Pendant des mois après la première présentation du Plan Nord, partis d'opposition et commentateurs ont dénoncé son manque de substance. «Un show de boucane», ont dit certains. Depuis, la «boucane» se dissipant, on réalise que le Nord du Québec attire en effet beaucoup d'entreprises, que l'optimisme exprimé dans le Plan Nord n'est pas du tout excessif. Les adversaires des libéraux ont donc changé d'angle d'attaque: ils accusent maintenant le gouvernement de «brader nos ressources».

Cette thèse repose sur trois arguments. Un: le taux de redevances exigé des minières par le gouvernement est trop bas. Deux: les Québécois profiteraient davantage des retombées de l'exploitation de leurs ressources si l'État était actionnaire des entreprises impliquées. Trois: le gouvernement paiera toutes les infrastructures dont les minières ont besoin, du jamais vu. Voyons ce qu'il en est.



LES REDEVANCES


Une étude récente de Ressources naturelles Canada montre que les entreprises minières oeuvrant au Québec sont soumises à des taux d'imposition comparables à ce qu'on trouve ailleurs au pays ou dans le monde. Le système de redevances excessivement généreux qui a longtemps existé a été corrigé l'an dernier. D'autres améliorations à la marge sont peut-être possibles, mais en gros, Québec retirera de l'exploitation des mines du Nord un niveau de revenus fort raisonnable.

LA PARTICIPATION

Plusieurs, dont M. Jacques Parizeau, voudraient que l'État québécois soit actionnaire des entreprises intéressées à exploiter les ressources du Nord. Le gouvernement n'est pas fermé à l'idée. Investissement Québec (IQ) est déjà actionnaire (à 37%) de la compagnie Stornoway, qui développe la mine de diamants Renard, à 350 kilomètres au nord de Chibougamau. Québec a aussi versé 500 millions à IQ pour qu'elle devienne partenaire d'autres projets. Que veut-on de plus? Que le gouvernement devienne actionnaire de toutes les compagnies minières présentes ici? Les contribuables veulent-ils vraiment que le gouvernement investisse des milliards dans une industrie à si haut risque?

LES INFRASTRUCTURES

C'est la principale inquiétude exprimée par M. Parizeau: selon lui, le gouvernement s'apprête à fournir routes et électricité aux entreprises minières sans rien demander en retour. Les craintes exprimées par l'ancien premier ministre nous semblent fondées sur des informations incomplètes.

Hydro-Québec n'a absolument pas l'intention de fournir de l'électricité à un tarif préférentiel. Au contraire, elle compte exiger un prix qui lui permettra non seulement de financer la construction des nouvelles lignes de transmission, mais aussi de profiter d'éventuelles hausses de prix des métaux, de construire de nouvelles centrales et d'alimenter les communautés inuits où, aujourd'hui, l'électricité est produite par des centrales au mazout.

Pour ce qui est des routes, l'approche du gouvernement n'est pas de construire suivant les seuls besoins des minières, mais de faire d'une pierre plusieurs coups. Ainsi en est-il du prolongement de la route 167 entre le lac Albanel et les monts Otish, où se trouve le projet Renard. La route servira certes à ce projet et c'est pourquoi le gouvernement a demandé à Stornoway une contribution de 44 millions (sur 332 millions). Elle permettra aussi d'accéder au nouveau parc national Albanel-Témiscamie-Otish et de faire profiter Chibougamau et les Cris de Mistissini du développement au nord. D'ailleurs, comme l'a souligné le BAPE, le prolongement de la 167 fait l'unanimité dans la région.

Il faut évidemment garder un oeil critique, notamment à l'égard du volet environnemental du Plan Nord. Cela ne devrait pas nous empêcher d'admettre que Jean Charest a fait preuve de vision en faisant de ce grand projet la priorité de son gouvernement. On devrait admettre aussi que les élus, les ministères et les sociétés d'État impliqués ne sont pas nécessairement incompétents, qu'ils ont à coeur autant que quiconque le développement durable du Québec.