La question a fait beaucoup jaser au cours de la campagne électorale: faut-il augmenter le salaire des profs?

L'idée lancée par le chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, ne manque pas de mordant. Le comptable propose de valoriser le métier d'enseignant en haussant substantiellement les salaires. Le chiffre de 20% a été évoqué.

La suggestion est intéressante quand on connaît les défis grandissants des enseignants du secteur public. Ils doivent composer avec une clientèle aux origines ethniques diverses, qui a été écrémée par le secteur privé et qui est ébranlée par les ruptures familiales. Parlez-en à n'importe quel prof: la tâche est rude, et rares sont ceux qui enseigneront jusqu'à 65 ans. La vocation s'étiole.

En théorie, une hausse des salaires pourrait attirer de meilleurs candidats dans le milieu et donc améliorer l'enseignement et diminuer le décrochage. En principe, il n'est pas évident qu'un meilleur salaire redonnerait aux profs leur vocation d'antan. Qu'importe, valoriser les enseignants, surtout les meilleurs, n'est certainement pas une mauvaise idée, avec de l'argent ou avec de meilleures ressources.

À ce sujet, une étude fort intéressante vient d'être publiée par le CIRANO, le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations. Les économistes Claude Montmarquette et Nathalie Viennot-Briot ont voulu comparer la rémunération des travailleurs du secteur public du Québec à celle des autres provinces.

Leurs travaux comparent une vingtaine de métiers ou professions avec les plus récentes données disponibles, soit les années 2008 à 2010. Leurs résultats sont frappants pour les enseignants, mais aussi pour les infirmières, les professionnels en finance, les éducatrices de service de garde et les secrétaires.

Les deux chercheurs s'attendaient à ce que les salaires des profs et des infirmières soient moindres ici qu'ailleurs, en valeur absolue, puisque le Québec est une province plus pauvre, en particulier face à l'Ontario et aux provinces de l'Ouest. Le Québec ne peut verser plus que ce qu'il a les moyens de payer.

Pour vérifier si la rémunération est adéquate, les chercheurs ont plutôt mesuré l'écart des salaires des fonctionnaires avec ceux de l'ensemble des travailleurs de la province, privés ou publics. Ils ont ensuite comparé cet écart avec celui des autres provinces.

Voyons ce que ça donne. Au Québec, un enseignant gagne en moyenne 45% de plus que le travailleur moyen québécois. Il s'agit, constatent les chercheurs, du plus grand écart des quatre régions analysées. En Colombie-Britannique, cet avantage en faveur des profs est de seulement 33%. Il est de 44% en Ontario et de 41% dans les autres provinces.

Autrement dit, les profs du Québec sont les mieux traités des quatre régions analysées si on compare leurs salaires à la moyenne des travailleurs.

L'avantage relatif du Québec sur l'Ontario pourrait même s'accroître au cours des prochaines années. Le gouvernement de Queen's Park est dans le rouge. Il vient de voter une loi spéciale qui gèle les salaires des profs pour deux ans. En 2010, selon l'étude de CIRANO, les profs du Québec gagnaient environ 7% de moins que leurs collègues ontariens.

Les conclusions des deux chercheurs sont radicalement différentes pour les infirmières. Non seulement leur salaire est moindre en valeur absolue qu'ailleurs, mais leur traitement est aussi nettement moins avantageux par rapport à la moyenne des travailleurs.

Ainsi, une infirmière au Québec gagne 38% de plus que la moyenne des travailleurs québécois, comparativement à 46% en Ontario et 50% en Colombie-Britannique. L'écart grimpe à 54% dans les autres provinces du Canada.

En valeur absolue, les infirmières du Québec gagnent environ 4,30$ de moins l'heure (13%) que leurs collègues de l'Ontario et 5,50$ de moins que celles de la Colombie-Britannique (16%).

Ce genre d'étude a évidemment ses limites. Les auteurs n'ont pas spécifiquement comparé la tâche des fonctionnaires dans chacune des provinces. De plus, l'étude ne tient pas compte de certains autres éléments de rémunération, comme la valeur des régimes de retraite, les journées de maladie remboursées, etc.

N'empêche, elle nous offre des renseignements éclairants sur les salaires relatifs de nos fonctionnaires par rapport à ceux des autres provinces. Étant donné notre capacité de payer, il faudra donc trouver autre chose que le salaire pour motiver les profs. Désolé.