Serge Savard était de retour à son bureau du centre-ville, hier. La veille, à l'Université de Sherbrooke, il avait présidé la remise de 220 000 dollars en bourses à 378 étudiants athlètes. Depuis qu'il est aux guides de ce programme, la somme versée aux membres des 10 équipes Vert&Or a triplé. «On travaille ensemble», dit-il simplement.

L'événement a réuni un nombre impressionnant de journalistes. Le rôle de Savard dans le recrutement du futur DG du Canadien l'explique en bonne partie. Tout le monde voulait connaître l'étendue des entretiens avec Patrick Roy, le sérieux des discussions avec Jim Nill, des Red Wings de Detroit, et le moment où le choix final serait annoncé.

Avec son assurance tranquille, Savard a répondu aux questions, tout en respectant son devoir de confidentialité envers Geoff Molson. En écoutant mercredi son entrevue avec Paul Houde au 98,5 FM, j'ai été transporté 20 ans en arrière, à l'époque où Savard dirigeait le Canadien. Le jugement, la capacité de prendre du recul et la maîtrise de soi, un atout important dans un environnement si émotif, ont toujours fait partie de son arsenal.

Ces qualités seront nécessaires au prochain DG du Canadien. Ce sera ensuite à l'heureux élu d'imposer son style afin d'inspirer le respect que Savard a toujours imposé aux joueurs, aux partisans et à ses collègues de la direction. Rude défi.

Dis donc, Serge, tu n'aurais pas le goût de reprendre du service?

«Non, je ne suis pas candidat, répond-il fermement. Ça me fait plaisir d'aider le Canadien à trouver un directeur général. Mais j'ai 66 ans. Si j'avais voulu revenir à temps plein dans le hockey, je l'aurais fait bien avant.»

En clair, Savard apprécie sa vie actuelle. Il brasse des affaires au Québec, s'offre des pauses dans le sud des États-Unis et contribue à plusieurs causes, comme en fait foi son engagement auprès des étudiants athlètes de l'Université de Sherbrooke.

Pas question de recommencer à courir les amphithéâtres aux quatre coins de l'Amérique. À ce jeu-là, notre homme a déjà donné.

«Savais-tu que l'Université de Sherbrooke a développé un programme de médecine à Moncton? me demande Serge Savard. Ça permet aux francophones des Maritimes d'étudier dans leur langue...»

Les intérêts de Serge Savard ne se sont jamais limités au hockey. Et la promotion des droits des francophones - que ce soit au Manitoba ou dans les Maritimes, et aussi au Québec lorsqu'un entraîneur unilingue anglophone est nommé à la tête d'une équipe prestigieuse - fait toujours partie de ses priorités.

Voilà pourquoi le prochain DG du Canadien parlera le français. Et que ces rumeurs autour de Jim Nill n'étaient pas très sérieuses.

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Il serait tentant de succomber à la nostalgie et de rêver que Savard prenne de nouveau les guides du Canadien. Je ne suis pas convaincu que son absence du hockey constituerait un si lourd handicap. Si le réseautage et l'expérience étaient automatiquement synonymes de succès, le nom de Brian Burke se retrouverait sur la Coupe Stanley chaque année.

Difficile, en effet, d'imaginer mieux branché dans la LNH que le DG des Maple Leafs de Toronto. Pierre Gauthier connaissait aussi tout le monde d'un bout à l'autre du circuit. Ça n'a pas empêché les deux hommes de connaître des saisons misérables malgré l'ampleur des moyens mis à leur disposition.

Malgré le côté attrayant de ce scénario, le Canadien doit prendre une nouvelle direction. Julien Brisebois, Marc Bergevin, Claude Loiselle et Pierre Maguire sont sûrement des candidats intéressants, et le nom du prochain DG se retrouve peut-être dans cette courte liste.

Le premier mandat du candidat retenu sera de trouver un entraîneur. Et là aussi, la tentation de replonger dans le passé sera grande, surtout si Alain Vigneault et Claude Julien deviennent disponibles.

Aux guides des équipes finalistes de la Coupe Stanley l'an dernier, ces deux anciens pilotes du Canadien ont vu leur équipe respective subir l'élimination en première ronde ce printemps. L'avenir de Vigneault à Vancouver n'est pas très clair, malgré les bons mots à son endroit de la part de son patron, Mike Gillis. Quant à Julien, on n'a jamais senti qu'il était un favori de Cam Neely, président des Bruins.

Vigneault et Julien feraient sûrement un travail correct à Montréal. Mais je crois néanmoins que le Canadien a besoin d'un regard frais, d'un homme qui arrivera au Centre Bell pour la première fois dans le rôle d'entraîneur-chef de l'équipe.

Le Canadien est mûr pour un nouveau départ. Pas pour un retour en arrière. La reconstruction sera longue et difficile. Il suffit de regarder les matchs éliminatoires pour voir à quel point l'organisation manque de profondeur. Et il faudra attendre quelques saisons avant que de bons espoirs apportent leur contribution.

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La semaine dernière, Patrick Roy n'a pas caché son intérêt pour le poste d'entraîneur du Canadien. «Mon cellulaire est toujours ouvert», a-t-il dit.

Je serais très étonné que le Canadien examine la candidature de l'ancien gardien pour le rôle de DG. Roy lui-même a manifesté peu d'enthousiasme pour ce poste. Mais j'espère que l'organisation lui fera signe lorsque viendra le temps de choisir un nouvel entraîneur.

Roy, un type frondeur, aura peut-être des sautes d'humeur. Il faudra un DG calme et sûr de lui pour composer avec sa forte personnalité. Comme Serge Savard l'a longtemps fait avec Pat Burns, ou Maurice Filion avec Michel Bergeron à la belle époque des Nordiques. Mais l'arrivée de Roy, un entraîneur de talent, insufflerait la passion et la vigueur qui font cruellement défaut à l'équipe.

L'organisation du Canadien, toujours conservatrice, osera-t-elle prendre cette direction?