Après 71 jours de grève étudiante, l'appel à la trêve et à la négociation lancé hier par la ministre de l'Éducation Line Beauchamp ressemblait à un aveu d'échec de son gouvernement. Comme s'il avait fallu tout ce temps pour réaliser qu'il est tout à fait irresponsable de rester sourd aux cris de milliers de gens dans la rue.

Pendant plus de 10 semaines, la ministre Beauchamp a cru qu'elle pouvait ignorer la grogne étudiante. Elle a sous-estimé l'intelligence des leaders étudiants. Elle a sous-estimé leur détermination.

Croyait-on vraiment qu'après plus de deux mois de grève afin de protester contre la hausse des droits de scolarité, les étudiants allaient rentrer à la maison heureux d'avoir gagné trois fois rien? Pensait-on vraiment qu'un plus grand endettement en guise de réponse à leurs revendications - une timide bonification du programme d'aide financière - allait les faire taire?

La ministre a d'abord tenté d'ignorer le mouvement étudiant. Elle a ensuite minimisé son importance. Puis, elle a essayé en vain de le diviser et de discréditer son aile la plus radicale, la CLASSE, en l'associant à la violence. Elle a toujours évité le débat de fond sur la hausse des droits de scolarité, préférant s'enliser dans un débat sémantique absurde.

La ministre a tenté de faire dévier le débat encore davantage en exigeant de la CLASSE un acte de foi contre la violence. Sous-entendu peu subtil: la CLASSE cautionne la violence. Pendant ce temps, même le Service de police de la Ville de Montréal, qui n'a pourtant pas toujours été juste et tendre devant les manifestants au carré rouge, a eu l'honnêteté de faire publiquement une distinction importante que la ministre de l'Éducation n'a pas faite: il ne faut pas confondre les manifestants étudiants et les provocateurs professionnels. Le mouvement étudiant n'est pas responsable de la violence.

La CLASSE n'a sans doute pas aidé sa propre cause en tardant à condamner officiellement les gestes de violence dont elle s'est toujours dissociée. Mais la ministre Beauchamp est bien mal placée pour lui faire la leçon, elle qui n'a pas condamné haut et fort la brutalité policière dont ont été victimes certains manifestants. Rappelons qu'un étudiant a été gravement blessé à l'oeil alors qu'il manifestait de façon tout à fait pacifique et légitime. Ce n'est pas rien. Pourtant, pas un mot, pas un geste de la part de la ministre. On a aussi vu un journaliste et un photographe de La Presse être arrêtés dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils couvraient les manifestations étudiantes. Une forme d'abus du pouvoir policier qui constitue une atteinte à la liberté de la presse. Une façon inacceptable d'éborgner la presse en l'empêchant de faire son travail. Mais encore là, pas un mot, pas un geste de la part de la ministre.

On finit par en comprendre que l'appel à la condamnation de la violence lancé par la ministre Beauchamp n'était qu'un prétexte. C'était avant tout un appel à la condamnation d'une partie du mouvement étudiant. Je suis bien d'accord avec le chef de police Marc Parent qui, en entrevue avec mon collègue Patrick Lagacé, disait que les leaders doivent être capables de dire qu'ils n'encouragent pas la violence. Mais cela vaut aussi pour les leaders politiques, pas juste pour les leaders étudiants.

Après avoir laissé s'envenimer la situation pendant 10 semaines, la ministre Beauchamp réalise que l'intransigeance ne mène à rien. Elle demande une trêve à la manière d'un pyromane qui, allumette à la main, se demande d'où vient le feu. Après avoir répété qu'elle ne négocierait pas avec les étudiants, elle en appelle enfin au dialogue. La porte fermée à double tour est désormais entrouverte. Mieux vaut tard que jamais. Car avec tout ça, on a juste oublié l'essentiel: le débat de fond n'a pas eu lieu.

Pour joindre notre chroniqueuse: relkouri@lapresse.ca