J’aimerais creuser la question de la partisanerie. C’est peut-être la chose la plus visible lorsqu’on regarde de l’extérieur ce qui se passe dans la « bulle » parlementaire, à Québec. Est-ce que la partisanerie est en train de tuer l’envie des personnes politisées d’aller en politique ?

Louise Harel : La partisanerie, c’était bien pire avant. D’un côté, ils portaient une cravate rouge et de l’autre, une cravate bleue. C’était aussi coupé que ça. Ça aurait été impossible pour moi de porter une robe rouge.

Hélène David : Est-ce que c’est facile [d’être transpartisane] à l’intérieur de ton propre parti ? Ça dérange parfois. Quand c’est joli, gentil ou mignon, que ça ne fait pas trop mal au chef, à la ligne, aux scrums avec les journalistes, ça va. Mais sinon, [l’effet partisan], ça peut aplatir une personne qui n’est pas trop sûre d’elle. Ça peut vraiment éteindre. Quand tu arrives avec une certaine crédibilité, un certain âge, tu as le goût de leur dire : calmez-vous un peu, les excités partisans. Monique Jérôme-Forget disait : allez, les petits gars, tenez-vous tranquilles.

Cédric Dussault : Ce qui est plus dangereux pour la démocratie, à mon sens, ce n’est pas la partisanerie, mais plutôt, sur certains dossiers comme en logement, on a des élus qui défendent des intérêts.

Dans son livre, Catherine Dorion pose un regard critique envers la presse parlementaire et la relation entre les élus et les médias. Considérez-vous que les fameux scrums [mêlées de presse], puis les reportages qui décortiquent ou mettent en valeur des déclarations chocs et les conflits partisans, alimentent le cynisme envers la politique ?

Claudel Pétrin-Desrosiers : Je ne passe pas ma vie à écouter les scrums, parce que j’ai d’autres choses à faire, mais j’ai souvent l’impression qu’on essaie volontairement de coincer les députés.

Hélène David : Pour avoir la clip !

Claudel Pétrin-Desrosiers : Pour avoir la clip, mais tu es capable, selon les questions, de leur faire dire un peu n’importe quoi. Et si tu ne réponds pas, tu as l’air de la personne qui se faufile. Je trouve que les questions sont parfois orientées pour faire réagir à une affaire précise plutôt que sur les idées. Je sais que des journalistes font extrêmement bien leur travail, mais il y a quand même cette dynamique qui est de provoquer pour avoir une réaction qui va faire l’article le plus lu de la journée.

Véronique Laflamme : Je pense que dans les derniers mois, le travail journalistique a aussi contribué à exposer l’ampleur du scandale sur l’indifférence à l’égard de la crise du logement. Maintenant qu’il y a plus de gens, y compris de la classe moyenne, qui semblent touchés par l’enjeu, et que ce ne sont pas seulement les ménages à plus faible revenu, ça fait jaser davantage. Je pense que le travail journalistique, au sujet du logement, tend à jouer un rôle dans cette pression qui est plus grande sur le gouvernement.

Cédric Dussault : Je suis entièrement d’accord, mais ce n’est pas venu non plus des journalistes de la colline Parlementaire. C’est venu des journalistes de l’extérieur, qui rencontraient du monde, et ça aussi, c’est un problème. L’Assemblée nationale, en général, incluant les journalistes qui sont là, c’est une espèce d’aquarium déconnecté du reste de la population. Avec la grave crise qu’on vit en ce moment en logement, ça devrait être quelque chose d’un grand intérêt et on donne parfois des points de presse après un passage en commission parlementaire où il n’y a pas un seul journaliste.

Catherine Gauthier : Je dirais aussi que les médias ont joué un rôle clé en lien avec l’accord de Paris [pour limiter la hausse de la température]. On peut parler de diplomatie spectacle : les chefs d’État vont se rendre à un sommet international, ils veulent ressortir avec des engagements forts. S’il n’y avait pas eu cette pression médiatique sur les chefs d’État de livrer un engagement ambitieux, on n’aurait pas eu un accord [pour] limiter le réchauffement à 1,5 oC. Il y a un rôle positif qui peut être joué [par les médias], mais aussi beaucoup d’écueils. Le journalisme de catastrophe peut alimenter une certaine forme d’anxiété. La perte du sentiment de pouvoir jouir d’un environnement sain, c’est très anxiogène. Il faudrait un meilleur équilibre entre le journalisme de catastrophe et le journalisme de solution.

Marcos Ancelovici : On dit souvent que les médias sont le quatrième pouvoir, mais de la façon dont ils couvrent [l’actualité politique], on dirait plus souvent un pouvoir de transmission. Les journalistes font quelquefois des enquêtes, c’est très bien, mais il y en a peu. Ce qui domine, c’est le commentaire du commentaire. À la fin, on ne sait plus trop pourquoi on parle de ça.

Les propos ont été abrégés et condensés à des fins de concision.