Voici des réactions de lecteurs à l'opinion de la sexologue Jocelyne Robert, intitulée «Une vieillesse insupportable», qui a été publiée mercredi dernier.

Les vieux ont trimé dur

Je suis d'accord avec Jocelyne Robert lorsqu'elle dit que «nous ne supportons pas notre propre mortalité, notre propre finitude, notre déchéance imminente. En nous aveuglant devant la vieillesse, on nourrit l'illusion de notre éternelle jeunesse.» Mais je crois que ce sentiment tout humain, d'une grande noblesse d'âme et le plus souvent, inconscient, a été supplanté par un motif beaucoup plus terre à terre, tout à fait en accord avec la société capitaliste dans laquelle nous vivons et j'ai nommé, l'argent! Bref, les vieux coûtent cher! Et pourtant, ils ne font que suivre le courant des nouvelles avancées médicales qui permettent maintenant aux individus de vivre plus longtemps. Imaginez les jeunes de 20 ans! Jusqu'à quel âge vivront-ils? Non mais, sérieusement, comment peut-on en vouloir aux vieux de vieillir et d'être encore en vie?

Qui sont-elles, ces vieilles personnes qui sont de plus en plus nombreuses? (Aujourd'hui, on risque fort de rencontrer beaucoup plus de vieilles personnes sur la rue que d'enfants en train de jouer au ballon...) Et là, je vais vous surprendre! Peut-être que vous l'ignoriez, mais les vieilles personnes sont des entités humaines qui sont venues au monde un jour, sans l'avoir demandé, qui ont été des bébés tétant le sein de leur mère, qui ont surmonté des obstacles, connu des joies et des peines, subi des traumatismes et qui ont grandi dans une société qu'ils n'avaient pas créée! Étonnant, hein? Et puisque la vie n'était pas plus facile à cette époque qu'elle ne l'est aujourd'hui, ils ont trimé dur jusqu'à leur retraite afin de gagner de l'argent, sinon pour vivre, du moins pour survivre. Les gouvernements ont prélevé directement de leur salaire, leur contribution aux régimes de retraite afin qu'ils puissent un jour bénéficier d'une pension dite, «de vieillesse». Et même s'ils ne sont plus actifs en tant que travailleurs dans la société, ils sont, à l'instar de toutes les générations, des consommateurs assidus et fervents qui participent encore à faire rouler l'économie. N'étant plus les représentants d'une génération qui possède une certaine expérience de la vie, ils sont désormais relégués au statut d'inutiles et d'encombrants. Affichant publiquement leurs rides, ils vont à l'encontre du concept d'éternelle jeunesse véhiculé par une société marchande, faisant ainsi ombrage aux ambitions mercantiles et sans scrupules, des magnats du commerce légal et illégal qui n'ont de cesse d'encenser une jeunesse vulnérable et lucrative, pour leurs profits personnels.

Ceci étant dit, ne pourrait-on pas essayer de foutre la paix aux vieux, un peu? Je crois qu'ils ont bien mérité un peu de repos.

Lise Bournival, ex-enseignante en philosophie, Saint-Eustache

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C'est beau, vieillir

Selon moi, les gens qui côtoient les personnes âgées au quotidien ont une opinion bien différente. C'est beau, vieillir. Tout dépend de l'oeil qui le regarde. J'ai 34 ans et j'admire ces gens que je fréquente. Ils sont actifs, ils s'impliquent, ils sont bénévoles et ils s'accomplissent. Ils ont bien souvent plus d'énergie que moi! Ce sont des personnes comme vous et moi, point. C'est notre devoir d'arrêter de les traiter comme des êtres faibles.Le but n'est pas de jouer à l'autruche. Oui, vieillir apporte son lot de changements. Oui, le rythme de vie est différent. Oui, il y a des gens qui sont malades et plus vulnérables, mais il n'y a pas que ça. Souvent les personnes âgées savent mieux apprécier la vie, sont plus satisfaites et profitent des petits bonheurs beaucoup mieux que les jeunes de mon âge.

La nouvelle n'est cependant pas intéressante. Ce n'est pas un scoop de dire qu'il y a de nombreux vieux heureux, qui aiment la vie, qui prennent soin de leur santé et qui composent bien avec le changement qu'amène le fait de vieillir. C'est à nous, en tant que société, de montrer ce qu'il y a de beau en eux.

Systématiquement on évite des mots tels que vieux, vieillesse, rides et surtout mort. Pourtant, nos aînés sont beaucoup plus à l'aise que nous d'utiliser ces mots, de dire les choses telles qu'elles sont. Avec l'arrivée massive des baby-boomers à la retraite, j'ai espoir que nous allons apprendre à mieux les intégrer. J'ai la conviction qu'ils sauront marquer un changement dans la perception de la vieillesse, redéfinir la vieillesse, comme ils ont redéfini les autres étapes marquantes de leur vie et de la nôtre par conséquent. Ils sauront nous rendre à l'aise avec la notion d'être vieux et heureux.

Nous avons beaucoup à apprendre d'eux. Oui, il y a leur savoir professionnel, mais leur savoir personnel est tout autant sinon plus pertinent. Arrêtons de payer pour des coachs de vie et mettons-nous à échanger avec les personnes âgées. Il nous suffit de briser la barrière entre les vieux et les autres. De quoi avons-nous peur? D'attraper leur vieillesse?

Anne-Marie Vincent

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Nous fuyons notre propre mort

Je tiens à souligner la qualité de l'article publié par Jocelyne Robert. Les arguments concernant le vieillissement sont percutants. Nous vivons dans une société ou la jeunesse et les symboles qui y sont rattachés prennent toute la place. Tellement que les personnes âgées en viennent à croire qu'elles non plus d'importance et perdent ainsi leur propre estime d'elles-mêmes en tentant d'égaler les standards de jeunesse à tout prix.

Et je suis aussi d'accord avec elle, lorsqu'elle dit que nous fuyons ainsi notre propre mort. Je ne sais pas ce qu'il nous faudrait pour accepter la mort car sûrement, nous vivrions mieux avec nous-mêmes et les personnes âgées et ces dernières s'en sentiraient beaucoup mieux.



Lysanne St-Pierre


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Ils ont tant à nous apprendre

Le problème des aînés dure depuis des années et toutefois, j'ai l'impression que tout le monde reste surpris chaque fois qu'il y a un évènement qui choque. Je ne comprends pas que nous évitions ces gens qui sont ceux qui ont bâti notre société d'aujourd'hui. Je côtoie des gens âgés tous les jours et je peux dire que c'est enrichissant de jaser avec eux. J'ai déjà vécu dans un petit village dans ma quarantaine et j'étais un des plus jeunes du village. Je discutais régulièrement avec les aînés du village et j'ai toujours apprécié leur compagnie. J'ai 57 ans et je ne trouve pas ça très drôle de vieillir, mais comme on dit, c'est la vie, et on doit prendre soin de nos ainés, c'est valorisant et ils ont tellement de choses à nous apprendre de leur vécu. Une société qui ne prend pas soin de ses ainés, elle court à sa perte. 



Pierre Boileau



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Personne ne reste indifférent

En mai dernier, après voir été mordue par un chat, j'ai dû être hospitalisée. Se présente une infirmière m'indiquant qu'elle travaille en gériatrie.  J'ai regardé autour de moi car je ne croyais pas que c'est à moi qu'elle s'adressait. «Je ne suis pas encore dans cette catégorie d'âge, madame», lui ai-je dit. Malgré mes 71 ans, et l'arthrose «mur à mur», je  suis active et autonome. Depuis, je dois marcher avec une canne par précaution. De plus, j'ai perdu la mobilité et la force de trois doigts et d'un avant-bras.

Ce n'est pas la moutarde qui me monte au nez, mais le regard compatissant des autres qui s'offre à moi.  On me tend un bras pour grimper des marches, pour marcher sur des espaces quelque peu glacés.  Ce que je lis dans le regard des autres  me parait être une satisfaction d'aider plus faible que soi et d'apprécier la force physique du temps présent malgré  la course folle dans la fleur de l'âge.

Comble de malheur, un gros coffre m'est tombé sur le visage. La réaction est différente:  je me crois être au coeur de la publicité de la violence faite aux aînées avec des ecchymoses.  On cherche un coupable autour de moi et un non verbal d'invitation à parler aux personnes qui s'approchent.

Non, la vieillesse ne laisse personne indifférent. Si aider pouvait la chasser, ce serait merveilleux.



Michelle Héon, Longueuil


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Le désespoir de la vieille

Elles n'ont plus de profil amoureux, ces vieilles, dont ma mère, de l'Unité du 2e que je visite à la résidence. « Une vieillesse insupportable», bien sûr que l'article de Jocelyne Robert nous fait réfléchir. Ayant les sens affaiblis, on a l'impression qu'il ne leur reste que le toucher pour communiquer. Je me suis rappelée d'un texte de Baudelaire. « Le désespoir de la vieille » :

La petite vieille ratatinée se sentit toute réjouie en voyant ce joli enfant à qui

chacun

faisait fête, à qui tout le monde voulait plaire ; ce joli être, si fragile comme elle, la

petite

vieille, et, comme elle aussi, sans dents et sans cheveux.

Et elle s'approcha de lui, voulant lui faire des risettes et des mines agréables.

Mais l'enfant épouvanté se débattait sous les caresses de la bonne femme

décrépite,

et remplissait la maison de ses glapissements.

Alors la bonne vieille se retira dans sa solitude éternelle, et elle pleurait dans un

coin, se disant: - « Ah ! pour nous, malheureuses vieilles femelles, l'âge est

passé de

plaire, même aux innocents ; et nous faisons horreur aux petits enfants que nous

voulons

aimer ! »



Renée Dion, historienne, Boucherville


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Un peu de considération

Oui, la jeunesse nous a quittés, mais on est encore vivants. On a encore un agenda chargé. On fait encore du bénévolat qui, il me semble, est utile à la société puisque les jeunes, occupés comme ils sont, n'ont pas le temps d'en faire. L'équilibre n'est plus tout à fait le même, l'énergie non plus. La tête est encore là quand même.

Nous serons de plus en plus vieux et nous perdrons de plus en plus de nos capacités. Après toutes ces années de travail, j'ose croire que nous aurons mérité un peu de considération.  Nous apprécierions pouvoir terminer notre vie, le plus tard possible, dans des conditions, osons dire normales, sans violence envers nous. Être bien traités, ne pas être rejetés à la fin de notre vie, je pense que ce n'est pas trop demander.



Gisèle Tétrault


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Pas d'accord

J'ai 60 ans. Je suis aimée et j'aime.

Je m'entoure de mes amitiés, de mes amours, c'est bon.

J'aime mes amies, elles sont belles.

Créative, j'aime la beauté, la jeunesse et sa fraicheur.

Il y a l'enfance, belle à regarder, spontanée, intense dans sa force de vivre.

Mes petits enfants m'aiment; ils m'offrent toutes les formes conjuguées du verbe aimer et y ajoutent ensuite: ...plus que le monde entier!.

J'aime les tout-petits, leur éveil a la vie, leur grande curiosité, leur fragilité et leur immense beauté.

Il y a dans ma vie, Mamounette, 85 ans...Les enfants l'appellent comme ça, avec tendresse.

Et elle le leur rend bien. Vous devriez voir ses beaux yeux, doux, souriants, remplis d'amour.

On aime être en sa compagnie.

Je suis certaine que c'est réciproque.

Je ne suis pas d'accord avec Jocelyne Robert.

Je ne me plastifie pas et ne le ferai pas.

Je suis.

Je ne vous déteste pas: je n'en ai rien a faire.

Heureuse telle que je suis, je prends contact avec le coeur de gens.

Je suis humaine.

Je suis dans le ici et maintenant.



Thérèse André, Montréal


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Chaleur humaine

Il y a bien sûr le côté obscur de la vieillesse, accompagné de la maladie, de divers dysfonctionnements allant jusqu'à la démence. Mais il y a aussi ces belles personnes, toutes vieilles, qui sourient à la vue des premiers signes du printemps. Mais toutes ont besoin qu'on leur tienne la main, de chaleur humaine et d'un sourire.

Pierre Chevrier