À l'époque où le Parti libéral prônait la réingénierie, le Parti québécois, les syndicats, les artistes et les intellectuels de gauche ont brandi l'épouvantail de la fin du modèle québécois.

Lorsque l'ADQ s'est mise à grimper dans les sondages, ses adversaires ont eu recours à la même stratégie: Mario Dumont au pouvoir signifierait la destruction de l'État du Québec et le désordre social. Le scénario se répète depuis la naissance de la Coalition avenir Québec. C'est devenu le destin de tous ceux qui proposent des changements dans la province, sauf si ce changement va dans le sens d'un gouvernement plus éléphantesque et de syndicats plus puissants.

Cette fois-ci, les libéraux se joignent à la chasse aux caquistes. «François Legault veut tout démolir», a lancé Jean-Marc Fournier. Venant d'un parti qui subit ce genre d'accusations grotesques depuis dix ans, qui a lui-même promis, sans y parvenir, de moderniser le modèle québécois, cette attitude est franchement triste à voir. D'autant que M. Legault reprend certaines idées autrefois défendues par le PLQ, notamment l'abolition des agences régionales de santé.

Selon la chef du Parti québécois, Pauline Marois, François Legault va «provoquer le chaos» s'il est élu et rouvre les conventions collectives des enseignants et des médecins. «Nous, on croit que quand il y a des ententes convenues, il faut les respecter», a renchéri le député Nicolas Marceau. Des propos qui font sourire venant d'un parti qui, au pouvoir avec René Lévesque, avait retiré aux employés de l'État des augmentations de salaires consenties auparavant.

Cette défense acharnée du statu quo montée par les «vieux partis» et les syndicats repose sur la conviction qu'à l'heure actuelle, somme toute, les choses vont bien dans les systèmes d'éducation et de santé. Or, aux yeux de beaucoup de Québécois, ce n'est pas le cas. Les solutions mises de l'avant par la CAQ sont-elles les bonnes? Ce n'est pas certain, mais elles ont au moins le mérite d'être nouvelles. Ainsi, rien ne dit que l'évaluation des enseignants produirait des miracles, mais chose certaine, il n'est pas normal que des gens à qui nous confions ce que nous avons de plus précieux ne soient pas soumis à une évaluation systématique.

Pour ce qui est des médecins, ni l'amélioration de leur rémunération ni l'ajout de primes ni la hausse de leur nombre n'ont réglé le problème d'accès aux soins de première ligne. M. Legault veut essayer autre chose; où est le crime?

À quelques mois, peut-être à quelques semaines d'une campagne électorale, ce retour en force de la peur comme argument massue est de mauvais augure. Nos politiciens sont-ils incapables de débattre autrement qu'en sortant leurs costumes d'Halloween? Dire que certains prétendaient «changer la politique»...