Les grands processus d’introspection des partis politiques –normalement après une défaite électorale particulièrement cruelle – donnent rarement des résultats spectaculaires. Pour la simple et bonne raison que les partis ne peuvent se réinventer sans renier leur histoire et désorienter leurs militants.

Le Parti québécois (PQ) a été, historiquement, celui qui a le plus souvent eu recours à ces grands aggiornamentos. Mais rarement avec des résultats très inspirants.

Ainsi, après la défaite de 2003, une élection que les péquistes croyaient gagner facilement, Bernard Landry avait lancé la « saison des idées ».

« Il faudra avoir le courage de remettre en question des habitudes, des réflexes, des orientations qui ont longtemps été les nôtres », avait dit M. Landry. Mais à la fin de l’exercice, le PQ a conclu que les meilleures idées étaient celles qu’il avait toujours eues.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a subi, l’automne dernier, une défaite encore plus historique que celle du PQ en 2003. Il n’est donc pas étonnant qu’il se lance dans sa propre remise en question.

Quand il est devenu chef du PLQ, Jean Charest avait demandé à Claude Ryan de lui définir les valeurs libérales, ce qui a donné lieu à la publication d’un petit livre, Les valeurs libérales et le Québec moderne, qui tient encore lieu de petit catéchisme du libéralisme à la sauce québécoise.

Mais, dans les faits, les grands principes déterminés par M. Ryan ont été intégrés à la constitution même du PLQ et constituent son article 1. Ce qui signifie que, comme toutes les choses qui aboutissent dans les constitutions, ce sera plutôt compliqué à amender.

De toute façon, on ne voit pas comment le PLQ pourrait tourner le dos à des idées comme « la primauté de la personne, les droits individuels et le droit de chacun de réaliser ses aspirations dans le respect d’autrui ».

L’un des problèmes du PLQ est le fait que la marque de commerce libérale vit actuellement ses pires jours sur le plan provincial partout au Canada.

Il n’y a plus qu’un seul premier ministre libéral, soit à Terre-Neuve-et-Labrador. Les libéraux sont l’opposition officielle au Québec et dans les trois autres provinces maritimes.

Mais à l’ouest d’Ottawa, les partis libéraux sont aux soins intensifs. En Ontario, ils n’ont plus que 8 députés sur 124. Il en reste trois au Manitoba. Et il n’y en a plus aucun en Saskatchewan et en Alberta.

Quant à la Colombie-Britannique, il y a longtemps que le Parti libéral était devenu, dans les faits, le parti conservateur provincial. Mais la marque de commerce libérale est si maganée que le parti a changé de nom il y a quelques mois et s’appelle maintenant le B.C. United. Un nom d’équipe de soccer...

Tout cela pour dire que les problèmes actuels des libéraux québécois ne sont pas seulement dus à la désaffection des électeurs francophones. Tous les partis libéraux se cherchent une place et une pertinence.

À Ottawa, le Parti libéral fédéral a effectué un virage à gauche qui le rend tout à fait à l’aise dans une alliance avec les néo-démocrates. Chose certaine, il n’est plus ce parti qui occupait confortablement le centre de la vie politique et qui était « le parti naturel de gouvernement ».

La situation du PLQ est différente. Il ne s’est pas remis d’avoir perdu son meilleur ennemi. Les ennuis du Parti québécois sont devenus, en même temps, un problème pour les libéraux.

Fini le temps où il suffisait à Jean Charest de prononcer le mot « référendum » pour assurer une victoire à son parti. Cette conjoncture n’existe plus et le PLQ n’a pas réussi – pas encore, en tout cas – à se positionner face à la Coalition avenir Québec.

C’est pourquoi les ambitions du comité de 14 membres éminents du PLQ présidé par l’ancien journaliste André Pratte et la députée Madwa-Nika Cadet ne peuvent que rester modestes. Ça se limite, pour l’essentiel, à ramener les brebis rouges égarées.

« Je pense qu’il y a encore beaucoup de gens qui partagent les idées et valeurs libérales, mais qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de voter autrement aux dernières élections – ou même de ne pas voter », a affirmé André Pratte en conférence de presse lors de la formation du comité.

Il a ajouté : « Si le comité fait son travail comme il se doit, et je suis convaincu qu’il va le faire, les gens vont redécouvrir les valeurs libérales dans toute leur pertinence aujourd’hui, dans la modernité, et ils vont revenir au parti. »

Bref, pas de révision en profondeur des valeurs ou du programme. On espère que les libéraux vont rentrer à la maison pour que le PLQ soit prêt le jour où, inévitablement, les Québécois auront le goût de changer de gouvernement.

C’est modeste comme objectif, mais à voir l’histoire des grandes remises en question de nos partis politiques, ça a l’avantage d’être réaliste.