Est-ce que l'Autorité des marchés financiers (AMF) a assez d'étoffe pour poursuivre la firme suisse Genève Invest qui faisait la semaine dernière de la sollicitation au Québec, tout en ne détenant pas le permis requis par sa Loi sur les valeurs mobilières?

«Toute démarche de sollicitation menée par une compagnie étrangère auprès d'investisseurs québécois nécessite une autorisation de l'Autorité des marchés financiers, explique le porte-parole, Sylvain Théberge. Dans le cas qui vous intéresse, Genève Invest, cette compagnie n'est pas enregistrée auprès de l'Autorité. L'Autorité des marchés financiers est déjà au fait de la situation et le dossier est actuellement à l'étude afin de déterminer de la suite des choses.»

À quoi s'expose une société étrangère qui contrevient à l'article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières? Réponse de l'AMF: une telle firme s'expose à «une amende minimale (selon le plus élevé des montants) de 2000$ pour une personne physique et de 3000$ pour d'autres personnes, ou du double des bénéfices réalisés.»

Cela dit, que nous offrait au juste la firme suisse?

Dans les annonces Google diffusées la semaine dernière sur le site de Cyberpresse, on retrouvait juste à côté de ma chronique «Les meilleurs placements conservateurs» l'annonce suivante: «Placer en Suisse à 7,5%. Épargne à taux fixe, vous disposez à tout moment de votre argent.»

Intrigué par l'annonce, je clique sur l'aguichante offre et me voilà rendu en Suisse, sur le site de Genève Invest: «Votre partenaire en matière de gestion de patrimoine.»

«Nous sommes un cabinet de gestion de patrimoine indépendant dont le siège est situé à Genève. Nous disposons d'une autorisation officielle pour exercer en tant qu'intermédiaire financier et sommes soumis au contrôle de l'Administration Fédérale des Finances en Suisse. Nous vous proposons des solutions de placement adaptées et vous accompagnons dans toutes les démarches administratives, de l'ouverture de votre compte en Suisse jusqu'à la définition des stratégies d'investissement. Nous assistons majoritairement une clientèle internationale privée ayant une perspective de placement à moyen ou long terme.»

Pour nous appâter, on nous dit:

> 1. «Dans les conditions actuelles, nous pouvons offrir des rendements annuels entre 7-8% (en euros) dans un cadre sécurisé.» Comment? En faisant investir les clients dans des obligations à taux fixe émises par de grandes sociétés, d'une durée de 3 à 10 ans.

> 2. «La baisse des marchés: une opportunité pour investir sur des supports dynamiques» L'objectif? Offrir aux clients un rendement de 15-20%.

J'ai donc «cédé» à l'attrait des hauts rendements promis et j'ai joint, par courriel, Genève Invest, afin de savoir, si nous au Canada, pouvons ouvrir un compte en Suisse.

Voici le courriel que j'ai envoyé à Genève Invest: «Votre annonce est parue sur le site de Cyberpresse, de Montréal. Comment, en tant que Canadien, est-il possible d'investir chez vous? Comment ouvre-t-on un compte? Comment peut-on suivre notre portefeuille? Quelles sont vos références et banques partenaires?»

Un conseiller de Genève Invest m'a rapidement réécrit. «Merci pour votre message. L'ouverture de compte auprès de notre banque dépositaire Swissquote se fait normalement dans nos bureaux à Genève, mais il est aussi possible de l'ouvrir à distance. Oui, vous pouvez ouvrir un compte en tant que Canadien. Vous aurez un accès en ligne à votre compte vous permettant de suivre l'évolution à tout moment. Je vous envoie ci-joint de plus amples informations sur nos divers placements. Je me tiens à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.»

Sur le site de la firme, on nous donne d'autres détails importants:

- Le capital minimum pour investir chez Genève Invest? Réponse: 50 000 euros.

- Est-ce légal d'investir en Suisse lorsque quand on est un non-résident suisse? Réponse: «Oui, il est tout à fait légal de placer son argent en Suisse. Nous acceptons des placements provenant de la plupart des pays à partir du moment où l'origine des fonds est légale.»

Tout semblait bien beau... jusqu'au moment où j'ai vérifié auprès de l'AMF si Genève Invest avait le droit ou pas de solliciter les Québécois.

J'ai donc réécrit à «mon» conseiller de Genève Invest: «J'ai ouï-dire que les firmes étrangères (comme Genève Invest) doivent être enregistrées auprès de l'Autorité des marchés financiers du Québec pour annoncer leurs services au Québec et ainsi attirer des clients canadiens. Comme Genève Invest n'est pas enregistrée ici au Québec, croyez-vous que cela pose un problème pour ouvrir un compte chez vous, en Suisse?»

J'attends toujours la réponse... J'ai comme l'impression que les ponts sont coupés entre lui et moi.

Quoi qu'il en soit, j'ai vraiment hâte de voir si l'AMF va réellement courir après Genève Invest.

À suivre...