Rob Manfred lance un message clair aux Montréalais souhaitant le retour des Expos : vous avez franchi avec succès la première étape, c'est-à-dire démontrer votre intérêt pour le baseball majeur. Bravo! Mais il vous faut maintenant entreprendre la deuxième. Sinon, votre projet est voué à l'échec.

Voilà comment il faut décoder les propos du commissaire du baseball dans l'intéressante entrevue qu'il a accordée cette semaine à mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot. Le seul fait que Manfred s'exprime sur le sujet est significatif: il témoigne ainsi de son intérêt envers ce dossier.

À l'évidence, le succès des matchs pré-saison des Blue Jays de Toronto au Stade olympique lors des deux dernières années a frappé l'imagination de Manfred. Cette réussite ne se dément pas. Les 1er et 2 avril prochains, les amateurs franchiront les guichets en nombre record pour ce grand rendez-vous.

La dynamique campagne en faveur du retour des Expos menée par Denis Coderre est un autre élément-clé de l'affaire. Sans l'appui indéfectible de son maire, aucune ville ne peut intéresser le sport professionnel majeur.

Cela dit, le temps est venu de mettre de la chair autour de l'os. Manfred ne s'attend pas à ce que le chantier d'un nouveau stade soit lancé sans l'assurance de la venue d'une équipe. Mais il souhaite le dépôt d'un projet concret.

Si les questions sont simples, les réponses ne sont pas évidentes. Où le stade sera-t-il construit? Correspondra-t-il aux normes élevées du baseball majeur pour répondre aux besoins des joueurs et aux attentes de la clientèle? Permettra-t-il de générer un maximum de revenus?

Et, surtout, comment sa construction sera-t-elle financée? Des fonds publics seront-ils investis? Si la réponse à cette dernière interrogation est «non», comme cela est actuellement le cas, un montage financier crédible est-il possible?

Ce que le commissaire Rob Manfred nous dit est, au fond, bien simple: si un débat est à faire sur l'ensemble de cet enjeu, amorcez-le maintenant.

Car un jour, le commissaire voudra obtenir des réponses claires. Pas dans l'immédiat, bien sûr. En 2016, il se consacrera au renouvellement de la convention collective des joueurs, qui prendra fin le 1er décembre prochain.

Mais une fois cette négociation terminée, on peut croire que Manfred étudiera sérieusement une idée qu'il a déjà évoquée: une expansion portant à 32 le nombre d'équipes.

Tout commissaire veut laisser une marque de son passage aux commandes. On sait que l'ajout d'un club au Canada et d'un autre au Mexique pique la curiosité de Manfred. À compter de 2017, il consacrera sans doute ses énergies à développer son plan de croissance pour l'industrie. Et l'expansion en constitue un axe potentiel.

Dans ce cas, Montréal aura avantage à étoffer sa candidature au cours des 24 prochains mois. Faut-il en vouloir au commissaire de nous imposer ce devoir? Pas du tout!

Après tout, le baseball majeur n'a jamais rien demandé. Si le retour des Expos est dans l'air, c'est parce que l'idée a été officiellement lancée en mars 2013, lorsque la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a commandé une étude sur la question.

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Parallèlement à la réflexion concernant un nouveau stade, une autre devra s'engager à propos de la toiture du Stade olympique. Mine de rien, deux nouvelles importantes ont été dévoilées la semaine dernière concernant le gigantesque édifice.

D'une part, le Mouvement Desjardins logera plus de 1000 employés dans la Tour à compter du milieu de 2018. Ces gigantesques espaces de bureaux n'ont encore jamais servi! Une somme de 43,5 millions sera investie pour leur mise à niveau. Le bail étant d'une durée de 15 ans, voilà qui, une fois pour toutes, mettra fin à toute discussion sur l'éventuelle démolition du Stade.

D'autre part, après un long processus, la Régie des installations olympiques (RIO) a finalement remis sa recommandation au gouvernement à propos du remplacement de la toiture, comme l'a révélé mon collègue Denis Lessard la semaine dernière. On propose une structure fixe et souple, au coût de 215 millions.

Évidemment, la tentation est forte de jumeler le dossier d'un nouveau stade de baseball à celui-ci. Certains soutiendront, par exemple, que s'il faut investir 215 millions dans le toit du Stade olympique, aussi bien y faire jouer les néo-Expos.

D'autres avanceront que si le gouvernement dépense cette somme pour une infrastructure sportive, aussi bien le faire pour un nouveau stade de baseball plutôt que pour le remplacement de la toiture du Stade olympique.

Aussi séduisantes soient-elles, ces théories ne résistent pas à l'analyse.

D'abord, pour le baseball majeur, il est hors de question d'implanter à demeure une nouvelle équipe dans l'ancien domicile des Expos. Au mieux, l'endroit servirait de solution de dépannage, dans la perspective où un club actuel déménagerait à Montréal avant la construction d'un stade moderne.

Le Stade olympique ne correspond plus aux normes des ligues majeures. L'époque est aux constructions plus intimes, dotées de loges d'entreprise et de sièges de luxe bien placés, et dotées d'une surface naturelle.

Ensuite, même si aucun de nos récents gouvernements n'a eu le courage de régler le problème, il faudra bien un jour apporter une solution au défi posé par la toiture du Stade olympique, dont le degré d'usure est bien documenté. L'idée d'un toit rétractable écartée par la RIO, il faut choisir entre deux options: un toit fixe ou pas de toit du tout. À mon avis, cette dernière solution représenterait un mauvais choix.

Avec un toit sécuritaire, le Stade accueillerait en effet des événements toute l'année et augmenterait ses revenus. Ces sommes pourraient être investies dans la modernisation des installations, qui en ont un urgent besoin.

Depuis les cinq dernières années, le Parc olympique est animé d'une nouvelle énergie. L'esplanade du Stade est le lieu d'activités de loisirs hiver comme été. Un nouveau Planétarium a ouvert ses portes. Et des millions ont été investis dans la rénovation du magnifique Centre sportif.

L'arrivée des employés du Mouvement Desjardins s'ajoute à ce vent de renouveau. Le remplacement de la toiture constitue le prolongement naturel de cette évolution. Et cela n'a rien à voir avec un nouveau stade de baseball. C'est une affaire distincte.

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Alors, un de ces deux dossiers progressera-t-il au cours des prochains mois?

Entre un gouvernement peu empressé à régler la question de la toiture du Stade olympique et une communauté d'affaires dont le véritable niveau de motivation à faire renaître les Expos n'est pas encore clair, la réponse à cette question demeure incertaine.

PHOOT BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Il faudra un jour apporter une solution au défi posé par la toiture du Stade olympique, dont le degré d’usure est bien documenté.