Pour conclure cette table ronde, j’aimerais entendre vos idées concrètes de changements que vous aimeriez voir au Parlement.

Louise Harel : D’abord, redonner plus de choix aux citoyens. Il faut revenir à des mises en candidature locales [pour les partis politiques], et non des désignations [par le chef et sa garde rapprochée]. C’est fondamental. Avec finalement un mode de scrutin qui permet d’avoir une plus grande diversité.

Claudel Pétrin-Desrosiers : Un plus grand sentiment d’imputabilité [chez les élus]. De qui es-tu redevable ? À ceux qui t’ont élu ou à ta ligne de parti ?

Véronique Laflamme : Moi aussi, j’irais sur l’imputabilité. Dans le système politique actuel, j’ai l’impression que les États abdiquent leurs obligations face à la mise en œuvre des droits fondamentaux. C’est extrêmement inquiétant. Et quand les mouvements sociaux se présentent à l’Assemblée nationale avec des mémoires, qu’ils participent à des consultations parlementaires, finalement pour rien, à quoi participe-t-on ? C’est comme une mise en scène.

Le gouvernement devrait-il avoir l’obligation de fournir une réponse qui répond aux points et aux propositions que vous soumettez ?

Véronique Laflamme : Ce n’est pas juste de se faire répondre, mais que la population sente qu’elle est entendue. Si elle se mobilise, qu’il y ait minimalement une prise en considération. Actuellement, il y a un mur.

Hélène David : En commission parlementaire, autant quand j’étais du côté ministériel que dans l’opposition, je lisais tous les mémoires. J’ai même déjà un collègue ministre qui m’a dit : « Voyons, tu ne lis pas ça... » Mais je les lisais tous. Je les annotais. Je posais des questions. C’est ce monde-là qui nous alimente. Il y a donc quelque chose à réfléchir du côté des commissions parlementaires. Il y a quelque chose à réfléchir du côté des députés aussi. Il faut des rôles plus investis.

Marcos Ancelovici : Les commissions parlementaires, en sociologie des mouvements sociaux, on enseigne qu’elles servent principalement à neutraliser la mobilisation. Ça la canalise dans un espace où l’on sait à l’avance qu’il n’y aura aucun débouché. Où les gens vont s’investir, dépenser du temps et de l’énergie, et qu’ils ne seront pas en train de perturber le bon fonctionnement des institutions pendant ce temps-là. Ils ne seront pas dans la rue, ils seront neutralisés. Du point de vue de l’État et du contrôle social, en multipliant les commissions parlementaires, on assure la reproduction de l’ordre social et on ne change rien du tout.

Louise Harel : Alors, les remplacer par quoi ?

Marcos Ancelovici : Ce qu’il faut, c’est démocratiser le régime parlementaire. Il faut créer des instances, des dispositifs et des espaces décisionnels, pas juste tous les quatre ans.

Louise Harel : Mais concrètement, ça veut dire quoi ?

Marcos Ancelovici : Ça peut être de multiplier les référendums [entre autres]. Ce que je veux dire, c’est qu’avec le régime parlementaire, on fait une espèce d’amalgame comme si c’était ça, la démocratie. On a besoin de députés. On a besoin d’élections. On a besoin d’un espace délibératif, d’une assemblée. Mais on a besoin de beaucoup d’autres choses qui ne sont pas juste subalternes, subordonnées ou des notes de bas de page. Que ça soit aussi important que l’Assemblée nationale pour remettre en question le monopole qu’elle prétend avoir sur les pouvoirs décisionnels.

Louise Harel : Je pense qu’il n’y a pas de parfaits systèmes, et que celui-ci, la démocratie représentative, est le moins pire, pour l’avoir vécu. Les commissions parlementaires, c’est ce qu’il y a de plus passionnant au Parlement. Elles sont très utiles. C’est vrai que l’on entend un point de vue et son contraire, mais ça, c’est justement la démocratie. Être capable d’échanger sur des points de vue.

Véronique Laflamme : Le problème, c’est que dans le fond, ça n’a pas d’allure que la population soit pratiquement sans aucun levier [pendant quatre ans].

Cédric Dussault : Les gens sont pris dans un système. Ils travaillent, la politique devient secondaire. On devrait avoir une place beaucoup plus importante dans nos vies [pour la politique] et avoir la possibilité de s’impliquer politiquement.

Catherine Gauthier : Pour ma part, je crois qu’il y a des conditions préalables à l’exercice d’une démocratie qui est saine. Il faut intervenir sur ces conditions pour soutenir une citoyenneté active. Si rien n’est fait, on ne va pas se lever un bon matin et se dire : ça y est, j’ai envie d’être députée.

Les propos ont été abrégés et condensés à des fins de concision.