Résumé de l'horaire du premier ministre Stephen Harper, hier, 19 août.

- 9h15: le premier ministre Stephen Harper visite le site de construction de l'hôpital général de Hamilton. *Séance de photos seulement.

- 10h: le premier ministre Stephen Harper fait une annonce en compagnie du ministre de l'Industrie Jim Prentice à Hamilton.

- 11h: le premier ministre Stephen Harper prend part à un service au monument commémoratif des anciens combattants de Dieppe à Hamilton. *Séance de photos seulement.

- 14h: le premier ministre visite l'usine de VBL de General Dynamics, London Est (Ontario). *Séance de photos seulement.

- 18h: le premier ministre prononce un discours à un événement organisé par les membres conservateurs de Kitchener. Il est accompagné de membres du caucus conservateur de l'Ontario.

Stephen Harper a beau dire (il l'a répété encore hier) qu'il devra décider bientôt s'il déclenchera lui-même des élections, dans les faits, il est déjà en campagne électorale.

Quand un premier ministre se promène d'un bout à l'autre du pays pour aller faire des photo-ops dans les usines, sur les chantiers de construction et avec des anciens combattants, c'est que ça sent les élections. Ne manque plus que la traditionnelle visite à la garderie, et nous pourrons officiellement décréter que nous sommes en campagne électorale.

Cela fait déjà quelques semaines que ça dure. Voyez un peu l'horaire du premier ministre en ce mois d'août.

- 14 août 2008: le premier ministre Harper annonce l'octroi d'une aide financière pour les célébrations entourant le 400e anniversaire de la fondation de Cupids (à Terre-Neuve).

- 13 août 2008: le premier ministre Harper assiste aux célébrations de l'«année du retour à la maison» à Renews-Cappahayden (Terre-Neuve).

- 8 août 2008: les gouvernements du Canada et de l'Ontario s'associent pour appuyer une candidature à l'organisation des Jeux panaméricains.

- 5 août 2008: le premier ministre annonce l'élargissement sécuritaire de la Transcanadienne dans le parc national de Banff.

- 5 août 2008: le premier ministre participe au Folklorama à Winnipeg.

- 4 août 2008: le premier ministre participe aux célébrations du 150e anniversaire de la Colombie-Britannique.

Et encore, la liste n'est pas exhaustive. Faut-il vraiment que le premier ministre se déplace pour annoncer l'élargissement d'une route? Ou pour signaler la construction d'un futur hôpital, déjà annoncée depuis des mois? La réponse est oui, si ce premier ministre veut absolument être vu partout, tous les jours. Surtout que tous ces déplacements officiels lui permettent d'ajouter des rencontres partisanes en fin de journée.

Ce n'est pas M. Harper qui a inventé le stratagème. Il reprochait lui-même aux libéraux de faire la même chose en 2004. Le chef conservateur accusait en effet à l'époque Paul Martin de «gaspiller l'argent des contribuables» en se déplaçant partout au pays à bord de l'avion Challenger du gouvernement pour mener sa pré-campagne électorale. Les conservateurs n'ont pas non plus inventé les promesses électorales, mais le ministre des Transports et lieutenant québécois de M. Harper, Lawrence Cannon, a toutefois poussé le concept à son extrême en promettant cette semaine un nouveau pont Champlain!

Les conservateurs ont aussi lancé leur machine publicitaire, sous couvert de messages des députés aux électeurs. À Vancouver et Toronto, ils ont posté des milliers de dépliants promettant de mettre les toxicomanes et les vendeurs de drogue en prison, dénonçant au passage la mollesse des libéraux contre le crime.

Ce genre de campagne publicitaire négative est une copie conforme de ce qui se fait aux États-Unis depuis des années. En plus de jouer sur les émotions (la pub conservatrice affirme qu'il faut fermer la clinique d'injections supervisées de Vancouver parce que les toxicos et les revendeurs n'ont pas leur place près des quartiers résidentiels), ces campagnes ont le grand avantage d'échapper au plafond des dépenses électorales.

Nous ne sommes pas encore officiellement en campagne, mais le scénario des élections tôt cet automne (fin octobre, avant l'élection présidentielle américaine du 4 novembre) fait tranquillement son chemin dans les médias et, éventuellement, auprès des électeurs. Les libéraux aussi s'y font, jugeant qu'ils n'ont maintenant plus le choix.

En ce sens, la stratégie de Stephen Harper a bien fonctionné. En évoquant lui-même le caractère inévitable des élections, leur nécessité même, il a réussi à mettre la pression sur les épaules du chef libéral. Celui-ci aussi est passé en mode électoral. Au cours des trois prochains jours, il participera à 10 événements dans 5 villes ontariennes et il multipliera les points de presse (la plupart des déplacements du chef de l'opposition sont aussi payés par les fonds publics).

Au point où nous en sommes, aussi bien partir franchement en campagne électorale. D'autant plus que cela nous épargnerait les tergiversations de Stéphane Dion sur le «bon moment pour déclencher des élections» et les états d'âme du premier ministre à propos des tergiversations de M. Dion.