À peine 0,03 degré Celsius: telle est la hausse de la température terrestre qui se produirait si tout le pétrole contenu dans les sables bitumineux canadiens était consommé. C'est 30 fois moins que la contribution du charbon au réchauffement climatique et 8 fois moins que celle du gaz naturel.

Ces données résultent des calculs faits par des chercheurs canadiens, calculs publiés cette semaine dans la revue Nature. Le gouvernement Harper et l'industrie pétrolière se sont tout de suite félicités de ces résultats. «J'espère que cela va mettre un terme aux déclarations grossièrement exagérées faites par plusieurs personnes qui devraient être mieux informées», a lancé le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver.

Sans partager l'enthousiasme de M. Oliver, il faut admettre que cette étude change la donne, notamment parce que l'un de ses auteurs, le climatologue Andrew Weaver, ne peut pas être soupçonné de faire partie des «sceptiques» des changements climatiques. En effet, M. Weaver a participé à la rédaction des rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). «Pour ce qui est des changements climatiques, ce n'est pas le pétrole qui pose problème, constate-t-il aujourd'hui. C'est le charbon et le gaz non-conventionnel».

S'ajoutant au rapport publié en 2010 par la Société royale du Canada, l'analyse du professeur Weaver met en perspective les risques à l'environnement posés par les sables bitumineux. Les militants écologistes ont mis beaucoup l'accent sur ce «pétrole sale». On comprend pourquoi: les méchants sont facilement identifiables - les pétrolières, les Albertains, Harper - et les méthodes d'extraction offrent des images horrifiantes à souhait. Pourtant, si l'on compare les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites du puits à l'auto par le pétrole non-conventionnel albertain à celles d'autres pétroles, l'écart n'est que de 5% à 15%. Le gros (75% à 80%) des émissions de GES attribuables au pétrole, quelle que soit sa source, sont produites lorsque l'essence est brûlée par les moteurs des automobiles, bien après l'extraction et le raffinage. C'est pourquoi il y a une bonne dose d'hypocrisie dans la directive préparée par l'Union européenne visant à limiter l'importation du pétrole bitumineux. Cette directive fera l'objet d'un vote crucial aujourd'hui même.

Cela dit, bien que la contribution des sables bitumineux au réchauffement de la planète soit beaucoup moins grande qu'on l'a prétendu, les gouvernements et l'industrie d'ici ont toujours la responsabilité de nettoyer les méthodes d'extraction du pétrole albertain. En effet, l'exploitation de cette ressource sera de loin la principale cause de l'augmentation des émissions de GES au Canada au cours des prochaines années. De plus, cette industrie cause de graves dommages à l'environnement du nord de l'Alberta. Dans le contexte canadien, l'attentisme du gouvernement Harper est donc inadmissible.