C'est presque toujours comme ça. Chaque fois qu'une «académie» annonce la liste des prétendants à une prochaine remise de prix, les observateurs se demandent quels chemins sinueux ont bien pu emprunter les «professionnels de la profession» pour en arriver à de telles sélections.

La saison des récompenses était pourtant bien lancée. Tant du côté des Oscars que de celui des Césars, les films et les artisans cités, à quelques exceptions près, ont pourtant pratiquement fait l'unanimité cette année. Même du côté des Genie canadiens, la liste des nominations est quasiment irréprochable.

Mais voilà que les Jutra s'emmêlent. Avec des choix tellement bizarres qu'ils en défient parfois toute analyse. Non pas que les oeuvres retenues soient parfaitement indéfendables (quoique dans certaines catégories) mais cette sélection, pour dire les choses très honnêtement, ne fait pas vraiment très sérieux. Parce qu'elle relève de la facilité. Aux États-Unis, on donne souvent comme explication - excuse serait un terme plus juste - que les différents membres des associations professionnelles ne peuvent humainement pas se farcir les quelques centaines de productions admissibles avant de fixer leurs choix. Ils s'attarderont ainsi sur les films bénéficiant déjà d'une rumeur favorable, quitte à laisser de côté des oeuvres tout aussi méritoires, dont les carrières publiques sont plus discrètes.

Voilà pourquoi Juno a récolté son lot de nominations et pas Before the Devil Knows You're Dead. Il en va ainsi des professionnels comme du public. Un film plus «vu» aura forcément plus de chances d'accéder au panthéon.

Ainsi, les gens de l'industrie du cinéma québécois furent probablement plus nombreux à aller voir Les 3 p'tits cochons que Le ring. On peut aussi présumer que la performance de Karine Vanasse dans Ma fille mon ange a été plus vue que celle de Caroline Dhavernas dans Surviving My Mother. Élémentaire comme dirait l'autre.

Cela dit, on comprend quand même mal comment les professionnels peuvent se contenter de choix aussi paresseux. Parce qu'il y avait 32 longs métrages admissibles à la course aux Jutra cette année. Pas 800. Trente-deux. À la lumière des résultats du scrutin, on peut franchement se demander si certains des électeurs ont seulement pris la peine de voir tous les films avant d'envoyer leur bulletin de vote.

Des nominations pour Les 3 p'tits cochons, je veux bien. J'ai d'ailleurs déjà écrit ici que le succès atypique du premier long métrage de Patrick Huard me réjouissait, dans la mesure où il résultait d'une vraie reconnaissance publique, issue principalement du bon vieux phénomène du «bouche à oreille». Mais 13? Dont cinq pour les comédiens? Allons donc. Cela n'a pas de sens. D'autant plus que l'omniprésence du champion de l'année au box-office aux Jutra ne constitue pas le seul élément étrange.

Isabel Richer mais pas Anne-Marie Cadieux (Toi)? La brunante mais pas Le ring? Karine Vanasse mais pas Caroline Dhavernas? Suzanne Clément mais pas Monique Mercure? Et presque rien pour Bluff? Expliquez-moi, il y a des choses qui, visiblement, m'échappent.

Peut-être ces cordonniers mal chaussés, trop occupés à travailler sur leurs propres films, ne vont pas si souvent au cinéma après tout. Peut-être aussi les bulletins ont-ils été mélangés avec ceux du gala des Olivier…

La faute de l'acteur?

J'ai été un peu étonné cette semaine de lire certains articles dans lesquels on se demandait si les critiques assassines qu'a reçues Astérix aux Jeux olympiques allaient avoir un impact négatif direct sur la série de spectacles qu'offre Stéphane Rousseau présentement à l'Olympia de Paris. Un acteur est-il personnellement responsable du ratage d'une superproduction? Je ne crois pas.

Surtout que Rousseau n'a fait que suivre les indications - souvent contradictoires (et pas toujours commodes semblerait-il) - que lui donnaient les coréalisateurs Thomas Langmann et François Forestier.

Son personnage a l'air niais? Il le sait très bien. C'est ce qu'on attendait de lui. L'humoriste québécois se faisait d'ailleurs très vite remettre à l'ordre dès qu'il tentait de donner un peu d'épaisseur ou un peu de folie à son personnage de bellâtre. Alors oui, en un sens, c'est dommage. Il est clair que si ce nouvel opus avait eu le même assentiment critique que le Mission Cléopâtre d'Alain Chabat, Stéphane Rousseau aurait aujourd'hui le Tout-Paris à ses pieds. Ce n'est pas le cas. Et ce n'est pas si grave.

La différence

Appelée à commenter la cote «16 ans et plus» qu'a octroyée la Régie du cinéma à Borderline, l'auteure Marie-Sissi Labrèche a vite trouvé une justification lors d'une entrevue qu'elle accordait à Je l'ai vu à la radio sur les ondes de la Première chaîne. «C'est le pénis de Jean-Hugues Anglade qui fait cette différence-là! Ce n'est pourtant pas Rocco Siffredi!»

À travers cette boutade, la scénariste a résumé tout le malaise qu'entretient la société nord-américaine envers la représentation de la nudité masculine au cinéma. Cachez ce sexe que je ne saurais voir?