Est-ce que l'arrivée de Lucien Bouchard à la tête de l'Association pétrolière et gazière du Québec va changer quelque chose au débat sur les gaz de schiste?

Est-ce que l'arrivée de Lucien Bouchard à la tête de l'Association pétrolière et gazière du Québec va changer quelque chose au débat sur les gaz de schiste?

Pas à peu près ! Le fait que l'ancien premier ministre du Québec devienne le porte-parole des compagnies gazières, couplé à la volte-face du gouvernement Charest dans ce dossier, changent la donne de façon significative.

Cela ne signifie absolument pas que ces développements nouveaux ouvrent la voie à la production à tout prix. Personne ne souhaite cela. Mais plutôt que nous sommes en train de nous doter de garde-fous dont nous avions besoin pour assurer un développement ordonné, et que, du même coup, cela calmera peut-être un débat qui frisait l'hystérie.

Lorsque Pierre Arcand, le ministre du Développement durable, a déclaré que le développement du gaz de schiste «se fera correctement ou il n'y en aura tout simplement pas», il a énoncé une évidence. C'est en fait la première chose que les représentants du gouvernement Charest auraient dû dire lorsque le débat s'est amorcé. Mais l'empressement de la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, pour qui le Québec avait «rendez-vous avec l'histoire», a suscité des craintes qui ne se sont jamais dissipées.

La sortie de M. Arcand répondait à un calcul politique un peu tardif. Mais elle reflète ce que doit être le rôle de l'État dans un dossier comme celui-là, celui d'un gardien du bien public. Et cela dote le Québec d'un garde-fou dont il avait besoin.

L'arrivée de Lucien Bouchard dans le dossier constitue certainement un second garde-fou. M. Bouchard n'est pas un développeur, mais un ex-ministre de l'Environnement du gouvernement Mulroney qui, dans toute sa carrière, a montré qu'il avait le bien commun à coeur. Et qui ne sera pas seulement un porte-parole du gaz de schiste, capable de rassurer les citoyens, mais aussi un leader, capable d'aider l'industrie à s'encadrer, à mieux répondre aux préoccupations des citoyens.

Cette intervention n'est cependant neutre. Depuis qu'il a quitté ses fonctions de premier ministre, Lucien Bouchard s'était imposé un devoir de réserve. En acceptant de diriger l'APGQ, il saute à pieds joints dans l'arène politique.

Dans un premier temps, à cause de son passé, il contribuera à dépolariser un débat qui s'était transformé en croisade contre le gouvernement libéral. Les choses deviennent maintenant un peu plus compliquées, notamment pour l'opposition péquiste qui, voulant profiter de la grogne antilibérale et l'alimenter, a joué un rôle très ambigu dans ce dossier.

Ensuite, sa présence dans ce dossier ressemble fort à un choix idéologique : celui d'un ancien politicien qui veut contribuer à secouer une culture collective qui entretient la paralysie et compromet la création de richesse. «Je vois la découverte au Québec de volumes importants de gaz naturel comme un atout très important pour notre développement économique et le financement des missions de notre État», a-t-il déclaré.

À cela s'ajoute un troisième garde-fou. Et c'est le BAPE, qui semble travailler d'arrache-pied dans ce dossier, qui pose des questions, et qui ne se prépare manifestement pas à se faire le complice complaisant de l'industrie, comme l'en accusaient très injustement les militants dévots.

Bref, le dossier du gaz de schiste évolue beaucoup plus vite qu'on aurait pu le prévoir. Il deviendra plus difficile de se servir du moratoire comme d'une incantation religieuse. Et on en reviendra à l'essentiel: le Québec ne doit se lancer dans cette aventure que si on élimine les risques, si on défend les intérêts des citoyens, si on protège l'environnement. On n'y arrivera pas avec des croisades, mais avec de l'analyse, de la réflexion, des faits. En somme, en étant lucides...