Non, je ne deviens pas critique littéraire à La Presse. Bien au contraire, je fais plutôt maintenant partie de ceux dont on éreinte les écrits, avec mon statut de gérant d’estrade dans ce média.

C’est que la patronne m’a demandé un effort additionnel, d’y aller d’une dernière chronique de la saison sur des suggestions de lectures pour l’été. Je présume que ce que la patronne veut, Dieu le veut, et comme je n’ai pas le goût de me mettre en froid avec ni l’un ni l’autre, je m’exécute.

Le seul problème, c’est que généralement des lectures estivales ressemblent à des romans, et je n’en ai aucun à vous suggérer, à part deux « récits », tout de même des espèces de romans.

Je suis un lecteur avide, mais un peu plate. Je tente d’augmenter ma lecture d’histoires inventées pour me détendre, mais ce n’est pas facile, je décroche facilement. Déficit d’attention, diagnostiqué par le DLabeaume…

Pourtant, j’en ai déjà lu à plein. Par exemple, il fut un temps où je n’ai fait que ça, pendant mes deux années d’études en littérature au collégial.

Je vous jaserai du dadaïsme un jour. Qui n’a pas été initié par Idi Amin Dada en passant, l’ancien dictateur ougandais, mais entre autres prophétisé par le poète André Breton, probablement un ancêtre de Sam Breton, l’humoriste (allô, Sam !), deux fous pareils…

Je lis pour apprendre, ça me détend. Habitude qui exorcise probablement mon éducation de polyvalente et/ou l’absence de livres dans la maison familiale, à part deux Tom Swift écornés.

J’en ai parlé à mon psy, qui m’a répondu de laisser faire, que nous avions bien d’autres priorités. OK DJekyll.

Alors, allons-y !

Je commencerai par ce que je considère ma plus belle lecture des 20 dernières années : Voyage d’un Européen à travers le XXsiècle, du journaliste et auteur néerlandais Geert Mak, publié en 2007.

Ce livre n’a pas pris une ride. Mak fait le tour de l’Europe au tournant du siècle pour nous décrire la vie en plusieurs lieux, et des humains qui les habitent, sur ce continent qui a entre autres connu deux guerres. J’ai été ému pendant toute la lecture. Exceptionnel !

Mak a décidé de faire un état des lieux, en publiant l’année dernière Les rêves d’un Européen au XXIe siècle. Vous y découvrirez l’appréciation, pour ne pas dire la déception et les rêves brisés de populations de pays qui ont adhéré à l’Union européenne. Une œuvre remarquable pour comprendre l’état d’esprit de cette Europe.

Ryszard Kapuściński m’a fasciné, je l’ai beaucoup lu. Journaliste et écrivain polonais, son œuvre est phénoménale. Je vous suggère les deux yeux fermés son livre Ébène – Aventures africaines, paru en 2002. Que vous ayez déjà vécu la nuit africaine ou pas, vous serez subjugué par cette lecture qui décrit la vie quotidienne singulière sur ces terres, et il serait surprenant que des changements majeurs soient survenus dans la vie des villageois africains durant les 20 dernières années.

Deux livres sur, et par, de grandes dames québécoises, maintenant.

De Pascale Ryan, Lise Bissonnette – Entretiens, où celle-ci nous parle en toute franchise de sa carrière et de sa vie. D’une Abitibi sous-développée en termes de possibilités de formation, Mme Bissonnette avoue candidement le complexe qu’elle a longtemps traîné à cet égard.

Merci madame, une transparence qui vous honore !

Cette battante deviendra directrice du Devoir. Quand même. Cela prend du caractère. À lire aussi, ne serait-ce que pour son plaidoyer en faveur de l’Université du Québec.

Conflit d’intérêts ici : ma petite dernière fréquentera l’UQAC à la rentrée.

Je ferai le tour du monde, une autobiographie d’Alexandra Szacka. Polonaise, elle immigre avec sa famille à Trois-Rivières. Alexandra nous décrit son adaptation chez nous et sa carrière de journaliste à l’étranger. Passionnant, et d’une grande humanité pour saisir l’âme d’une immigrée.

Le dernier d’Éric Vuillard, Une sortie honorable, un récit, un roman, les deux à la fois. Une écriture d’exception sur le thème de la défaite française en Indochine et, bien entendu, le drame de Diên Biên Phu.

Et tant qu’à y être, le livre pour lequel il s’est vu remettre le prix Goncourt en 2017 : L’ordre du jour. Du génie, tout simplement.

L’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, au nez de l’Occident. Cent cinquante pages de lecture haletante. Prévoyez du temps avant de commencer sa lecture, ou que les enfants soient bien baignés et couchés, parce que vous ne le lâcherez plus. De la drogue dure !

Pour les adeptes fascinés comme moi par le lieu de sainteté : Vatican offshore – L’argent noir de l’Église, par François de Labarre. Pas le meilleur bouquin sur le sujet de la malversation historique dans cet État, mais pour se garder à jour, à lire. Vous sympathiserez avec le pape François qui tente de mettre de l’ordre dans la cabane.

Stupéfiant Moyen-Orient – Une histoire de drogue, de pouvoir et de société, de Jean-Pierre Filiu. Une écriture dense et une avalanche d’informations historiques.

Extrait : « Que le régime Assad, bien avant de devenir le principal producteur mondial de captagon (drogue), a longtemps joué un rôle névralgique dans les réseaux mondiaux d’héroïne, à partir des raffineries installées sous son contrôle au Liban. »

Très niché le suivant : L’exil des collabos, 1944-1989 d’Yves Pourcher.

La fuite des huiles du régime de Vichy vers l’Allemagne, et la vie de renégat par la suite. En filigrane dans le récit revient régulièrement l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, membre éminent de cette bande de joyeux naufragés.

Une phrase que je vous laisse apprécier : « D’autres collabos en fuite trouvèrent plus judicieux de filer vers le nord de l’Amérique, vers ce Québec si catholique et francophone. »

Pour être honnête, on ne parle du Québec que dans une seule page.

Les suggestions de notre collaborateur
  • Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle, de Geert Mak

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    Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle, de Geert Mak

  • Les rêves d’un Européen au XXIe siècle, de Geert Mak

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    Les rêves d’un Européen au XXIe siècle, de Geert Mak

  • Ébène – Aventures africaines, de Ryszard Kapuściński

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    Ébène – Aventures africaines, de Ryszard Kapuściński

  • Lise Bissonnette – Entretiens, de Pascale Ryan

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    Lise Bissonnette – Entretiens, de Pascale Ryan

  • Je ferai le tour du monde, d’Alexandra Szacka

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    Je ferai le tour du monde, d’Alexandra Szacka

  • Une sortie honorable, d’Éric Vuillard

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    Une sortie honorable, d’Éric Vuillard

  • L’ordre du jour, d’Éric Vuillard

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    L’ordre du jour, d’Éric Vuillard

  • Vatican offshore – L’argent noir de l’Église, de François de Labarre

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    Vatican offshore – L’argent noir de l’Église, de François de Labarre

  • Stupéfiant Moyen-Orient – Une histoire de drogue, de pouvoir et de société, de Jean-Pierre Filiu

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    Stupéfiant Moyen-Orient – Une histoire de drogue, de pouvoir et de société, de Jean-Pierre Filiu

  • L’exil des collabos – 1944-1989, d’Yves Pourcher

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    L’exil des collabos – 1944-1989, d’Yves Pourcher

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Finalement, un dernier que je ne recommande pas : Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé, de Frédéric Beigbeder. Un phénomène typiquement français, mais il encaisse les euros, le réfléchi.

Personne ne m’a obligé à l’acheter, faut pas être crétin, mais je ne m’attendais pas à ça, et disons que je n’ai rien appris sur la suite du monde. Le genre de gars que je n’inviterais pas à un souper avec mes chums de filles, il ne ferait pas une demi-heure… Coke et hymne à la fellation.

Allez, bon été ! Je vous aime chers lecteurs !

Entre nous

Je ne sais pas pourquoi, et pas de mes oignons, mais si j’étais Evguéni Prigojine, chef du groupe Wagner, je ne contracterais pas une trop longue hypothèque pour m’établir en Biélorussie…