«Je demande au Congrès aujourd'hui d'agir immédiatement pour fournir les moyens financiers nécessaires à la mise en place de policiers armés dans chaque école. #NRA»

Lorsque j'ai lu ce message sur Twitter hier midi, réacheminé par un tiers, mais annoncé comme provenant du compte de la National Rifle Association, principal organisme de lobby pro-armes aux États-Unis, j'ai d'abord cru à une blague.

Je suis tout de suite allée voir directement aux sources, sur le compte officiel et certifié de la NRA. Et après être passée à travers les messages les plus récents, j'ai dû me rendre à l'évidence.

La déclaration provenait bien du puissant lobby. Et ce groupe, qui s'était tu depuis la tuerie de Newtown, est encore plus déconnecté qu'on ne se l'imagine.

On croit lire une caricature, un pastiche comme Twitter aime bien en produire - dont quelques-uns hilarants, d'ailleurs -, mais dans ce cas, c'est on ne peut plus vrai. Et ce n'est pas du tout drôle. Plutôt d'une tristesse intolérable.

«La seule chose qui arrête un méchant avec un fusil est un gentil avec un fusil», a aussi affirmé hier Wayne LaPierre, porte-parole du groupe, en conférence de presse.

«Si nous chérissons réellement nos enfants plus que notre argent et nos célébrités, nous devons leur offrir le plus grand niveau de protection et de sécurité seulement possible en présence de bons gars, armés, bien formés.»

Tout cela, je le répète, n'est pas un pastiche. C'est ce que le vice-président de la NRA, au nom de ses quatre millions de membres, croit vraiment. Il faut armer les écoles. Faire entrer les armes à feu là où les petits jouent aux blocs et apprennent des comptines.

Comment raisonner avec des gens pareils?

Le pire, c'est que pendant qu'à Washington, la NRA parlait en public pour la première fois depuis la tuerie de Newtown, où 20 enfants ont été abattus par un tueur armé légalement, pendant ce temps, donc, en Pennsylvanie, un autre tireur assassinait trois personnes en bordure d'une route de campagne et blessait plusieurs policiers avant de mourir lui aussi, par balle.

Va-t-il falloir en plus armer les vaches? Et les ratons laveurs? On ne sait jamais sur quel chemin, aux abords de quel champ un meurtrier peut débarquer.

Il n'y a aucune logique à la logique de la NRA, un organisme dangereux dont les quatre millions de membres tiennent en otage près de 312 millions d'Américains.

Hier, en conférence de presse, M. LaPierre a aussi montré du doigt les jeux vidéo brutaux pour les tueries (et peut-être qu'ils jouent effectivement un rôle dans une certaine désensibilisation des jeunes face à la violence).

Mais comment peut-on, dans une même phrase, accuser de mort des armes virtuelles et défendre les vraies, les réelles, celles qui enlèvent de vraies vies en perçant de vraies chairs?

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Quatre millions de propriétaires de fusils, militants et prêts à tout pour défendre le droit constitutionnel américain de porter une arme, cela peut sembler énorme, dans une province comme ici où cela représenterait la moitié de la population. Mais aux États-Unis, ces fanatiques représentent moins de 1% de la population. Et ils empêchent tous les autres de faire du progrès.

Terriblement bien organisé et intensément financé, ce lobby est redoutable, mais les Américains peuvent-ils se permettre de continuer à plier le dos devant sa propagande?

Le Canada a beaucoup à gagner d'un affaiblissement de la NRA. Car, malheureusement, cet organisme est influent aussi ici et tire le débat du mauvais côté dans ce jeu de pendule de l'opinion publique où on se doit d'espérer que le milieu ne bouge pas plus vers la droite. Le taux de morts par arme à feu aux États-Unis, toutes proportions gardées, est plus de deux fois et demie supérieur au nôtre. On n'a aucun exemple à prendre de ce pays en cette matière. Il serait bien que tous les Canadiens s'en rappellent, des tireurs aux conservateurs et autres acteurs fédéraux, en passant aussi - bien sûr - par tous les Justin Trudeau.