Savez-vous combien de décibels produit un aspirateur moyen? 70. C'est aussi le nombre de décibels que l'on note dans plusieurs restaurants de Montréal. Foodlab, Joe Beef, Nora Gray, Les 400 coups, Le Filet... Même à l'Hostaria, dans le quartier italien, qui n'a rien d'un bar à la mode, le bruit peut atteindre 72 décibels.

Dans plusieurs autres, les pointes touchent les 80, 82.

Pas étonnant que de plus en plus de lecteurs m'écrivent pour me demander de préciser, dans mes articles, le degré de bruit des restaurants dont je parle.

«Pourriez-vous nous suggérer quelques restaurants intéressants où aller et où nous pouvons jaser sans avoir à crier? Nous n'avons malheureusement pas les moyens d'aller chez Toqué, mais dans le milieu de gamme, cela doit bien exister, non?» demandent Normand Chouinard et Suzette Renaud.

Moi-même, j'ai parfois de la difficulté à apprécier un bon restaurant quand le bruit m'empêche de parler avec les convives assis un peu plus loin à ma table. Cela m'est arrivé au Filet et chez Nora Grey, où une table de six est un passeport pour le mal de gorge du lendemain.

Pour avoir une mesure objective, j'ai décidé d'acheter un petit appareil d'évaluation d'une cinquantaine de dollars dans une boutique de produits électroniques. Je le trimballe partout.

Quand est-ce que le bruit de fond agréable, synonyme de vie et de fébrilité, ponctué de rires et de vie, franchit une frontière et devient insupportable?

«Il faut du bruit, dans un restaurant, dit Carlos Ferreira, propriétaire du Ferreira Café, restaurant très populaire et passablement animé du centre-ville. Sans bruit, on s'endort. Et il faut surtout du bruit pour cacher les conversations des autres tables. Le bruit est essentiel dans un restaurant qui marche.»

Cela dit, tout l'art de la restauration repose dans le dosage de multiples ingrédients, autant en cuisine qu'en salle. Et la gestion du bruit en fait partie, continue le restaurateur. «Un bon restaurateur va adapter la musique selon la clientèle et le bruit de la salle.»

Constamment, il s'assurera que la rumeur et la musique ne dépassent pas la limite du tolérable.

Et dès le départ, il faudra s'assurer que le degré de bruit puisse être ajusté. Certains matériaux doivent être évités ou traités avec soin. Les plafonds bas sont risqués.

Le client doit aussi comprendre qu'il ne pourra jamais chuchoter dans l'oreille de son voisin ou conduire une rencontre de travail sérieuse s'il va dans une brasserie joyeusement fréquentée. Pour ça, on va dans un club privé.

Cela dit, il est clair qu'actuellement, à Montréal, dans plusieurs établissements, l'ajustement n'est pas aussi constant et subtil qu'on le souhaiterait.

«Il y a bruit et bruit», dit M. Ferreira. Et même lui, qui travaille pourtant dans des restaurants bien animés - le Ferreira Café et le F Bar - a abandonné d'autres établissements trop mal insonorisés. «Même si c'est très bon, si c'est trop bruyant, ça devient insupportable.»