Les chiffres ont roulé pendant toute la journée d'hier: ponction de 115 millions sur trois ans, 650 postes sabrés, dont 243 dans les services français, CBC/Radio-Canada subit une autre cure d'amaigrissement. Mais concrètement, de quelle façon ces compressions de 10% se traduiront-elles dans nos téléviseurs et postes de radio?

Pour l'instant, les dommages semblent assez circonscrits et moins catastrophiques que prévu. Le secteur de l'information a été épargné, tout comme les émissions phares telles Enquête, La facture ou Une heure sur terre. Pas question, non plus, de remplacer en bloc des dramatiques québécoises par des productions américaines.

Le vice-président des services français de Radio-Canada, Louis Lalande, a évoqué hier une possible réduction du nombre d'épisodes dans les téléséries québécoises, mais n'a pas voulu s'avancer davantage. Y aura-t-il plus de reprises, alors? Mystère.

Premier gros changement notable: Espace Musique et CBC Radio 2, les deux postes musicaux, hébergeront dorénavant de la publicité, comme les stations commerciales appartenant à Cogeco ou à Astral. Tout ça, bien sûr, si le CRTC approuve la modification demandée par la SRC hier matin. Entre vous et moi, cet ajustement de licence devrait passer comme une lettre à la poste.

L'idée d'ouvrir toutes les émissions du 95,1 FM et de CBC Radio One aux commanditaires a été sérieusement envisagée. Uniquement en écoutant René Homier-Roy ces dernières semaines, l'auditeur avisé a pu détecter un test de cette possible infiltration publicitaire, notamment par le déplacement des autopromotions un peu partout dans C'est bien meilleur le matin, plutôt que de les concentrer après les bulletins d'information.

Le PDG de CBC/Radio-Canada, Hubert Lacroix, met aussi un terme aux émissions de nuit de la Première Chaîne (95,1 FM). À Montréal, c'est donc la fin pour La nuit qui bat de Bernard Faucher, diffusée entre minuit et 5h, après une courte année en ondes. Rescapé l'an passé, Jacques Fabi du 98,5 FM redevient le seul roi et maître des nuits parlées.

En télé, Radio-Canada largue ses projets de chaînes spécialisées dans la jeunesse et l'autre en sports. RDS et TVA Sports auront donc tout le champ libre. Yoopa, propriété de TVA, n'aura pas non plus de nouvelle compétition dans le secteur des tout-petits.

Le budget du module «sports» rétrécira, bien évidemment. Pour ce qu'il en restait: il se réduit comme peau de chagrin depuis des années. C'est désolant. Toutefois, les patrons de la tour ont réitéré leur intérêt envers «l'information sportive».

Radio-Canada International (RCI) écope grandement. La chaîne n'émettra plus par ondes courtes ou satellites et ne sera accessible dorénavant que sur le web. La production de bulletins de nouvelles y cessera. Cette transformation de RCI permettra de récupérer 10 millions d'ici 2013-2014.

Pour grappiller d'autres millions, Radio-Canada éteindra 620 émetteurs et coupera, le 31 juillet 2012, son service de télévision analogique par voie hertzienne. Selon la SRC, cette mesure n'affectera que 1,7% des Canadiens qui captent encore leurs signaux de cette façon devenue désuète.

À Montréal, Radio-Canada cédera à des promoteurs commerciaux 400 000 des 1,3 million de pieds carrés qu'elle occupe dans le quadrilatère délimité par le boulevard René-Lévesque, l'avenue Papineau, l'avenue Viger et la rue Wolfe. «On peut se réinventer dans plus petit», croit le PDG Hubert Lacroix.

Ces mauvaises nouvelles ont été communiquées aux employés à 13h30 lors d'une très longue allocution bilingue d'Hubert T. Lacroix, ponctuée de soupirs et retransmise partout au pays. À 16h30, le directeur général de la radio de Radio-Canada, Patrick Beauduin a aussi discuté avec ses troupes en conférence téléphonique, mais n'a pu détailler où le couperet tomberait précisément.

Du côté anglais, la CBC vendra sa chaîne numérique Bold, qui relaie des séries telles Skins et Heartland.

En proportion, les coupes annoncées affecteront autant les cadres que les employés réguliers, assure Hubert Lacroix. Selon lui, les secteurs anglais et français encaissent les coups de façon proportionnelle à leur budget de fonctionnement, ce que contestent les syndicats francophones.

Environ 4000 personnes travaillent au service français de la SRC et 4000 autres bossent du côté anglais.

Jean-Luc Mongrain négocie

Le contrat de trois ans liant Jean-Luc Mongrain à LCN est expiré depuis le 2 mars. La tête d'affiche du réseau affilié à TVA a accepté de poursuivre son travail jusqu'à Pâques et a animé sa dernière émission hier. Il ne sera donc pas à son poste demain, entre 15h et 16h45. Paul Larocque et Julie Marcoux occuperont bientôt cette case horaire, selon toute vraisemblance.

«Je suis prêt à toute éventualité, à revenir ou à ne pas revenir. Je veux des paramètres qui me conviennent», explique Jean-Luc Mongrain, joint hier.

Les négociations entre M. Mongrain et son patron Serge Fortin sont «très cordiales». Mais tant qu'une nouvelle entente ne sera pas paraphée, Jean-Luc Mongrain ne se pointera pas devant les caméras. Pas de contrat à long terme, pas de présence à l'écran.

S'il s'entend avec la direction, Jean-Luc Mongrain ne reprendrait son fauteuil qu'en septembre. En plus de LCN, M. Mongrain discute aussi avec Le Journal de Montréal pour la chronique qu'il y tient. «Tout ça est imbriqué», note le chef d'antenne vedette.

TVA n'a pas commenté le cas de M. Mongrain hier.