On a beaucoup parlé, dans le dossier du CHUM, de l'incurie de Jean Charest - avec raison, car le premier ministre est par définition le premier responsable du gâchis. On oublie le rôle de l'autre élu qui aurait dû prendre ses responsabilités: Gérald Tremblay, le maire de Montréal.

Parler de «rôle» à son sujet, c'est beaucoup dire, car M. Tremblay s'est toujours caché derrière les autres quand les controverses se déchaînaient. On a cru comprendre qu'à la fin, il favorisait le site Saint-Luc, parce que cela réglait le problème de la tranchée de l'autoroute - beau raisonnement, que celui de conditionner le développement d'un grand hôpital universitaire à une affaire de voirie!

 

L'autre jour, tout à coup, M. Tremblay est sorti de sa léthargie pour proclamer que les 800 places de stationnement supplémentaires que le CHUM veut construire, «c'est trop». Trop, parce que la ville «privilégie les transports en commun».

On s'étonne de cette poussée de vigueur inattendue... avant de se demander si l'on a bien entendu. Le maire veut-il que les malades aillent à l'hôpital à pied et en métro? Que leurs vieilles mamans et leurs petits-enfants leur rendent visite en vélo? Combien d'employés du CHUM vivent en banlieue? Je parierais qu'il y en a un grand nombre, et ils auront besoin de garer leur voiture, d'autant plus que nombreux sont ceux qui travaillent selon des horaires peu compatibles avec les transports en commun. Un grand hôpital moderne a besoin de stationnement, cela devrait être évident.

Déjà que les infirmières d'expérience sont une denrée rare, que le différentiel entre la rémunération des médecins ontariens et québécois vient de dépasser 27%, et que de nombreux professionnels de la santé désertent cet hôpital à problème, le CHUM n'a plus les moyens de laisser partir son personnel vers les hôpitaux de la banlieue, où l'on peut se garer à proximité de son travail.

Au lieu de rêver à une ville bucolique, le maire ferait mieux de calculer combien le chantier de Saint-Luc (si jamais il s'ouvre) va coûter à sa ville. Ce chantier va provoquer pendant au moins cinq ans d'effroyables commotions dans la circulation du centre-ville, requérir l'ajout de cols bleus, de policiers, de diverses mesures d'urgence.

Le maire pourrait aussi, lui qui carbure à la compassion, s'inquiéter des malades qui seront pratiquement hospitalisés au beau milieu d'un chantier géant, dans les miasmes d'une démolition massive et d'une reconstruction qui n'ira pas sans problèmes majeurs, compte tenu, entre autres choses, de la fragilité du sous-sol du centre-ville. Je regrette de remuer le couteau dans la plaie, mais cela n'arriverait pas si l'on construisait dans le site Outremont, puisque les malades continueraient à être traités en paix dans les vieux hôpitaux avant l'ouverture du nouveau bâtiment.

Autre problème, imprévu celui-là, la modification des plans va forcer la ville à reprendre à neuf le lourd processus de consultation à trois paliers, au risque de perdre encore deux ans... Ou cette consultation sera bidon, alors pourquoi la tenir? Le gouvernement n'a qu'à amender la charte de la ville pour tenir compte des considérations majeures. Ou la consultation sera sérieuse, et il suffira d'un groupe de pression agité pour provoquer de nouveaux délais.

Bien sûr, cela ne se serait pas produit si l'on avait prévu les besoins dès le départ. Hélas! les tergiversations continuent... Le ministre Bolduc vient d'éliminer sans crier gare le projet, pourtant avancé, d'un centre distinct pour l'ophtalmologie, et l'on ne sait même pas si l'on pourra construire en PPP. Tout se déroule sous le signe de l'improvisation.