Le contraste était saisissant. D'un côté, Dominique Anglade, nouvelle présidente de la Coalition avenir Québec, parle des ratés du système de santé, des sièges sociaux qui quittent le Québec, du faible taux de diplomation des jeunes. De l'autre, Pauline Marois annonce la création d'un comité sur la souveraineté chargé de «préparer un plan d'action pour faire du Québec un pays dans les meilleurs délais». Des deux femmes prenant la parole hier, Mme Anglade était certainement celle qui traitait des questions préoccupant la majorité des Québécois.

La menace Duceppe écartée, la force de caractère de Mme Marois démontrée, le Parti québécois doit maintenant s'attaquer au problème de fond qui éloigne de lui, pour l'instant, une grande partie de l'électorat. Ce problème apparaît clairement dans les données du sondage CROP publié dans nos pages ce matin: six Québécois sur dix voteraient NON dans un référendum sur la souveraineté du Québec. M. Landry a beau, dans son épître d'aujourd'hui, critiquer la «gouvernance souverainiste» de Mme Marois et dire que le PQ doit mettre «le cap sur l'indépendance», la réalité, c'est que plus les péquistes parlent de souveraineté, plus le fossé s'élargit entre eux et la population.

Si Gilles Duceppe avait pris la relève de Mme Marois, il aurait fait face au même dilemme: comment convaincre les Québécois de voter PQ tout en faisant la promotion d'un projet dont une majorité des électeurs ne veut pas, du moins à court terme?

En fin de semaine, les militants péquistes seront appelés à voter sur une série de propositions destinées à «changer la politique». Encore là, il est loin d'être certain que ces idées séduiront l'électorat. Selon le sondage CROP, 57% des Québécois s'opposent à l'idée de tenir un référendum sur la souveraineté à la suite d'une initiative populaire, tandis que 84% sont contre l'abaissement à 16 ans de l'âge donnant le droit de vote.

La nouvelle vedette de la CAQ, Mme Anglade, a raison de s'indigner des performances inégales des services publics. Beaucoup de Québécois partagent sa colère. On peut croire que là se trouve l'enjeu des prochaines élections provinciales: quel chef, quel parti met de l'avant des solutions novatrices et courageuses qu'exige la situation. À l'heure qu'il est, la réponse à cette question n'est pas claire. Le gouvernement Charest est très impopulaire; les Québécois ont soif de changement. Le parti de François Legault est le mieux placé pour profiter de ce vent, mais l'enquête de CROP montre que ses appuis sont fragiles. Pour sa part, le PQ de Mme Marois suscite peu d'enthousiasme. Cela peut changer, bien sûr. Pour que cela arrive, les péquistes doivent une fois pour toutes mettre un terme à leurs querelles intestines. Ensuite, ils doivent faire le contraire de ce que propose M. Landry et mettre le cap sur les vrais problèmes du Québec.