Québec, à l’époque, Mme David a expliqué qu’ils avaient agi de la sorte au Salon bleu parce qu’ils considéraient que c’était « un jour de honte pour le Québec ».

Dire le fond de sa pensée

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

L’ancienne députée caquiste Émilie Foster, aujourd’hui professeure à l’Université Carleton

Au printemps dernier, l’ex-caquiste Émilie Foster, aujourd’hui professeure à l’Université Carleton, a déploré que les partis politiques soient « devenus des machines à centraliser le pouvoir et à contrôler le message », alors qu’ils sont en « campagne électorale permanente » et que les médias traitent les points de vue divergents des députés comme des trahisons. Dans ce contexte, affirmer publiquement qu’une décision gouvernementale est impopulaire ou malavisée, quand on est un élu du parti au pouvoir, ne passe pas inaperçu.

PHOTO ROCKET LAVOIE, ARCHIVES LE QUOTIDIEN

Le député de Jonquière, Yannick Gagnon, au moment de sa victoire électorale, en 2022

En novembre, le député caquiste de Jonquière, Yannick Gagnon, a reconnu qu’il se questionnait sur la subvention accordée en vue de la venue des Kings de Los Angeles pour des matchs préparatoires au Centre Vidéotron. « Ce n’est pas un bon timing », a-t-il dit. En avril, son collègue de Beauce-Nord, Luc Provençal, avait pour sa part fait savoir publiquement sa vive déception face à l’abandon du projet de troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis. Après sa défaite écrasante dans la circonscription de Jean-Talon, le gouvernement a ressuscité son projet.