La sortie vendredi de The Program, le nouveau thriller de Stephen Frears sur la tricherie du cycliste Lance Armstrong, aurait pu être, en soi, une occasion de revenir sur les risques que prennent les marques lorsqu'elles s'associent à des athlètes.

Mais le dopage n'est jamais bien loin des unes des journaux. Il y a 10 jours, on apprenait que la championne de tennis Maria Sharapova avait eu un test antidopage positif au meldonium, substance interdite depuis le 1er janvier. Appelée à commenter l'affaire, l'ancienne ministre française des Sports, Roselyne Bachelot, a déclaré que Rafael Nadal, autre géant du tennis, était probablement lui aussi dopé, déclenchant son ire et ouvrant du même coup la discussion sur la possibilité que l'univers de la raquette soit autant imbibé de problèmes de dope que celui des deux-roues...

Que doivent faire les marques devant ce gâchis et la possibilité qu'il y en ait toujours un autre ? Est-ce toujours utile de « commanditer » un athlète en lui fournissant services et équipement ou alors d'être endossé par une vedette qui devient ainsi porte-parole ?

Les marques peuvent-elles avoir confiance en quiconque ? Et qui croire ?

Nadal a répondu à Bachelot qu'il la poursuivrait en justice pour diffamation. Mais The Program ne nous rappelle-t-il pas qu'Armstrong a lui-même nié et encore nié les accusations et poursuivi ses détracteurs jusqu'à la dernière goutte, appuyé par Nike jusqu'à ce que l'évidence soit juste trop écrasante...

Les marques réagissent différemment devant les scandales parce que leurs relations avec les athlètes varient, expliquent deux professeurs de marketing et spécialistes de la question des commandites dans le sport, Alain D'Astous de HEC Montréal et François Carrillat, de l'Université technologique de Sydney. « Nike, par exemple, continue d'appuyer ses athlètes tant que la légitimité des résultats n'est pas remise en doute », explique M. Carrillat. Dans le film sur l'affaire Armstrong, c'est seulement à la toute fin que la marque est mentionnée, son abandon signalé un peu comme la clôture de la gloire du cycliste.

Head, le fabricant de raquettes, a annoncé la semaine dernière qu'il gardait ses liens avec Sharapova, tandis que l'Organisation des Nations unies la remerciait de son rôle d'ambassadrice de bonne volonté. « Clairement, Head croit que son charisme est encore assez important, explique D'Astous, précisant que la valeur des liens entre une marque et un athlète n'est pas strictement associée à la performance. La popularité de la personne est un facteur important. » (David Beckham, par exemple, qui est certes un excellent joueur de football, a une valeur pour les marques qui n'est pas proportionnelle à son talent sportif, mais bien à sa notoriété comme personnalité, notent les universitaires.)

Ce qui est difficile avec les scandales qui touchent des vedettes en particulier, notent les chercheurs, c'est qu'ils causent souvent des dommages « par contagion » aux autres marques associées au sport visé.

En fait, c'est le sport qui est heurté. Dans le cas du cyclisme, c'est facile à comprendre puisque le dopage de l'un ouvre la porte aux soupçons face à tous les autres et il pourrait y avoir un phénomène semblable avec le tennis. Et la valeur commerciale de toutes les commandites en cyclisme s'est-elle réellement remise de l'affaire Armstrong ? « Un certain nombre de commanditaires, comme Rabobank, une institution financière néerlandaise, se sont carrément retirés de ce sport », rappelle M. Carrillat.

Mais même des scandales plus pointus, plus personnels, peuvent faire mal au sport en général. Tout le monde du golf a payé le prix des déboires matrimoniaux de Tiger Woods, note M. D'Astous, un phénomène qui souligne à quel point un seul joueur portait la valeur publicitaire du sport qu'il avait réussi à démocratiser.

Et quel est l'impact de tout cela en chiffres ?

Une recherche a été faite, explique M. Carrillat, pour mesurer l'impact de l'affaire Woods sur les ventes de balles de golf Nike et on a calculé que 1,5 million de dollars de profits avaient été perdus, en « manque à gagner ». Le montant peut paraître élevé dans un budget de PME, mais pour Nike, c'était marginal. « C'était 1,5 million sur 100 millions de profits. »

Bref, les marques réagissent vite et clairement pour se dissocier des athlètes qui dérapent, comme Tag Heuer, Porsche et Nike l'ont fait avec Sharapova, mais ce n'est pas pour ralentir une baisse des ventes. C'est pour gérer la valeur boursière des commanditaires. Car les recherches montrent que les valeurs en Bourse sont touchées. En d'autres mots, les investisseurs sont plus aisément froissés que les consommateurs par les frasques et tricheries des sportifs.

Donc quelle est la meilleure stratégie pour les marques ? Le silence ? La dénonciation ? Les excuses ?

Selon les chercheurs, l'admission rapide de la faute, par l'athlète, pour passer à autre chose, est la meilleure façon de se sortir du bourbier.

Le marché de la commandite sportive demeure intéressant pour les marques. Une pub sur quatre est associée à un athlète, rappellent les universitaires. Les annonceurs ne sont pas près de les abandonner. Il faut juste bien ramasser proprement les pots cassés.