Emprisonné depuis 10 ans à Guantanamo pour des crimes de guerre qu'il a commis en Afghanistan à l'âge de 15 ans, Omar Khadr demande son rapatriement au Canada. Le gouvernement Harper devrait-il exaucer son voeu? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



EX-ENFANT-SOLDAT, ADULTE ENCOMBRANT



Comment réparer une injustice qui s'étend sur dix ans? Omar Khadr était un enfant-soldat lorsqu'il a (probablement) tué un soldat américain en Afghanistan en 2002. Ces enfants enrôlés de force dans les conflits armés doivent être considérés comme victimes et protégés, stipule le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, que le Canada a ratifié en 2000. Par conséquent, Omar Khadr aurait dû jouir de la protection de son pays d'origine au moment de son transfert à Guantanamo en 2002 et aurait dû être rapatrié immédiatement. Pendant les dix années qui ont suivi, on lui a infligé des traitements qui laisseront sans doute des séquelles. Une de celles-ci : la plausible détestation du Canada, qui n'a rien fait pour le sortir de la base américaine, alors que tous les autres pays ont rapatrié leurs ressortissants. Comment Omar Khadr va-t-il s'intégrer à la société canadienne qu'il connait par ailleurs assez peu? Y a-t-il un risque de vengeance de sa part? Combien d'argent réclamera-t-il au gouvernement canadien pour l'avoir laissé croupir pendant dix ans dans une prison américaine? Même avec toutes ces réserves, le gouvernement ne pourra pas s'opposer indéfiniment au rapatriement d'Omar Khadr.

Jana Havrankova

Mélanie Dugré

Avocate.



TROP PEU, TROP TARD

Il y a longtemps qu'Omar Khadr aurait dû être rapatrié au Canada et le refus catégorique du gouvernement Harper à le réclamer d'office, aussi troublant qu'incompréhensible, a abondamment, et à juste titre, nourri les critiques à son égard. J'ai honte de l'attitude de mon gouvernement qui, bien que blâmé par la Cour suprême en janvier 2010 pour avoir porté atteinte aux droits, à la liberté et à la sécurité d'Omar Khadr laisse ce dernier croupir dans une prison hautement controversée et reconnue pour ses traitements inhumains et dégradants en contravention des droits fondamentaux et des lois contre la torture. Malgré certaines récentes nuances dans son discours et une prétendue ouverture aux discussions, le gouvernement démontre l'empressement d'une tortue à faire avancer le dossier et à initier des démarches concrètes afin d'officialiser le rapatriement. Force est toutefois d'admettre que le gouvernement Harper reste cohérent avec son idéologie et que son inflexibilité s'inscrit parfaitement dans le durcissement de son ton à l'endroit de tout ce qui touche de près ou de loin au crime et au terrorisme. Il demeure plus que jamais souhaitable qu'Omar Khadr rentre au Canada; mais peu importe ce que le gouvernement décidera, ce sera malheureusement trop peu, trop tard.

Mélanie Dugré

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



TOUJOURS UN DANGER?



Connaissant la position du gouvernement Harper face à la criminalité et aux jeunes accusés, Omar Khadr devra s'armer de patience avant de pouvoir fouler le sol canadien. Cela dit, Khadr a plaidé coupable à cinq accusations de crime de guerre. Il est donc, selon ces accusations et la preuve déposée, un terroriste. Naturellement, les États-Unis visés entre autres par les attentats du 11 septembre et le fait que Khadr n'avait que 15 ans lorsqu'il a commis les faits qui lui sont reprochés, ne veulent pas de cet enfant devenu homme et désormais un prisonnier encombrant. L'opinion publique et médiatique ainsi que certains lobbies semblent être en faveur du jeune homme. Mais encore faut-il savoir si M. Khadr représente toujours un danger ou s'il est complètement réhabilité et deviendra un citoyen ordinaire. Honnêtement, je ne voudrais pas être celui qui va décider de le rapatrier ou non. Ce dossier est une véritable patate chaude pour notre gouvernement qui se le fera sans doute reprocher, quelle que soit sa décision.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



UN PEU D'HUMANISME



Il y a 10 ans, Omar Khadr était au mauvais endroit au mauvais moment et il n'avait que 15 ans. Il dégoupilla sa grenade et il y a eu mort d'hommes, des soldats américains. L'adolescent défendait son pays qui était en guerre, mais il était aussi Canadien et le Canada se battait aux côtés des Américains. Il n'y a pas beaucoup d'excuses quand on est du côté des perdants, même si l'on est un enfant-soldat. Omar Khadr a eu droit à Guantanamo pour son geste. À Guantanamo, on ne discrimine pas selon l'âge. Tous dans le même panier : terrorisme. Toute une réhabilitation pour un enfant de 16 ans. Entouré de ses coreligionnaires, Omar Khadar a côtoyé la haine quotidiennement. On peut penser qu'il en aurait été autrement s'il avait été transféré dans une prison canadienne et que l'on avait respecté ses droits les plus fondamentaux. Je n'ai jamais bien saisi l'entêtement du gouvernement Harper à ne pas vouloir le faire transférer dans une prison canadienne. Omar Khadr était canadien. Peu importe ce qui lui est reproché, il appartient au gouvernement canadien de s'assurer que ses citoyens et ses ressortissants soient traités adéquatement. On a fait de la basse politique avec le cas Khadr. Il est maintenant temps que le gouvernement Harper se rachète. Un peu d'humanisme ne lui ferait pas de tort.

Jean Gouin

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP.



PRENONS NOS RESPONSABILITÉS



Aux yeux de la population américaine, Omar Khadr personnifie le terrorisme. Toutefois, généralement, les enfants-soldats sont considérés comme des victimes plutôt que comme des agresseurs. Son procès devant un tribunal militaire américain aura d'ailleurs fait couler beaucoup d'encre. Aujourd'hui, certains considèrent que les aveux d'Omar Khadr suffisent pour qu'on l'abandonne à son sort. Je voudrais bien que la chose soit aussi simple. D'abord, avait-il le choix de plaider coupable? Des aveux soutirés et négociés en marge d'un procès nébuleux n'ont rien de convaincant. Il ne faut pas oublier qu'Omar Khadr avait 15 ans à l'époque où il aurait tué un soldat américain en Afghanistan. Au Canada, à cet âge, vous ne pouvez pas conduire une voiture, ni acheter de la bière. En fait, tant que vous êtes d'âge mineur, vous êtes sous la tutelle de vos parents, auxquels vous devez respect et obéissance. Aussi, je ne pourrai jamais m'enlever de l'esprit que c'est sans doute parce qu'il a obéi à son père djihadiste que Khadr a passé les dix dernières années derrière les barreaux. Jusqu'ici, plusieurs ONG internationales ont décrié le traitement subi par M. Khadr. Des comités de la Chambre des communes ont aussi recommandé son rapatriement. Le Canada doit cesser de se défiler et prendre ses responsabilités.

Pierre Simard

Caroline Moreno

Écrivain et  comédienne.

TOUS ÉGAUX?



Le camp de Guantanamo est un système parallèle de détention où  les détenus sont présumés coupables jusqu'à preuve du contraire ! Beaucoup de mauvais  traitements y  ont été signalés, dont la privation de sommeil et  l'isolement. Alors qu'une centaine de détenus ont été extradés dans leur pays  d'origine, Omar Khadr croupit toujours là-bas. Il avait 15 ans à son arrivée.  C'était un enfant. Selon les conventions internationales, il n'aurait jamais  dû y séjourner. Pourquoi le Canada lui refuse-t-il son rapatriement ? Il  s'agit après tout d'un citoyen canadien né à Toronto. Ne mérite-t-il pas de procès équitable ? En privant Omar Khadr de ses droits et garanties  juridiques, le Canada bafoue sa Constitution. Ce n'est guère à son honneur...