J'ignore qui informe le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, mais ce n'est pas fort.

Hier, le ministre a dit : «La CLASSE, manifestement, encourage la violence. [...] C'est un mode opératoire qu'ils ont adopté et c'est malheureux.»

«En refusant de lancer un appel au calme, Gabriel Nadeau-Dubois a-t-il contribué à la violence? a demandé un journaliste.

- Absolument, a répondu le ministre, c'est extrêmement grave.»

Comment le ministre peut-il accuser la CLASSE et son porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, d'être responsables de la violence, alors que tout le monde sait que ce sont des casseurs, masqués et armés de bâtons de baseball, qui se pointent dans les manifestations?

Gabriel Nadeau-Dubois et la CLASSE sont dépassés par la présence des casseurs.

«Qui est responsable du grabuge? lui ai-je demandé.

- C'est difficile à dire, a-t-il répondu. Ceux qui font ça ne nous appellent pas avant. Ils sont masqués. On est les premiers surpris quand ça arrive.»

C'est comme si on reprochait au Canadien de Montréal d'être responsable de la violence quand des têtes brûlées se mettent à fracasser des vitrines après une victoire de l'équipe. Le Canadien ne contrôle pas les casseurs, la CLASSE non plus.

Même le chef de police de la Ville de Montréal, Marc Parent, le sait. «Il y a une présence de plus en plus importante de provocateurs et de casseurs dans les manifestations», a-t-il dit, hier. Pas un mot sur la CLASSE.

Alors, qui informe le ministre? À moins qu'il ne soit parfaitement au courant. Le gouvernement met tout le poids de la crise sur les épaules de Gabriel Nadeau-Dubois, un jeune de 21 ans qui est resté calme depuis le début de la crise. Il n'a jamais levé le ton, jamais pété les plombs, même s'il s'est fait engueuler et insulter par des journalistes enragés.

Oui, sa langue de bois agace, oui, la CLASSE est un salmigondis d'associations qui font à leur tête, oui, le rythme géologique de leur démocratie crée des situations kafkaïennes, et oui, Gabriel Nadeau-Dubois a un discours à saveur altermondialiste: il est contre la taxe sur la santé, contre la hausse des tarifs d'Hydro-Québec, contre la privatisation des services publics... Et alors, depuis quand est-ce un crime d'avoir le coeur à gauche?

Mais l'accuser d'être responsable de la violence? C'est carrément malhonnête et le ministre Dutil devrait s'excuser.

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Gabriel Nadeau-Dubois est devenu la tête de Turc du gouvernement. Les libéraux sont en train de le diaboliser. La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, ne l'aime pas et elle ne s'en cache pas. À l'émission Tout le monde en parle, elle ne s'est pas gênée pour le critiquer.

Elle lui a reproché d'avoir forcé la porte de son bureau de circonscription en septembre 2010, alors qu'il était avec une quarantaine de manifestants. Elle a dit à Guy A. Lepage : «Je suis censée effacer ça? Et je vais m'asseoir autour d'une table quand on a forcé ma porte?»

Les libéraux font une fixation sur Nadeau-Dubois. Dommage pour eux, car il représente la moitié des 170 000 étudiants en grève. La solution passe par lui, Line Beauchamp ne pourra pas l'écarter.

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Depuis deux semaines, le gouvernement fait du détournement de débat. Il a posé des conditions avant d'accepter de négocier, d'abord en exigeant que toutes les associations dénoncent la violence, puis en ordonnant une trêve.

Le gouvernement tient un double discours: intraitable avec la CLASSE, plus souple avec la FECQ et la FEUQ, dans le but évident de diviser le mouvement étudiant. La trêve, par exemple. Une association membre de la FEUQ a manifesté à Rimouski en pleine trêve. La ministre n'a rien dit.

Par contre, une manifestation qui n'avait pas été organisée par la CLASSE, mais qui était annoncée sur son site web, a aussitôt fait réagir Line Beauchamp. Elle a rompu les négociations et expulsé la CLASSE. Deux poids, deux mesures.

Sauf que la FECQ et la FEUQ refusent de négocier si la CLASSE est exclue. On se retrouve dans le même cul-de-sac, la même impasse. La présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, a parlé du jour de la marmotte. Combien de fois serons-nous condamnés à vivre le même scénario? La grève est face à un mur, le blocage est complet.

Les étudiants et les négociateurs mandatés par Line Beauchamp ont discuté pendant 40 heures au début de la semaine. La ministre n'a passé qu'une heure à la table des négociations. Une toute petite heure, pourtant, le Québec vit la grève la plus importante de son histoire et 170 000 étudiants risquent de perdre leur trimestre. Qu'avait-elle de plus urgent à faire?

Le gouvernement Charest a sous-estimé la gravité de la crise et la détermination des étudiants. Il a cru, à tort, que la contestation s'écraserait après les vacances de Pâques. Non seulement la grève ne s'essouffle pas, mais elle se radicalise. Et les manifestations sont de plus en plus violentes.

Qu'attend le gouvernement pour négocier avec toutes les associations, y compris la CLASSE? Qu'il y ait un mort?