La vieillesse cool, voilà bien un concept que seuls les baby-boomers pouvaient inventer, eux qui n'ont jamais accepté de vieillir et se croient toujours au centre du monde (ils y sont d'ailleurs, essentiellement à cause de leur nombre.)

La première fournée des baby-boomers vient d'avoir 60 ans. On n'a pas fini d'en entendre parler! La Presse a ouvert le bal avec son dossier du week-end sur les vieux cool.Certes, les apparences ont changé. J'ai une photo de ma grand-mère: silhouette de matrone, chignon sévère, robe noire à col montant... D'après mes calculs, elle devait alors avoir 60 ans. De nos jours, il faudrait aller en Sicile, en Syrie ou au Kazakhstan pour trouver des sexagénaires sur ce modèle-là. Mais ce ne sont pas les baby-boomers qui ont transformé le monde. Cela s'est fait graduellement, au rythme des avancées de la médecine et des changements sociaux.

Pendant des siècles, on avait défini la femme en fonction de la maternité. Une fois ménopausée, donc infertile, elle disparaissait du décor, ne servant plus guère qu'à s'occuper de ses petits-enfants. Dans la génération de ma mère, la généralisation de la contraception avait tout changé. Passé les années de fertilité, la femme gardait sa valeur et son attrait. Ma mère, mes tantes, leurs amies, refusaient obstinément d'entrer dans la case «grand-mère». Elles voyageaient, sortaient, faisaient du sport, j'en ai même connu plus d'une qui s'est fait, comme on disait alors, «remonter le visage»... histoire de vieillir un peu plus joliment, sans trop afficher les stigmates de l'âge.

La seule différence c'est qu'aujourd'hui, les femmes ont à leur disposition un plus large éventail de techniques pour lutter contre le vieillissement, et que le culte de la beauté, allié à celui de la santé, a atteint des sommets.

Si révolution il y a eu, ce n'est pas du côté des femmes. C'est chez les hommes. Naguère, ils pouvaient se laisser aller. Tant qu'ils avaient du pouvoir et de l'argent, ils pouvaient se permettre d'arriver à la soixantaine bedonnants, avec des bajoues et des poils dans les oreilles. Plus aujourd'hui. Ces messieurs se soucient de leur ligne, on en voit même s'aventurer dans les salons des esthéticiennes!

Tout cela est très bien. Tant qu'à vieillir, pourquoi ne pas le faire avec grâce?

Mais il y a des limites. Qu'y a-t-il de plus pathétique que ces femmes qui, après leur «nième» lifting, ont deux fentes obliques à la place des yeux? Qu'y a-t-il de plus agaçant que ces vieux qui se croient obligés de «faire jeune» à tout prix? Ces couples mariés depuis 40 ans qui appellent leurs époux «mon chum» et «ma blonde» et qui veulent que tout le monde les tutoie comme s'ils étaient les meilleurs copains de leurs enfants?

Phénomène désolant en effet que ces vieux qui s'obstinent à se croire branchés sur les dernières nouveautés (en fait, ils s'illusionnent, ils ne le sont plus), alors qu'ils devraient au contraire faire valoir les qualités qui les distinguent des jeunes: la maturité, l'expérience, les petits bouts de sagesse qui viennent avec le temps...

Le grand danger qui menace les sexagénaires, c'est la maladie débilitante du «jeunisme». Sur cette erre d'aller, les baby-boomers proclameront dans 20 ans que la vieillesse n'existe plus. Ils iront directement de la discothèque au tombeau... après avoir exigé que les discothèques leur installent des rampes d'accès.

J'ai tout de même de bonnes nouvelles pour vous, amis sexagénaires. Je vous en parle jeudi.