Après avoir vainement tenté une percée dans la câblodistribution au Portugal et obtenu des résultats mitigés - qu'elle s'active à redresser - dans le secteur de l'hébergement de données, Cogeco a vraisemblablement trouvé sa voie en s'attaquant à la consolidation du marché américain des petits acteurs de la câblodistribution en s'adjoignant la Caisse de dépôt comme partenaire.

C'est du moins l'avis qu'émettait hier son PDG, Louis Audet, dans la foulée de l'annonce de l'acquisition de tous les systèmes de câblodistribution exploités sous l'enseigne MetroCast dans cinq États de la côte est américaine.

Il s'agit de la troisième acquisition que réalise Cogeco Communications aux États-Unis, depuis celle d'Atlantic Broadband il y a cinq ans.

On se souviendra qu'au milieu des années 2000, Cogeco avait tenté une première diversification géographique en complétant l'achat d'un important câblodistributeur au Portugal.

Cette transaction est survenue tout juste avant que n'éclate la crise de 2008-2009 qui a entraîné plusieurs pays européens, dont le Portugal, dans une importante crise budgétaire, ce qui a forcé l'entreprise à y cesser ses activités en 2011, après une douloureuse radiation d'actifs de plus de 600 millions.

L'aventure américaine se précise maintenant sur des bases beaucoup plus solides, affirme Louis Audet.

«Depuis l'acquisition d'Atlantic Broadband, en 2012, on cherchait à poursuivre notre expansion aux États-Unis. Il y a deux ans, j'avais offert à la famille qui contrôle MetroCast de les acheter. Ils ne voulaient pas vendre, mais ils ont mis aux enchères une de leurs divisions, au Connecticut, et on a remporté la mise.

«On a maintenu le contact avec la famille et on est revenu à la charge au printemps dernier en leur offrant d'acquérir l'ensemble de leur réseau, mais dans un processus de gré à gré. On leur a proposé un prix, 1,4 milliard US, que l'on jugeait juste, et ils ont accepté», résume le PDG de Cogeco.

La caisse partenaire de la consolidation

Pour réaliser cette transaction sans trop alourdir son niveau d'endettement, Cogeco s'est associée à la Caisse de dépôt, qui a pris une participation de 21% dans la nouvelle division américaine de l'entreprise qui regroupe les actifs d'Atlantic Broadband et de MetroCast.

«La Caisse voulait investir dans la câblodistribution aux États-Unis parce que l'industrie y génère un taux de croissance plus élevé, de 6 à 7%, contre 3% au Canada, et que le potentiel de consolidation y est très grand», souligne Louis Audet.

La nouvelle division américaine, Atlantic Broadband, va représenter 36% des revenus de Cogeco Communications, contre 56 % pour les activités canadiennes. Le secteur aux entreprises, l'hébergement de données, va générer 8 % des revenus restants.

Précisons que Cogeco inc. chapeaute deux grandes divisions : Cogeco Communications, qui regroupe les activités aux entreprises, la câblodistribution et les centres d'hébergement de données, et Cogeco Diffusion, où sont concentrées ses activités de radiodiffusion.

«Cogeco Communications va répliquer aux États-Unis le schéma d'expansion que l'on a connu au Canada lorsque, de 1987 à 2001, on réalisait une ou deux acquisitions de petits câblodistributeurs que l'on intégrait à notre réseau.»

«Au Canada, le marché est maintenant saturé tandis qu'aux États-Unis, même si les gros joueurs contrôlent 80% du marché, le 20 % restant représente un potentiel énorme de croissance pour nous.»

La Caisse s'est engagée à accompagner Cogeco dans sa croisade américaine, et sa participation de 21% au capital d'Atlantic Broadband pourrait être appelée à augmenter advenant les occasions de transactions.

Après une pause d'un an, durant laquelle l'entreprise compte réduire son taux d'endettement de 3,6 à 3 fois son bénéfice d'exploitation, Cogeco entend se remettre sur le chemin des acquisitions. D'ici quelques années, Louis Audet prévoit que les revenus des activités américaines de câblodistribution vont surpasser ceux qui sont réalisés au Canada.

«On a maintenant une entreprise qui va réaliser 2,5 milliards de revenus annuels et qui comptera 5000 employés au Canada et aux États-Unis», précise le PDG.

L'hébergement en redressement

L'autre grand défi de Cogeco Communications, concède Louis Audet, reste le redressement de ses activités dans le domaine de l'hébergement de données.

Cogeco a investi 526 millions, en 2013, pour réaliser l'acquisition de l'entreprise Pier 1, de Vancouver, spécialisée dans les services d'hébergement Cloud, et a injecté 100 millions pour l'érection d'un tout nouveau centre à Kirkland, en banlieue de Montréal.

L'entrée en force des géants de l'industrie, tels que Microsoft et Amazon, dans ce secteur d'activité pourtant fort prometteur a littéralement cassé les prix et considérablement réduit les ambitions de Cogeco.

«On exploite présentement seulement 50% de nos capacités d'hébergement dans notre réseau de 25 centres d'hébergement au Canada, aux États-Unis et en Europe.

«Le marché que l'on cible, c'est celui des grandes entreprises qui ont des besoins très spécifiques et qui sont prêtes à payer plus pour obtenir nos services d'encadrement. On a eu de la difficulté à percer ce marché, à bien le comprendre, mais le redressement est en cours», constate Louis Audet.

Cogeco a inscrit une perte de valeur de 450 millions pour ses investissements dans l'hébergement de données et ne prévoit plus, comme elle l'espérait à l'époque, réaliser 50% de ses revenus dans ce secteur d'activité.

«On doit réaligner nos stratégies et on a changé nos équipes de direction dans nos trois grandes divisions de centres de données. Maintenant, nos dépenses en capital, c'est aux États-Unis qu'on va les faire, et c'est dans le secteur de la câblodistribution», assure le PDG de Cogeco inc.