Personne n'est naïf. Si la ministre Line Beauchamp a décidé d'exclure la CLASSE de la table de discussions, ce n'est pas parce qu'elle a découvert, avec stupeur, que cette association étudiante radicale continuait à cautionner les débordements ou par répugnance morale à transiger avec des jeunes qui ne condamnent pas assez clairement la violence.

Il est évident que le gouvernement Charest joue une game qui consiste, d'une part, à tenter de créer des divisions entre la CLASSE et les organisations étudiantes plus modérées, et d'autre part, à braquer les projecteurs sur les radicaux, pour réduire le capital de sympathie dont a joui le mouvement étudiant.

Est-ce horrible? Non. Il est souhaitable que les affrontements puissent se résoudre par le dialogue. Mais un dialogue, dans un climat de tension comme celui que l'on connaît, ce n'est pas une conversation dans un salon de thé. C'est une négociation, qui repose sur des rapports de force.

Le but du gouvernement Charest avec les rencontres qu'il a proposées, c'est essentiellement de faire accepter aux étudiants le principe des hausses de droits auquel ils s'opposent. Pour y parvenir, il faut prendre les moyens. Faire des concessions ou proposer des accommodements. Mais aussi mettre beaucoup de pression. Sinon, aussi bien dire aux organisations étudiantes: «OK, on oublie les hausses et on vous attend l'an prochain pour parler de gratuité». Est-ce souhaitable? Non. Est-ce que c'est cela que veulent les Québécois? Non plus.

Le gouvernement espère évidemment retirer des fruits politiques de sa fermeté. Nous sommes dans une période préélectorale, ce sur quoi les étudiants jouent allègrement. Le gouvernement Charest croit à la légitimité de sa mesure. Mais il a découvert qu'il sera plus rentable pour lui de faire preuve de fermeté plutôt que de mollesse. Est-ce un scandale? Certainement pas plus que l'appui indéfectible aux étudiants de l'opposition péquiste, qui pue l'opportunisme.

Mais derrière le jeu politique, il y a aussi une réalité. L'existence d'une anomalie dans le mouvement étudiant. Il est normal que les jeunes soient plus militants, plus épris de changement. Ce qui est moins normal, c'est la domination, depuis le début, de l'Association solidaire syndicale étudiante, une version moderne des groupuscules d'extrême gauche, qui a créé une structure parapluie, la CLASSE, pour appliquer au mouvement étudiant les mécanismes de levier que l'on associe d'habitude au monde de la finance.

Il y a un gouffre entre la CLASSE et la population étudiante. Ce que dit son porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, devant les micros et les caméras, ne ressemble pas du tout à ce qu'il dit à ses camarades. Dans un discours cité hier dans notre page Débats, il souhaite «que notre grève serve de tremplin à une contestation beaucoup plus large, beaucoup plus profonde, beaucoup plus radicale». Est-ce que cela reflète le point de vue des étudiants? Évidemment pas. La CLASSE, ce n'est pas «les jeunes» ou «les étudiants». Encore moins les 65% d'entre eux qui ne sont pas en grève.

Cela montre aussi que la CLASSE a un objectif, de moins en moins caché, qui rend stérile toute discussion avec ses représentants. Pour être membre de la CLASSE, il faut être «contre toute hausse de frais de scolarité dans une perspective de gratuité scolaire». Un point de départ qui, par définition, rend impossible toute entente sur autre chose que l'abandon pur et simple des hausses.

Même sans avoir à évoquer la violence, un outil de chantage qui est en fait une forme de racket de la protection, il y a donc de très bonnes raisons de ne pas vouloir négocier avec la CLASSE. Car si elle reste à la table, une entente sera impossible.