La quinzaine d'arrestations, dont celle de l'entrepreneur en construction Tony Accurso, et les perquisitions effectuées mardi vous redonnent-elles confiance en l'UPAC, l'Unité permanente anticorruption? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Francine Laplante

Femme d'affaires.



LA RÉCRÉATION EST FINIE



Il est beaucoup trop tôt pour sabrer le champagne. Nous savons tous que le cancer est non seulement sévère, mais qu'il est généralisé. Certes, l'arrestation de Tony Accurso est une bonne nouvelle en soi, mais on s'entend qu'il reste encore beaucoup d'individus du même acabit en liberté! Les divers reportages des journalistes d'enquête nous conduisent à réaliser que ce sont les têtes dirigeantes, les grands décideurs de ce monde, qu'il faut viser, et pour l'instant, on n'en est pas encore là. Ce qui est fort positif cependant, c'est que la cloche de la fin de la récréation a officiellement sonné et que peu importe qui sera tenté de poser des gestes de corruption,  il va dorénavant y penser à deux  fois avant de passer à l'acte... C'est une mince consolation, mais je perçois cette arrestation comme un pas en avant, dans la bonne direction. Le ménage ne fait que commencer :  il faut maintenant sortir l'arsenal lourd et poursuivre la désinfection... sans gants blancs!

Donald Riendeau

Avocat indépendant et conseiller en éthique.



RESPONSABILITÉ COLLECTIVE



Il n'est pas surprenant de voir poindre certaines arrestations et perquisitions. Malgré notre désir de voir la commission Charbonneau être une «commission miracle», une partie de la solution réside dans une meilleure utilisation, mais surtout une meilleure coordination des outils et contrôles existants : UPAC, forces policières, Commission municipale, commissaire au lobbyisme, ministère des Affaires municipales, Commission de la construction, DGE, etc. C'est ce à quoi nous assistons présentement mais un certain temps sera nécessaire afin que la concertation de ces organismes soit optimale et s'installe de manière permanente. La véritable solution réside cependant dans l'implication du citoyen et le changement de culture que nous amorçons collectivement. Après la critique et le défoulement, plusieurs citoyens ne se contentent plus de se croiser les bras. Certains décident de passer aux aveux sur leurs propres agissements passés pour obtenir une forme de rédemption, d'autres mettent de l'avant des actions collectives telle que la pétition à l'endroit du maire de Mascouche. Mais chacun d'entre nous doit avant tout être honnête avec lui-même, donner l'exemple en cessant de recourir au travail au noir dans les rénovations résidentielles ou tricher dans les déclarations d'impôts. Nous sommes sur la bonne voie, car nous commençons massivement à faire partie de la solution.

Photo fournie par Donald Riendeau

Donald Riendeau.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



UN DÉBUT TIMIDE



Avoir confiance en un ami, en une organisation, en un politicien suppose que l'on baisse sa garde et que l'on soit certain que la parole sera accompagnée des actions qui s'imposent. L'attribution des contrats dans le domaine de la construction semblait se faire plus souvent qu'autrement pour récompenser les amis du régime en place. Les règles n'étaient pas claires, le mystère régnait et, comme citoyen, la confiance n'était plus au rendez-vous en ce qui concerne le fonctionnement de nos institutions.  Perdre confiance nous conduit sur la voie du cynisme et, comme personne ne veut être victime du cynisme, alors nos politiciens réagissent. On veut se donner bonne conscience et améliorer son image ; alors, on met en place une commission d'enquête et un comité anticorruption. Puis, on voit que l'UPAC a posé un geste et que d'autres sont à venir. A-t-on pour autant confiance en l'UPAC ? Pas du tout. L'UPAC a encore beaucoup de croûtes à manger avant que la population ne lui fasse entièrement confiance. Ce n'est pas tout de procéder à des arrestations, encore faut-il que cela conduise à un résultat tangible en condamnant les malfaiteurs. Regagner confiance en notre système prend du temps. Pour le moment, on peut dire que c'est un début timide.

Jean Gouin

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP à Québec.



L'ÉTAT, FOYER PROPICE AUX ABUS



Tony Accurso fait l'objet de soupçons depuis belle lurette. L'émission « Enquête » a révélé en 2009 et en 2010 des accointances entre ses propriétés et les pouvoirs publics. Finalement, il s'est écoulé plus de deux ans avant que des accusations soient déposées contre lui. Évidemment, ce n'est pas parce que l'UPAC a procédé à l'arrestation d'une quinzaine de personnes qu'on en a fini avec la corruption. Désolé, mais Accurso et ses complices n'ont pas inventé la corruption! La corruption n'est pas un phénomène propre au Québec. Elle existe là où des politiciens et des bureaucrates peuvent abuser de leur fonction à des fins d'enrichissement personnel. On aura beau empiler les unités d'enquête, tant qu'on ne reconnaîtra pas que l'État s'avère un foyer propice aux abus, on ne pourra mettre un terme à ces pillages de fonds publics. L'indice de perception de la corruption (IPC) de l'organisme Transparency International  est d'ailleurs riche d'enseignement. Les pays les moins corrompus sont des pays prospères qui laissent une grande place à la concurrence et à l'économie de marché. À l'inverse, les pays les plus corrompus se caractérisent par leur pauvreté et par l'omniprésence de l'État.

Pierre Simard

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



DE GROSSES PRISES

L'Unité permanente anticorruption (UPAC) qui enquête depuis 2009 a enfin frappé fort. Il faut dire qu'il était minuit moins une pour cette escouade, car les contribuables, dont je suis, commençaient à se poser des questions et espéraient des résultats concrets. Fait intéressant: parmi les personnes qui seront accusées, se retrouvent de grosses prises: le maire de Mascouche Richard Marcotte, Normand Trudel, entrepreneur fétiche du maire Marcotte, et Tony Accurso, que nous connaissons via les nombreuses enquêtes médiatiques. Il est fort probable que ces arrestations ne soient que la pointe de l'iceberg dans cette saga qui pourrait impliquer d'autres personnes de la scène politique et des affaires. Jusqu'où s'étendent les ramifications de ces mises en scène visant à dépouiller l'argent des payeurs de taxes et d'impôts?  Parions qu'il y a de nombreuses personnes qui surveillent leurs arrières et sont en train d'acheter des déchiqueteuses. Et dire que la commission Charbonneau n'a même pas débuté ses travaux. C'est Jean Charest qui doit être heureux de cette frappe. Lui qui ne voulait pas d'enquête publique et qui n'a  cessé de vanter les mérites de l'UPAC nous dira sans doute une fois de plus qu'il avait raison.

Mélanie Dugré

Avocate.



PATIENCE ET RIGUEUR

Je n'ai jamais perdu confiance en l'UPAC et en ses capacités de s'attaquer au problème de la corruption. Il s'agit sans conteste d'une grosse machine qu'on aimerait sûrement voir rouler plus vite et donner des résultats concrets plus rapidement. Mais l'étendue du mandat de l'UPAC et l'ampleur des enjeux qu'elle doit affronter peut expliquer que par moments, il y ait du sable dans l'engrenage et  que le moulin tourne au ralenti. Pendant que l'opinion publique s'indigne de faits qui lui semblent aussi évidents que le nez au milieu du visage, les professionnels de l'UPAC s'affairent dans la discrétion à rassembler des preuves convaincantes et à monter des dossiers solides. Les présumés fraudeurs qui se trouveront dans la mire de l'UPAC et contre qui seront potentiellement portées des accusations jouiront du droit à une défense pleine et entière et pourraient tenter de faire rejeter les poursuites intentées contre eux. La rigueur et le respect des règles de procédure sont donc essentiels dans ce processus d'enquête. L'UPAC, comme bien de ses semblables, n'est certainement pas parfaite. Mais elle a prouvé sa légitimité et j'estime qu'il faut lui permettre de faire son travail en se rappelant que patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.

Mélanie Dugré

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne.

UNE ILLUSION POLITIQUE



Dans toute enquête digne de ce nom, il est nécessaire de désigner des coupables. Les boucs émissaires servent à créer une illusion de justice. Nous en avons pour exemple le scandale des commandites où seules les têtes de Jean Brault et de Charles Guité ont roulé tandis que les hauts gradés s'en sont tirés sans une égratignure avec, pour certains, les honneurs dignes des héros. Pourquoi ne pas s'attaquer directement au système politique ? Jean Charest cherche-t-il à redorer son blason avant de déclencher des élections ? Il faut dire qu'avec la grève des étudiants, le Plan Nord et la non-francisation des immigrants, le gouvernement a besoin d'un coup d'éclat. Malheureusement pour lui, ce n'est pas ce coup d'épée dans l'eau qui le fera remonter dans les sondages...

François Bonnardel

Député de Shefford.



LA POINTE DE L'ICEBERG



Le travail des policiers mérite évidemment d'être salué, mais les arrestations auxquelles l'UPAC a procédées ce matin ne sont en fait que la pointe de l'iceberg. En effet, cette première étape n'élimine en rien le système de corruption bien implanté dans l'industrie de la construction, comme nous l'avait révélé le rapport Duchesneau l'automne dernier. Nous nous attendons donc à ce que la commission Charbonneau permette d'identifier beaucoup plus d'acteurs de ce système. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il a fallu près d'un an et demi à l'escouade Marteau et à l'UPAC avant d'obtenir des résultats concrets dans le dossier de la corruption à Mascouche. Pendant tout ce temps, le système bien implanté qui nous a été révélé surtout par le travail journalistique, reportage après reportage, a continué d'oeuvrer et de coûter cher à l'ensemble des contribuables. C'est pourquoi la commission Charbonneau a été mise sur pied l'automne dernier : pour faire la lumière sur l'ensemble du système de corruption, de collusion et de malversations qui secoue l'industrie de la construction depuis des années. Seul un tel exercice permettra faire des liens que les seules enquêtes policières ne peuvent faire et d'assainir un milieu qui en a grand besoin.

Archives La Presse

François Bonnardel