L’attention médiatique est à l’ancien président Donald Trump ce que l’oxygène est aux autres êtres vivants : elle est essentielle à sa vie. Qui d’autre utiliserait les médias sociaux comme il l’a fait il y a quelques jours pour annoncer – faussement ! – qu’il allait être arrêté ? C’est parce que la simple possibilité qu’il puisse être arrêté va augmenter l’attention qu’il reçoit.

Mais surtout, cela permet à l’ancien président de se présenter en victime, ce qui vient nourrir son narratif de campagne. Trump a toujours joué sur la peur et la frustration d’une partie de l’électorat. Mais maintenant, si on porte des accusations contre lui, ce sera une preuve que tout le monde est en danger. « S’ils peuvent accuser Trump, ils peuvent accuser n’importe lequel d’entre vous », disait-il en fin de semaine.

« Ils », c’est le gouvernement, la police, l’État profond, tout ce qui peut vous embêter ou vous faire peur. Et, bien sûr, Trump est le dernier rempart contre tout cela, et il le fait avec un discours de plus en plus violent. « Je suis votre justice, si vous avez été lésés ou trahis, je serai votre vengeance », a-t-il dit au CPAC, la grande conférence annuelle de la droite, au début du mois.

Trump reste aussi le maître du sous-entendu. Ainsi, il a écrit (et fait disparaître par la suite) un message sur son réseau Truth Social disant qu’il pourrait y avoir des morts et du saccage s’il était mis en accusation. Lundi soir, sur Fox News, il affirmait plutôt : « Je n’ai jamais dit de faire quelque chose du genre. J’ai juste peur que les gens le fassent parce qu’ils seront très en colère. »

En passant, cette longue entrevue sur Fox était un retour après plusieurs semaines d’absence, soit depuis que des courriels peu flatteurs à son égard par des animateurs de Fox ont été déposés en cour dans une poursuite contre le réseau.

Mais poursuite et animateurs hypocrites ou pas, Trump sait que les électeurs républicains sont restés fidèles à Fox et que c’est encore le meilleur moyen de les rejoindre. Même si le grand patron du réseau, Rupert Murdoch, n’aime plus beaucoup l’ancien président et le fait savoir.

En fait, la course à l’investiture républicaine pour 2024 est déjà commencée et elle commence même à ressembler considérablement à celle que Trump avait remportée en 2016 quand il avait littéralement détruit tous ses adversaires, tout en conservant l’attention des médias par ses interventions toujours controversées.

Sa stratégie était simple : il a détruit systématiquement ses adversaires, un à la fois, en commençant par celui qui était vu comme son principal rival, Jeb Bush, frère de l’ancien président et ancien gouverneur de la Floride. Puis, il s’en est pris à Marco Rubio, sénateur de Floride, dont les « petites mains » signifiaient, selon Trump, une petite virilité. Puis ce fut le sénateur du Texas, Ted Cruz, le dernier qui aurait pu lui ravir la nomination.

Cette fois, c’est Ron DeSantis, le gouverneur de la Floride, qui se retrouve dans le collimateur de Trump. Actuellement, les sondages sont un peu contradictoires. Si on demande aux électeurs républicains de choisir entre Trump et DeSantis, c’est le gouverneur de la Floride qui l’emporte de peu.

Mais dès qu’il y a trois choix ou plus, c’est Trump qui l’emporte.

C’est comme ce qui s’était produit en 2016. Trump n’avait pas obtenu la majorité des voix lors des primaires républicaines. Mais grâce à la division du vote entre plusieurs adversaires et de règles qui donnent une prime en délégués à celui qui a gagné la primaire, il est arrivé à la convention républicaine en étant assuré d’une majorité absolue.

Évidemment, les choses pourraient changer si Trump est mis en accusation. Mais à la condition qu’il soit reconnu coupable, sinon cela renforcera son discours de victime. Or, dans la cause qui semble la plus avancée, rien n’est moins certain.

L’ancien avocat de Trump, Michael Cohen, affirme qu’il a donné à la vedette porno Stormy Daniels la somme de 140 000 $ pendant la campagne de 2016 pour qu’elle ne parle pas d’une relation qu’elle avait eue avec Trump.

Trump nie, autant pour la relation que pour l’argent.

Trump pourrait être accusé de falsification des livres comptables au cours des prochains jours et, au procès, ce sera la parole de l’ancien président contre celle de son ancien avocat. Le résultat est incertain.

Une autre accusation est plus sérieuse et a plus de chances d’aboutir. C’est la tentative de Trump de convaincre le secrétaire d’État de la Géorgie de lui « trouver » 11 780 votes pour qu’il puisse gagner cet État. Comme la conversation était enregistrée, disons que la défense de Trump sera compliquée.

En plus, cela viendrait enlever beaucoup de crédibilité aux prétentions de Trump sur la validité de l’élection de 2020, puisque ce serait lui qui demandait à la Géorgie de tricher.