Encore? Oui, encore. Et je ne vous promets même pas que c'est la dernière fois. Peut-être que les 40 prochaines chroniques seront encore là-dessus. D'ailleurs, vous aimez ça.

J'y reviens aujourd'hui pour une mise au point. Je me suis fait engueuler par des fonctionnaires du ministère de l'Éducation, par des profs en sciences de l'éducation, par des profs tout court, vous savez comment ils m'appellent? Pépère-la-virgule. Il y en a même une, l'autre jour, qui m'a traité de sous-Martineau. C'est ras les pâquerettes en crisse, ça, du sous-Martineau. Anyway.

Paraît que c'est fasciste de chroniquer sur l'orthographe.

Je ne vois pas pourquoi ils me disent ça, je ne chronique jamais sur l'orthographe.

La chronique de l'autre jour sur Qu'on entendu les moutons, qu'on entendu les lapins, ce n'est pas de l'orthographe. Je ne m'intéresse pas à l'orthographe, je trouve d'ailleurs un peu désolant de vous entendre pleurnicher après chaque chronique comme celle-ci: oh mon dieu, on n'osera plus vous écrire. Qu'est-ce que vous croyez? Que je compte vos fautes? Je ne les vois même pas.

C'est quand une prof, UNE PROF, écrit dans un énoncé «Qu'on entendu les veaux» que je grimpe dans les rideaux. C'est pas un journaliste, c'est pas une coiffeuse, c'est pas un fonctionnaire du ministère des Transports, c'est une prof! Quelqu'un qui est chargé de l'éducation des enfants. Ce n'est pas du tout une faute d'orthographe. C'est une catastrophe. C'est une prof qui ne sait pas conjuguer le verbe avoir.

Je ne suis pas en train de vous dire que l'édifice du ministère de l'Éducation aurait besoin d'être repeint. Je vous dis qu'il est en train de vous tomber sur la tête.

Des parents m'ont envoyé cette semaine le mot que leur a adressé une prof, oui, une autre, à propos de leur fils: Bonjour, nous avons commencé un projet au cours duquel j'aurai à vérifier le niveau de compétence en lecture, en écriture et en oral (1). Pour l'écriture, votre fils F. a vraiment besoin de revoir sa GRAMAIRE, ses stratégies d'autocorrection et les critères d'organisation du texte à structure d'énumération.

Une coiffeuse, un journaliste qui écrivent cravate avec deux «t» et carotte avec un seul, ça, ce sont des fautes d'orthographe. Une prof qui demande à des parents de surveiller d'un peu plus près la grammaire de leur fils et qui écrit grammaire avec un seul «M», ça, c'est pas une faute d'orthographe. C'est un naufrage.

Pensez à un phare qui guide les bateaux dans le brouillard. Le prof devrait être ce phare. Non seulement il ne l'est pas, non seulement sa batterie est à plat, ce con, mais il envoie les bateaux drette sur les brisants où ils naufragent. Tiens, toé, le petit marin, nage.

Passons sur les «stratégies d'autocorrection», aucune idée de quoi il s'agit et quelque chose me dit que c'est mieux que je ne le sache pas, passons donc, mais peut-on m'expliquer ce que sont des critères-d'organisation-du-texte-à-structure-d'énumération? À structure énumérative serait déjà mieux, mais encore là, on nage dans le total délire pédagogique. Vous croyez vraiment qu'écrire est affaire de critères d'organisation du texte? Ciel, vous auriez pu me le dire avant. Cela fait 65 ans que j'écris, même que c'est ma job, et je n'ai aucune foutue idée de ce que peuvent être ces critères.

J'insiste: ça n'a rien à voir avec l'orthographe. Cela a à voir avec transmettre un désir de culture. Comment des gens qui n'en ont pas au moins un tout petit peu, de culture, peuvent-ils faire naître ce désir de culture chez des enfants?

Merci Michael

M. Ignatieff dit que le Québec et le Canada n'ont rien à se dire, qu'ils vivent dans un climat d'indifférence et forment déjà, à plusieurs égards, deux pays séparés, c'est la première fois que quelqu'un résume aussi clairement ma pensée, je ne parlerai pas de plagiat ni rien, mais en mon for intérieur, je crois tout de même que M. Ignatieff aurait dû avoir l'élégance d'ajouter quelque part: comme l'a si souvent répété le chroniqueur de La Presse Pierre Foglia.

Ce que M. Ignatieff a dit mardi, je l'ai dit et écrit 127 356 fois. Jamais je ne me suis réclamé de la souveraineté pour d'autres benoites raisons que celles-là. Jamais je n'ai donné dans le patriotisme, l'économisme, la Constitution, l'Histoire, le rapatriement de ceci cela, le ressentiment, toujours j'ai dit que je suis pour la séparation du Québec et du Canada parce que ce sont déjà deux pays différents. J'ai longtemps ajouté comme la Suède et la Finlande, mais là, je déconnais, disons plutôt comme le Kazakhstan et le Luxembourg.

Bien sûr, on a menacé M.Ignatieff de lui retirer son passeport canadien et il est revenu sur ses propos. Reste qu'il a dit ce qu'il a dit, félicitons-le d'avoir été pendant cinq minutes le premier intellectuel canadien-anglais à se résigner à ce plat constat, ce sont deux pays différents - sans se sentir trahi, sans pleurnicher: j'ai pourtant toujours appuyé leurs revendications et voyez le résultat.

Parfaitement, deux pays différents et toute autre raison n'est pas la bonne. Voilà.

(1) Notez que la lecture et l'écriture passent maintenant par des projets, ces saloperies de projets, ce sirop par lequel on fait avaler l'éducation aux enfants comme un médicament.Qu'y a-t-il dans votre sirop? Du menthol, des vitamines, des fibres, du fer, du sucre et un zeste de grammaire.