Dans les années 80 et 90, la mode était aux affiches «Ne touchez pas à la loi 101».

Ma nièce, qui n'avait pas 10 ans, m'en avait expliqué la signification.

«La loi 101, quand tu touches à ça, tu deviens un Anglais!»

Vous pensez bien, je n'ai jamais osé y toucher.

Il ne faut plus y toucher, ni même en parler. Sauf bien entendu pour répéter le leitmotiv: il faut la «renforcer».

Quelqu'un vous aborde en anglais dans un restaurant chinois?

Il faut renforcer la loi 101!

Il me semble plus simple de répondre en français et de quitter les lieux d'un commerce si on n'y est pas respecté, mais bon.

D'autres francophones migrent vers les banlieues et Montréal se défrancise?

Il faut renforcer la loi 101!

Autrefois, les curés nous disaient de faire des bébés, c'était beaucoup plus efficace.

Toujours est-il qu'il flotte dans l'air une sorte de panique nouvelle, comme si la menace était plus vive que jamais.

Le français est bel et bien menacé, c'est vrai. C'est son destin, pour ainsi dire. Mais il se porte mieux parce que l'école francise la majorité des immigrants. Voilà l'apport historique fondamental de la loi 101 - un bout de la loi dont la Cour suprême a reconnu la validité, en passant.

Et si le français est moins parlé dans les maisons du Québec (passant de 82,8% des foyers en 1996 à 81,8% en 2006), ce n'est pas parce que l'anglais l'a supplanté (les foyers anglophones sont passés de 10,8% à 10,6%). C'est parce qu'il y a plus d'immigrants.

Mais rien n'y fait, on n'a de cesse de nous répéter que le français est moins parlé dans les commerces à Montréal et que c'est très grave. Ça dépend à quelle année on se rapporte, il y en a qui ont oublié le Montréal des années 70.

Alors, vous pensez bien, si quelqu'un vient dire qu'il faut remettre en question des restrictions de la loi 101... C'est évidemment irrecevable. Tous les politiciens et commentateurs hors-Gazette vont lui tomber dessus.

Témoin Stéphane Gendron, dont la voiture et la maison ont été vandalisées hier.

Pour un maire qui représente 2457 citoyens, Stéphane Gendron en mène très large dans l'espace public, c'est vrai.

C'est un amateur d'outrances verbales et mentales, on ne sait pas trop où s'arrêtent ses convictions et où commence le spectacle de ses opinions.

On n'était pas trop surpris, la semaine dernière, de l'entendre vociférer contre la loi 101, une loi «raciste», dit-il, et défier le gouvernement de le mettre à l'amende et, pourquoi pas, en faillite. Du Gendron pur jus.

Le maire-commentateur en a contre l'interdiction faite aux villes de communiquer en anglais avec les citoyens si les anglophones représentent moins de 50% de la population.

Il semble qu'ils soient 44% à Huntingdon. Quelqu'un a porté plainte contre les communications bilingues, on menace maintenant de mettre la Ville à l'amende, et Gendron promet qu'il ne cédera pas.

Le ton et la manière, en partant, ont rendu tout débat impossible. La loi 101 n'est pas «raciste», c'est un outil de défense et de promotion du français que même la majorité des Anglo-Québécois acceptent comme normale et nécessaire pour cette nation qui restera toujours une exception culturelle et linguistique dans ce continent.

Gendron est Gendron. Il a lui-même empêché le débat.

Mais quand on tombe dans les méfaits et l'intimidation, on change de registre.

Tout comme cette manifestation de la semaine dernière des «Jeunes Patriotes». Voir 30 personnes chanter La Marseillaise devant un dépanneur immigrant qui est incapable de parler autre chose qu'un anglais approximatif n'est pas particulièrement édifiant non plus. Qu'un sang impur abreuve nos sillons, c'est ça?

C'est aux donneurs de permis qu'il faut se plaindre!

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Dans plusieurs villes du Québec comme Huntingdon, les deux communautés linguistiques cohabitent en parfaite harmonie, plusieurs couples sont «biculturels», on trouve des écoles anglaises et françaises et personne ne fait une syncope parce qu'il a entendu un mot d'anglais au dépanneur.

Quel mal atroce causera-t-on au français si ces villes adoptent une politique de bilinguisme dans leurs communications, même si «seulement» 44% des citoyens sont anglophones?

Est-on incapable d'imaginer une certaine souplesse dans l'application de la loi, pour tenir compte des traditions locales, de la taille de la municipalité, parce que sept déménagements ont changé l'équilibre linguistique?

Ces choses-là apparemment ne peuvent pas être dites.