Mike Gillis, le grand patron hockey des Canucks de Vancouver, n'est pas le communicateur le plus dynamique. Mais il a des convictions. En l'écoutant analyser la saison de son équipe hier, j'ai vu un modèle pour le prochain DG du Canadien.

Ainsi, Gillis affiche clairement son parti pris pour le hockey offensif. La LNH, croit-il, doit offrir un spectacle divertissant aux amateurs. Et ce n'est pas en menottant les meilleurs attaquants qu'on relèvera ce défi. Les Canucks, malgré leur élimination rapide, conserveront leur philosophie. «Nos partisans apprécient ce style de jeu», a-t-il dit.

Peu importe notre avis sur la stratégie de Gillis, reconnaissons qu'il articule clairement sa vision. Depuis le départ de Serge Savard, en 1995, jamais un DG du Canadien ne s'est prononcé avec autant de force sur un sujet lié à l'identité de l'équipe.

Sous le règne Gainey-Gauthier, des informations semblables relevaient du secret d'État! Les deux hommes gardaient le silence sur leurs orientations - au demeurant jamais très claires -, de crainte que l'adversaire n'utilise ces renseignements à leurs dépens. On connaît le résultat: le Canadien est désormais une des trois pires équipes de la LNH.

Gillis n'a pas précisé ses plans en vue de la prochaine saison. De l'avenir d'Alain Vigneault à celui de Roberto Luongo, il a gardé les portes ouvertes. Il n'a pas caché que beaucoup de travail l'attendait. «Mais je dois d'abord rencontrer mon propre patron, a-t-il ajouté. Mon rendement aussi sera évalué.»

J'ai apprécié ce rappel à l'imputabilité. Même s'il a connu du succès à la tête des Canucks, Gillis lance aussi un message à tous ses employés en s'exprimant ainsi. Dans le sport professionnel, les sièges sont éjectables. De là l'importance de se défoncer à l'ouvrage.

Si les prochaines semaines s'annoncent occupées pour Gillis, un homme à la tête d'une équipe forte et équilibrée, imaginez le défi qui attend le prochain DG du Canadien!

Dans ce Québec passionné de hockey, où chacun de ses gestes sera cent fois analysé, l'heureux élu devra redonner du coffre à une organisation confuse, sans personnalité claire sinon une nette tendance à surévaluer son potentiel.

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Pierre Gauthier a été congédié avant la fin du calendrier régulier. En agissant ainsi, Geoff Molson a grappillé une dizaine de jours supplémentaires dans sa recherche du candidat idéal.

Compte tenu du caractère déterminant de cette embauche, Geoff Molson et son conseiller Serge Savard ont raison de rencontrer plusieurs candidats et de mûrir leur réflexion.

Le choix du prochain DG constitue la pierre angulaire de la reconstruction de l'équipe. Il s'agit, et de loin, de la décision la plus significative de Molson depuis son arrivée à la tête du Canadien.

En revanche, la LNH est un milieu qui avance à cent à l'heure. Le fauteuil de DG ne peut demeurer vacant très longtemps. La prochaine saison se prépare déjà. Je suis convaincu que le processus tire à sa fin et que son nom sera dévoilé bientôt.

Au cours des prochaines semaines, le nouvel homme fort du Canadien devra nommer un entraîneur-chef, négocier de nouveaux contrats avec Carey Price et P.K. Subban et décider de la meilleure manière d'utiliser le premier choix de l'équipe au repêchage.

Il devra aussi solutionner le casse-tête Scott Gomez, déterminer si Andrei Markov demeure le pilier de la défense, trouver du renfort à l'attaque et à la ligne bleue, préparer des offres à des joueurs autonomes en vue du 1er juillet, soupeser des scénarios de transactions, regarnir la filiale de Hamilton et, espérons-le, mettre en place une véritable stratégie de recrutement au Québec.

Plus important encore: le DG devra établir une identité pour le Canadien. Privilégier l'attaque, comme les Canucks? La défense, comme les Blues de St. Louis? L'agressivité, comme les Bruins de Boston?

Peu importe son choix, il s'agira d'une amélioration sur le passé. Même avec le recul, avouez qu'il est difficile de cerner la stratégie du Canadien au cours des dernières saisons.

Enfin, le nouveau DG devra vendre son plan à ses collaborateurs. Une tâche facile, vous croyez? Pas du tout! Il lui faudra du leadership, et un talent de communicateur, pour bien véhiculer son message.

Dans le sport professionnel aussi, les gens sont souvent réfractaires au changement. Quelques scènes très drôles du film Moneyball, qui raconte la mise en oeuvre d'une nouvelle orientation chez les A's d'Oakland, sont particulièrement révélatrices à ce chapitre.

Bref, le plus tôt que le futur DG se mettra au travail, le mieux ce sera pour le Canadien.

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Le nouveau patron du Canadien fera face à un défi considérable. Oui, la pression sera au rendez-vous. N'empêche qu'il n'existe pas de plus belle occasion pour un DG de faire sa marque.

Contrairement à plusieurs autres DG de la LNH, le candidat choisi pourra dépenser le maximum autorisé par le plafond salarial. Geoff Molson lui consentira le budget nécessaire à l'embauche d'une équipe d'entraîneurs à son goût. Les médias et le public s'intéresseront à son travail, un avantage dans le monde du sport-spectacle.

Et compte tenu de la performance pathétique du Canadien au cours des derniers mois, le nouveau DG est presque assuré d'améliorer les résultats de l'équipe la saison prochaine.

Bref, l'environnement est idéal pour connaître du succès. Il suffit maintenant que Geoff Molson et Serge Savard fassent le bon choix.