Ça fait... quoi, trois ans que les médias sortent des histoires de copinage entre la classe politique et les grands constructeurs du Québec? Jeudi, Enquête a diffusé un reportage magnifique qui résume et symbolise ce copinage à faire vomir.

Un bagman, Gilles Cloutier, employé de Roche, la grande firme de génie-conseil, grand organisateur d'élections, qui confesse ses péchés. «On ne pouvait pas avoir de mandats si on ne donnait pas de sous pour une élection.»

Lino Zambito, boss d'Infrabec, célèbre pour son implication dans des magouilles à Boisbriand, grand donateur aux caisses électorales, se met lui aussi à table avec une candeur exemplaire: «Tu les aides [les politiciens], pis éventuellement ils vont t'aider si t'as besoin d'aide. C'est pas sorcier.»

Roche, firme qui a vu certains de ses employés arrêtés par la SQ pour ces magouilles à Boisbriand, qui a loué dans Charlevoix une maison magnifique pour y inviter des politiciens. «On est plus près, après», dit Cloutier.

Roche et BPR (une autre grande firme de génie-conseil) qui, selon des déclarations que des employés ont faites aux policiers, auraient conspiré pour arranger un appel d'offres avec le gars des vues (pour une usine de traitement des eaux à Boisbriand).

Un ingénieur de Roche qui explique aux policiers comment sa patronne, la vice-présidente de la firme, France Michaud (accusée dans l'affaire de Boisbriand), lui faisait rembourser des dons aux partis politiques, en argent comptant.

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Ce qui nous amène au rôle de l'ex-ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau dans l'affaire de Boisbriand, qui voulait se doter d'une usine de traitement des eaux.

Au final du processus arrangé avec le gars des vues par Roche et BPR, il ne manquait qu'une seule chose à la petite ville du 450: une subvention du ministère des Affaires municipales. Montant: 11 millions.

Pas de subvention, pas d'usine.

Petit hic: pendant 10 ans, jusqu'en 2006, les fonctionnaires de Québec avaient refusé la subvention plusieurs fois.

Rappelez-vous, c'est Roche et BPR qui pilotaient le projet d'usine de traitement des eaux à Boisbriand.

Or, Roche, comme d'autres firmes pour d'autres politiciens, a justement organisé plusieurs cocktails de financement, de 2005 à 2008, pour Nathalie Normandeau et le Parti libéral du Québec.

Dans ces cocktails, Roche a amassé plusieurs centaines de milliers de dollars pour le PLQ.

Qu'est-il arrivé en 2006? Nathalie Normandeau, ministre des Affaires municipales, a autorisé la subvention de 11 millions pour Boisbriand. Oui, oui, nous apprend Enquête: la subvention que les fonctionnaires refusaient d'accorder!

On ne peut absolument pas prouver que Nathalie Normandeau a été influencée par les milliers de dollars que Roche a fait tomber dans la caisse électorale du PLQ. Elle jure que ça n'a rien à voir.

On peut seulement constater que, peu après que France Michaud, VP de Roche, eut rencontré le chef de cabinet de Mme Normandeau, après que Roche eut versé des milliers de dollars à la caisse du PLQ, une subvention de 11 millions a été autorisée par le politique, contre l'avis des fonctionnaires.

C'est arrivé.

Comme ça.

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Ce qui nous ramène à Nathalie Normandeau, qui symbolise dans cette histoire un certain aveuglement volontaire de la classe politique devant ce graissage de pattes.

Quand elle était ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau est allée voir Céline Dion en spectacle au Centre Bell, en août 2008. Neuf billets lui ont été donnés, dans une loge.

Qui lui a donné ces billets, cadeau de luxe s'il en est un?

Lino Zambito, d'Infrabec, qui a eu le contrat de construction de l'usine de traitement des eaux de Boisbriand. Lino Zambito qui, en janvier de la même année, a organisé un cocktail de financement pour Mme Normandeau: 77 500$ sont ainsi tombés dans la besace du PLQ.

Au strict chapitre des apparences, Mme Normandeau a commis une gaffe monumentale en acceptant ainsi un cadeau d'un homme qui a financièrement aidé son parti et qui a profité d'une subvention qu'elle a personnellement autorisée.

«Ce n'est pas mon habitude d'aller dans les loges, là, a dit Mme Normandeau à Enquête. Ça, c'était vraiment l'exception. Bon, c'était Céline Dion, quand même.»

Pour Céline Dion, donc, qu'on se le dise: Nathalie Normandeau peut mettre ses principes de côté. Pour Madonna, on ne sait pas trop, c'est à ce moment qu'elle a mis fin à l'entrevue.